Montpellier va-t-il ouvrir une nouvelle ère dans la relation, France/Afrique ?

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Montpellier va-t-il ouvrir une nouvelle ère dans la relation, France/Afrique ?

  

Le sommet de Montpellier a vécu mais il continue à susciter dans bien des coins en Afrique, débats et réflexions en tous genres. Certaines personnalités et pas des moindres, trouvent ce sommet, nul. La preuve, par ces mots de colère. Un sommet pour rien ! Le sommet de la mascarade ! Un sommet -cinéma ! Le sommet de la honte ! On aura entendu tous les qualificatifs péjoratifs pour qualifier cette rencontre. Tout de même et pour faire justice, il y en a qui crient fort pour dire que le sommet fut une réussite !

Qu’en est-il vraiment ? Dans cette affaire, je crois très sincèrement que toutes celles et ceux qui ont pris la parole, ont de bonnes raisons de le faire. Ils ont tous à cœur de voir la situation lamentable du continent africain, évoluer vers des lendemains meilleurs. C’est là le rêve de l’écrasante majorité des africains. La longue nuit de l’humiliation et du mépris qui durent depuis des siècles, ne laissent aucun africain digne de ce nom indifférent. La passion, l’âpreté des joutes verbales, traduisent le désir profond d’une autre Afrique. Une Afrique respectée traitant d’égale dignité avec tous les pays du monde.

 Nous n’en sommes pas encore là hélas ! Et ce n’est pas demain la veille que les autres vont entretenir de nouveaux rapports fondés sur le respect mutuel avec l’Afrique.

Qu’un aréopage d’intellectuels de haut vol, s’offusquent du traitement humiliant réservé aux chefs d’Etats africains, zappés au profit de la société civile ; cela peut faire mal mais à y réfléchir de plus prés, on se dit finalement  : «  ils n’ont eu que ce qu’ils ont mérité ! ». La France officielle est informée de la gouvernance hideuse et corrompue qui a cours un peu partout en Afrique. Elle sait par ses services de renseignements et autres officines que les populations ont vomi la classe politique à la tête de nos Etats . Maintenant pour être à l’air du temps, la France est obligée de se réajuster.

Un bel adage de chez nous enseigne cette vérité d’airain : « Le travail que le cordonnier est censé faire pour le client, est fonction du jugement et de la perception qu’il a de ce dernier. »

Et pour dire vrai, la France en sait beaucoup sur les frasques, écarts de conduites et autres dérives inadmissibles de la part des dirigeants africains. Quand vous êtes en relation avec des autorités aussi farfelues et aussi irresponsables, à la longue, il n’y a plus de respect qui tienne. C’est aussi simple que cela ! Et comme dit l’autre, le respect se mérite !

Fort des vérités énoncées plus haut, que faire pour changer la donne ? Voilà la grande question !

Ils sont nombreux et parmi eux  de brillants intellectuels pour dire à la face du monde que le sommet de Montpellier, est une façon pour la France de retarder la rupture inéluctable d’une relation asymétrique entre elle  et l’Afrique. Les arguments brandis dans ce sens, méritent respect. Et je comprends l’amertume de ceux là qui veulent couper définitivement le cordon ombilical qui attache l’Afrique à la France.

La vérité, c’est aussi le fait que cette mainmise de la France sur nos pays, constitue un véritable frein à notre développement. Cela, personne n’ose le contester ! Qu’on en vienne aujourd’hui à vouloir inverser la donne, cela me paraît être une excellente chose.

Mais pour en arriver à des résultats qui puissent satisfaire tout le monde, il y a lieu de dissiper bien des malentendus. Ce qui ne sera pas facile pour la bonne et simple raison que l’écrasement de nos sociétés par la France s’est étalé dans une séquence temporelle très longue. Et celui-ci a laissé des cicatrices qui ne vont pas se refermer de sitôt. Dans son rapport avec le blanc, l’ex colonisé a encore du mal à s’extirper psychologiquement, moralement, socialement des pesanteurs et autres traumatismes subis.

Cela dit, je ne crois pas un seul instant qu’il y ait de la part des promoteurs africains du projet, Afrique/France d’un autre type et piloté par Achille Mbembe, un désir de trahir l’idéal panafricain. Maintenant au-delà du bruit, de la fureur, de la passion, il y a lieu pour les deux camps- les anti et les pro-Montpellier-d’éviter le piège de l’invective et du soupçon. C’est là deux tares qui ont fait énormément de torts à l’Afrique.

Tout cela pour dire que le contentieux qui oppose la France à l’Afrique est très lourd. La preuve par les différentes sorties au vitriol d’hommes et de femmes appartenant à différents horizons culturels et s’en prenant violemment à la France. Ont-ils tort ? Non !!! C’est à la France de changer radicalement sa démarche pour être en phase avec l’évolution accélérée des sociétés africaines.

