NON NOUS NE SOMMES PAS DES PAYS DE MERDE

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NON NOUS NE SOMMES PAS DES PAYS DE MERDE

  En revanche nous avons des dirigeants de merde et des peuples emmerdés

 

Hier un thuriféraire de la suprématie occidentale a prétendu à Dakar que l’Afrique n’est pas suffisamment entrée dans l’histoire. Aujourd’hui c’est au tour de Trump de qualifier nos pays de « pays de merde ».

 

Au premier je voudrais simplement rétorquer que l’Afrique a effectivement cessé de prendre une part active dans l’histoire de l’humanité le jour où sa trajectoire a croisé celle des Arabes d’abord et celle des Européens, ensuite. Nos religions, nos valeurs, nos cultures, nos langues ont été systématiquement niées, abolies pour la mise en place, dans l’arrière-plan de notre conscience historique, des chaînes psychologiques qui nous soumettent encore à l’autre. Nous n’avons plus un ÊTRE à nous, nous continuons encore à perpétuer ces chaines en cultivant la dépendance culturelle et intellectuelle. Nous avons coupé le cordon ombilical qui nous liait à notre culture en arrimant systématiquement notre conception de l’homme et de l’économie sur celle des autres.

 

Nous avons toujours trouvé remèdes à nos maladies, nous avons toujours résolu nos contradictions sociales, nous avons très tôt institutionnalisé la rationalité écologique que les autres n’arrivent toujours pas à atteindre. Et on ose nous dire que nous ne sommes pas suffisamment entrés dans l’histoire ! Comment nos ancêtres ont fait pour savoir que le « n’guer » (guiera senegalensis) soigne le rhume et une dizaine d’autres maladies ? C’est nous qui refusons de faire notre propre histoire : nos ancêtres nous ont légué ces connaissances des plantes médicinales, mais nous n’en avons rien pétri de nouveau. Et s’il en est ainsi, c’est parce que nous sommes distraits et déviés de notre destin national par la sublimation de la culture d’autrui. Dès l’indépendance une industrie pharmaceutique aurait pu être développée sur la base d’une exploitation scientifique des ces connaissances dites empiriques que nos ancêtres nous ont léguées.

 

Nous n’avons donc pas joué notre partition et nous avons failli à notre mission. Combien de maladies auraient pu être vaincues par le développement d’une étude approfondie du n’guer ? Combien d’emplois crées ? Que dire du développement de la culture du bissap et d’une industrie agro-alimentaire basées sur nos besoins et nos possibilités. La médecine moderne chinoise n’a jamais rompu les amarres avec la médecine traditionnelle chinoise et elle est de loin en avance dans beaucoup de domaines sur celle occidentale. Nos mangues continuent de pourrir alors que les Sénégalais n’ont même pas droit à un dessert ! Est-ce vraiment sensé ? Pourquoi n’avons-nous pas développé un curriculum complet sur la recherche en énergie solaire ? Pourquoi nous cultivons davantage l’arachide que le mil alors que celui-ci pourrait faire du pain beaucoup d’autres variétés alimentaires ? Que dire du kinkéliba avec sa saveur royale et ses vertus thérapeutiques quasi infinies ?

 

Les moyens de notre développement sont là, simples et abondants, mais nous refusons de les voir. Nos problèmes de santé ne pourront jamais être réglés tant que nous ne trouverons pas chez nous les vrais remèdes faits à partir de ces « congénères » que nous appelons plantes locales : ils « respirent » ce que nous expirons, boivent ce que nous buvons et sont « vitalisés » par la même énergie solaire. N’est-ce pas là un signe ? La nature, notre vraie mère, nous offre tout ce dont nous avons besoin comme matière première qui attend la culture pour construire notre bonheur sur terre. Mais la rencontre avec l’autre a brisé cet élan d’étreinte écologique qui aurait dû être la voie de notre vrai développement.

 

 

A Trump[1] qui joue au loufoque pour mieux mettre en exécution ses plans machiavéliques de suprématie absolue de l’Amérique sur le monde, nous répondrons que nous ne sommes guère des pays de merde. C’est vous qui nous emmerdez avec des oligarchies inféodées aux vôtres, celles que vous placez à la tête de nos États pour mieux nous asservir. Nous avons des dirigeants de merde qui ne savent que faire des immenses ressources naturelles dont regorge le contient. Comment comprendre que les pays africains producteurs de pétrole connaissent encore des problèmes énergétiques ? Comment comprendre l’empressement du gouvernement sénégalais à livrer l’exploration et l’exploitation de notre pétrole à des firmes dont la rapacité est universellement connue ? C’est évident que notre pétrole sera volé, qu’il est même déjà volé, et que tout ce tintamarre sur les concertations ne cherche qu’à occulter un scandale immensément odieux. C’est en amont qu’il fallait demander aux Sénégalais leur avis sur l’exploitation du pétrole et même, si possible, sur le choix des partenaires.

Maintenant que des firmes ont été déjà choisies et qu’elles bénéficient de toutes les commodités fiscales et de garanties sociales, nous nous entendrons juste sur la forme d’asservissement la moins cruelle. Nous sommes très mal partis : quand on met la charrue avant les bœufs, c’est qu’on n’est pas préparé à aller loin.

 

Le manque de vision est le symptôme le plus manifeste du déficit de leadership de nos dirigeants : ils mendient devant toutes les portes du monde alors qu’ils offrent des mines d’or à leurs généreux donateurs. Ils copient des politiques de développement en toute ignorance de leurs réalités locales. Après avoir fermé la SONADIS, ils nous ont amené Auchan : quelle arnaque ! Au lieu de faire la promotion des structures commerciales locales, on les aliène à des grandes surfaces souvent en combine avec des pontes du régime. Un dumping infernal est ainsi injustement imposé aux producteurs locaux qu’on va à la longue étouffer. Pendant ce temps, nos dirigeants nous inondent avec une communication insolente sur des politiques sociales miséreuses.

 

Le pire est que les candidats déclarés à la présidentielle de 2019 se laissent moulés dans l’agenda d’imposture économique et sociale du candidat sortant. C’est triste et révoltant de promettre continuer une politique de bourses familiales qui n’a jamais sorti une seule famille de la misère. Il faut vraiment manquer de vision pour accepter d’articuler son programme sur une politique d’un Président comme Macky Sall. Il y a infiniment plus efficient que cette politique corruptive de bourses de sécurité familiale qui n’assure aucune sécurité. Il faut miser sur l’éducation et la formation pour combattre la pauvreté et créer des richesses locales. A la place de cette politique stérile j’aurais financé les études ou la formation des jeunes issus de familles pauvres. La perdition scolaire est encore incommensurable et la pauvreté y est pour quelque chose. Accorder une bourse d’études à un enfant issu de la banlieue ou du monde rural, assurer la formation technique de jeunes qui n’ont pas eu la chance de faire des études est plus raisonnable que de donner de l’argent à leurs parents.

 

Alassane K KITANE

Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès

Président du Mouvement citoyen LABEL-Sénégal

Membre de l’IPC/FIPPU

 

[1] Ses agissements sur la péninsule coréenne obéissent à des enjeux bellicistes contre la Chine


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