Le commissaire Boubacar Sadio achève Macky Sall

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Le commissaire Boubacar Sadio achève Macky Sall

Monsieur le Président de la République

« Votre désinvolture affligeante, votre parole instable ainsi que vos aveux graves et choquants ont fortement entamé et profondément entaillé votre crédibilité »

 

Monsieur le Président de la République, je ne suis point un nihiliste invétéré ni un contempteur borné et cintré au point de vous denier des réalisations à votre crédit. Si l’on prend la problématique du terrorisme, j’ai magnifié votre excellente vision concrétisée par des programmes visant à réduire la fracture entre les centres urbains et les localités de l’intérieur. Ses programmes, judicieux dans leur conception, ont souvent péché dans leur réalisation à cause de considérations politiciennes dans le choix des zones ciblées. L’objectif d’une telle politique était de doter ces localités, notamment celles se situant aux frontières d’équipements sociaux de base pour mieux assoir et affirmer la présence de l’Etat, de la puissance publique aux côtés des populations. Il est généralement admis que l’absence d’équipements sociaux et d’infrastructures publiques constituent un terreau fertile, des lacunes, des manquements que mettent à profit les terroristes pour pallier l’absence de l’Etat. Ils développent, à cette occasion, une rhétorique qui ne fait qu’exacerber les frustrations et les colères des populations, notamment la jeunesse qui devient une cible d’enrôlement facile. Toujours concernant le terrorisme, vous avez renforcé les capacités d’action et de réaction des forces de défense et de sécurité, particulièrement la communauté du renseignement qui produit un excellent travail de prévention, d’anticipation et d’actions proactives qui ont pu aider notre pays à contenir voire à écarter toute forme de menace.

 

Monsieur le Président de la République, toujours dans le cadre de vos acquis, on pourrait citer la réalisation de certaines infrastructures immobilières, routières et sportives. Ainsi, pourrait-on évoquer le TER, le futur BRT, les stades, etc. Il se trouve que beaucoup de ces réalisations, pour ne pas dire la plupart, sont des éléphants blancs, c’est-à-dire des investissements très onéreux pour les finances publiques qu’alimente l’argent du contribuable mais sujets à caution, parce qu’inopportuns par leur nécessité tant économique que social et non judicieux par leur pertinence technique. Ce sont des dépenses de prestige qui donnent l’impression que vous voulez instaurer une concurrence malsaine et de mauvais aloi avec votre prédécesseur le Président Abdoulaye WADE qui, n’en déplaise à vos flagorneurs, restera toujours votre maitre dans tous les domaines.

Je m’inquiète et m’étonne à la fois qu’après neuf ans passés à la tête du ministre des sports, l’actuel titulaire du poste n’ai pas pu construire un seul stade homologué par les instances du football international

 

Monsieur le Président de la République, en jugeant objectivement votre bilan, et par rapport à vos déclarations antérieures et vos engagements à l’entame de votre mandat, il est aisé de conclure que celui-ci est négatif, les plus indulgents diront qu’il est mitigé. Au début de votre magistère et même bien avant, quand vous étiez en quête des suffrages des Sénégalais, vous déclariez que vous n’étiez pas élu pour réaliser des infrastructures, mais pour réinstaurer et consolider l’état de droit qui, à votre avis, partagé par tous vos compatriotes, était mis à rude épreuve par le régime précédent qui bafouait les règles et piétinait les principes républicains les plus élémentaires. Vous avez pris solennellement l’engagement de faire du Sénégal un Etat de droit ou la justice sera égale pour tous, où l’équité et légalité des citoyens seront garanties, où les ressources publiques seront équitablement réparties et où, enfin la morale et l’éthique constitueront les véritables références axiologiques du contrat social. Vous avez résumé cette nouvelle vision politique dans une belle formule qui avait séduit les sénégalais « une gouvernance sobre et vertueuse ».

 

Monsieur le Président de la République, aujourd’hui les Sénégalais constatent une gouvernance sombre, nébuleuse et tortueuse contraire et diamétralement opposée à vos belles et mirobolantes promesses. Les moments qu’ils vivent sont pénibles, très éprouvants et leur paraissent cauchemardesques par rapport à leurs attentes d’une vie sociale meilleure, d’une pratique politique saine et d’une justice objective et indépendante. Il y a vraiment eu tromperie sur la marchandise ; en excellent boulanger, vous avez enroule les Sénégalais dans la farine. Votre magistère est marqué par des promesses non tenues, des engagements non respectés, des renonciations spectaculaires, des abjurations publiques et des parjures inqualifiables. Les exemples ne manquent pas pour confirmer et corroborer nos propos. Les Sénégalais, totalement désemparés, s’offusquent de votre désinvolture affligeante, de votre parole pathologiquement instable et inconsistante ainsi que de vos aveux graves, choquants et effarants pour une autorité censée incarner et synthétiser, au plus haut standard, les valeurs positives, sociétales, morales et éthiques de la communauté dont les destinés lui ont été confiées

 