Que des Français bon teint de plus en plus nombreux, se mettent à hurler contre ce système, est révélateur d’un réel malaise. Et ce malaise là profond, ce n’est pas par des subterfuges et autres ruses qu’on arrivera à s’en débarrasser. La France officielle doit rompre et définitivement avec cette politique qui ne fait qu’enfoncer nos pays dans les affres du mal développement. L’aide publique au développement n’est pas ce qu’elle devrait être. Ecoutons François -Xavier Verschave(FXV) qui a compris comment le système fonctionne , expliquer cette grande « farce », appelée, coopération : « Nous le comprenions de mieux en mieux, au fil de nos investigations, ce système d’aide publique au développement fonctionnait comme une « aide secrète au contre – développement »,en déresponsabilisant et  corrompant les autorités des pays «  aidés », en camouflant le bradage des matières premières, en alourdissant un fardeau financier non justifié. » in, La Françafrique …Le plus long scandale de la République, paris, Editions, Stock, P72

FXV, mort prématurément hélas, fait partie de ces hommes d’élites qui ont contribué grandement à faire avancer la cause de la justice dans le monde. Il a compris et fait sienne cette sublime réflexion de son brillant compatriote, Montesquieu : « Si je savais quelque chose qui fût utile à ma patrie et qui fût préjudiciable au genre humain, je la regarderais comme un crime. » Plaise à Dieu que cette vérité lumineuse qui a servi de boussole à FXV, inspirer la France officielle. Elle en a besoin !

Toute la vie de FXV s’est inscrite dans le registre de la défense et de la préservation d’un idéal : l’idéal de justice pour tous ! Quand on a accroché sa vie à une étoile, on ne peut pas mourir. FXV restera vivant et à jamais pour tous les peuples en lutte pour un mieux être. Son combat, c’est le combat de tous les hommes épris de paix et de justice.

Cet ami véritable de l’Afrique nous demande outre-tombe d’être vigilant parce que les ennemis de l’Afrique- Dieu sait qu’ils sont nombreux- travaillent d’arrache –pied pour créer la suspicion et la haine dans le milieu intellectuel. De fait, l’erreur fatale que pourrait commettre certains intellectuels, c’est de s’arroger à eux seuls le rôle de défenseurs intransigeants des sociétés africaines.

N’excluons personne dans le combat pour l’avènement d’une Afrique adossée aux valeurs d’humanisme et de progrès. Les préoccupations et autres défis qui sont les nôtres, sont d’une complexité telle qu’il serait suicidaire de laisser s’installer une opposition totalement contre-productive dans le champ intellectuel africain. La difficulté à trouver les meilleures réponses aux questions qui taraudent la conscience africaine, exige qu’on se donne tous la main pour pouvoir les affronter avec quelque chance de succès.

Ces oppositions verbales, parfois vigoureuses, je les trouve, saines et tout à fait normales. Mais attention : évitons autant que faire se peut les postures dogmatiques qui ne laissent place aucunement aux compromis dynamiques ; les seules à même de faire bouger les lignes.

Quant à Achille Mbembe et son équipe, ils doivent poursuivre avec tous les autres qui ne sont pas d’accord avec eux la réflexion sur les problématiques majeures qui tenaillent le continent. Il est possible que sur certaines questions fondamentales, telles que le CFA, les bases militaires françaises, les coups d’état constitutionnels, le trucage des élections en amont et en aval, la question de l’industrialisation  qu’on puisse trouver à l’interne un consensus fort à même de booster et de consolider la démocratie et  le développement dans  nos pays.

Le monde bouge ! Et la France n’est pas aussi inintelligente qu’on le pense. Si les intellectuels africains dans leur diversité et en synergie avec les peuples, en arrivent à parler d’une seule voix, la France sera obligée de suivre.

Et dans cette direction, j’invite encore une fois les uns et les autres à faire preuve de dépassement en évitant certaines querelles de clochers qui ne feront que retarder la mise en place des réformes salutaires.

Un pas timide, diront certains, a été posé mais le plus dur reste à faire : convaincre les autorités françaises sur la nécessité absolue de ne plus soutenir les dictatures en Afrique et les troisièmes mandats. Ce serait là un pas en avant sur le chemin de la rédemption du continent.

J’entends les ricanements de certains, me traitant de naïfs. Pour ces rêveurs d’un genre nouveau qui ne tiennent pas toujours compte du réel, seul le rapport de force sur le terrain pourrait faire pencher la balance dans le sens des intérêts des africains. Leur raisonnement n’est pas bête ! Seulement, le rapport de force ne se décrète pas à coup de slogans et de diatribe. Le rapport de force se fait dans la dialectique des oppositions faites d’intelligence, de pragmatisme et surtout de compréhension des grands enjeux qui agitent le monde. Le combat qui est le nôtre n’est pas aussi  facile qu’on le croit .Il doit se faire avec beaucoup de perspicacité sinon bonjour les dégâts.

Tout compte fait, continuons encore et toujours à discuter mais dans la sérénité. Ce n’est que dans la discussion que la lumière qui manque tant à ce continent, pourrait éclairer nos différents chemins. Et c’est à cela que nous convie, ce grand sage africain, Amadou Hampathé BA dont la parole surplombe le temps par la richesse qu’elle charrie : « Si tu penses comme moi, tu es mon frère. Si tu ne penses pas comme moi, tu es deux fois mon frère, car tu m’ouvres un autre monde. » A méditer par tous !

Tout compte fait, les intellectuels africains, face aux drames innommables de ce continent qui continue à saigner par la faute principalement de ses enfants, sont sommés par l’histoire d’enrayer le cours de cette… fatalité.

Pikine, le 19/ 10/ 2021

Madi Waké TOURE, Conseiller en Travail Social

[email protected]


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