Monsieur le Président de la République, si la désinvolture, comportement empreint de légèreté et de laxisme, peut être tolérée dans certaines circonstances et pour certaines personnes, elle devient une tare majeure s’il s’agit d’une autorité de votre dimension dont on attend que tous ses actes, gestes et paroles soient empreints de sérieux et de sagesse. Il faut le constater, le déplorer pour le dénoncer vigoureusement, au besoin, beaucoup d’actes que vous avez eu à poser sont marqués d’une désinvolture qui ne fait que vous déprécier aux yeux de l’opinion ; et les exemples sont légion. Devant la réticence compréhensible de certains sénégalais à se faire vacciner, n’avez-vous pas menacé sur un ton paternaliste et condescendant, d’offrir les doses de vaccin à d’autres peuples ? Vous feigniez d’oublier que ces vaccins ont été achetés avec l’argent du contribuable et que, ce n’est pas votre propriété. Quand bien même ce serait le produit d’un don, c’est la propriété commune et collective de tous les Sénégalais. Ici, la désinvolture se confond avec l’arrogance. N’est-ce-pas vous qui avez nommé un mort pour occuper les fonctions de préfet ? Ici, la désinvolture se confond avec l’étourderie. N’est-ce-pas vous qui avez fait libérer par grâce présidentielle un grand fraudeur de produits pharmaceutiques dont le dossier était en instance ? Comme explication, vous avez déclaré avoir été trompé. Ici, la désinvolture se confond avec le manque de vigilance. On peut citer le même cas avec ce monsieur qui a été nommé Président du conseil d’administration alors que son dossier n’avait pas été vidé. N’avez-vous pas attendu que le conseil constitutionnel se réunisse en formation restreinte illégale pour débouter l’opposition, pour que vous daigniez nommer les trois juges dont les mandats      avaient définitivement expiré ? Ici, la désinvolture exprime le manque total de considération que vous avez pour nos institutions. C’est vraiment affligeant. N’avez-vous pas attendu la toute dernière minute pour décréter la révision des listes électorale en vue des prochaines municipales. On peut noter aussi de la désinvolture dans votre langage, notamment quand vous employez les termes « narfekh ak rambacc », un niveau de langue terre-à-terre, prosaïque et de bas étage, digne de mégères et rombières se querellant au tour d’une borne fontaine.

 

Monsieur le Président de la République, quant à votre parole, elle est universellement réputée, connue et reconnue comme étant terriblement instable et dramatiquement inconsistante. L’évocation de nombreux exemples pour étayer nos propos pourrait remplir des dizaines de pages, il n’est que de citer un exemple illustratif ; votre engagement sous serment de ne jamais user votre signature décrétale pour nommer votre jeune frère à des responsabilités publiques. Ne l’avez-vous pas nommé par décret directeur de la caisse de consignation ? Une structure ou l’on brasse des milliards et qui, comble du scandale, échappe à tout contrôle.

 

Monsieur le Président de la République, le plus grave dans tout ce qui vous est reproché, c’est vos aveux ; des aveux graves, troublants, choquants, effarants et quelque fois sidérants, de la part d’une autorité devant prêcher d’exemple vis-à-vis de ces concitoyens.  Vous êtes plus qu’une autorité institutionnelle, vous êtes une autorité morale qui constitue la référence suprême dans l’observation et l’application des principes de la république et des règles morales qui régissent la vie sociale. N’avez-vous pas avoué avoir mis sous le coude de nombreux dossiers qui auraient dû se retrouver entre les mains du procureur de la république, des dossiers concernant de grands délinquants impliqués et accusés pour des faits avérés de corruption et de détournements de derniers publics. Par cet aveu, vous confirmez qu’il y a une justice asymétrique et bancale protectrice des forts et implacable pour la plèbe. A votre niveau de responsabilité, cet aveu est doublement alarmant ; d’une part il démontre à suffisance que vous avez failli au respect de votre serment et que d’autre part il vous rendrait coupable, si vous étiez un citoyen ordinaire, du délit de recel de malfaiteurs et d’entrave au bon fonctionnement de la justice. Qui plus est, n’avez-vous pas avoué solennellement et publiquement qu’il y a des citoyens intouchables dont la traduction devant les instances judiciaires pourrait créer des troubles graves à l’ordre public ? Comment un Président de la République, gardien de la constitution, peut-il tenir de si graves propos, avouant ainsi devant ses compatriotes, certainement médusés, que la justice de son pays peut être partielle, partiale, et subjective en fonction de la personnalité du justiciable.

 

Monsieur le Président de la République, le comble, le summum de vos aveux, apparaît quand vous avez, sans gêne occulte, avec l’air de vous en enorgueillir, que vous ne ferez plus du « njucc-njacc ». C’est un aveu gravissime. Vous reconnaissez ainsi publiquement que vous faisiez du « njucc-njacc », c’est-à-dire que vous versiez dans la magouille. Le « njucc-njacc » est une expression de notre langue nationale que traduit parfaitement le vocable magouille, est une pratique honteuse, dégueulasse, immorale, à laquelle se livrent des hommes sans foi ni loi, des hommes de sacs et de cordes. Toute personne, ce n’est peut-être pas votre cas, qui verse ou qui a versé dans le « njucc-njacc », c’est-à-dire la magouille, a usé, à un moment, de supercherie, de tricherie, de roublardises, de manigances, de subterfuges, de stratagèmes, d’expédients, de ruses et d’entourloupes de toutes sortes pour arriver à ses fins. La magouille est condamnable et celui qui s’y adonne est méprisable ; c’est une pratique indigne et dévalorisante qui entame la crédibilité et l’honneur de celui qui s’y adonne et qui l’adopte comme principe d’action et philosophie de vie. A l’école nationale de police et de la formation permanente, un de nos Professeurs, Monsieur MATTEOS, nous disait ceci : « Chers futurs commissaires de police, on peut être dans la flicaille sans être une racaille mais si on trempe dans la magouille on devient forcément une fripouille »

 

Ziguinchor, le 14 aout 2021                                                    

 Boubacar SADIO

                                                                           

Commissaire divisionnaire de police de classe exceptionnelle à la retraite.

 

 


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