OSONS L’ÉDUCATION…

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OSONS L’ÉDUCATION…

 

Monsieur Bassirou Diomaye Faye,

Monsieur Ousmane Sonko,

 

Vos détracteurs et vos adversaires politiques, qui ne manquent pas dans ce pays, pourraient tout vous reprocher sauf de ne pas voir grand pour le Sénégal. Il n’est de secret pour personne que vos ambitions pour notre jeune Nation sont énormes, et que vous comptez peser de tout votre poids pour rompre les liens de servitude qui nous lient à la France.

Tant qu’à vouloir changer les choses, faisons-les donc en grand!

Osons aller à la racine de nos insatisfactions pour y implanter une éducation qui nous ressemble, c’est-à-dire un système éducatif à la mesure de nos ambitions et de nos rêves.

Messieurs Sonko et Bassirou Diakhar Faye, que ceux à qui vous avez confié la charge de conduire les destinées de notre éducation ne nous amènent pas des réformettes pour nous faire croire qu’il y a des changements ou qu’il y en aura. Amener un nouveau ministre de l’Éducation, changer la tête de quelques personnes qui chapeautent des directions en éducation, redémarrer la machine bureaucratique avec une nouvelle équipe, ce n’est pas réformer notre système éducatif, c’est plutôt demeurer dans le même sillage. C’est continuer de former pour une bonne part de jeunes Sénégalais à « peau noire masques blancs ».

Notre école doit ressembler à la société sénégalaise et non pas être la pâle copie de l’école française. Bâtir un système éducatif qui nous ressemble, c’est l’habiller avec nos idéaux, c’est lui faire porter les bottes de nos défis et lui assigner la mission de nous conduire sur le sentier de l’émergence. L’École sénégalaise a soif de changements réels et profonds, elle l’attend depuis plus d’un demi-siècle. Malheureusement, à chaque grand tournant de notre histoire, on nous annonce des changements radicaux qui ne viennent jamais ou bien s’ils sont amorcés, on crée alors à côté des conditions qui les dépouillent, chemin faisant, de leur substance et de leur vitalité initiale.

L’éducation au Sénégal n’est pas statique, pourrait-on nous faire remarquer. En effet, à travers plusieurs décennies successives, il est possible de noter des changements qui ont été souvent opérés. Mais pour quels résultats? Hélas, pour rien de probant! Tout est mitigé et la cohérence d’ensemble de notre système éducatif laisse encore à désirer de nos jours : des pans entiers d’avenues de formations mondialement reconnues pour leur utilité publique manquent à notre système ou sont mal considérés pour un pays qui se veut inclusif et qui vise l’émergence.

Sénégalaises, sénégalais, l’heure est venue de nous retrouver pour redéfinir ensemble la véritable mission à assigner à notre école. Notre jeunesse a besoin d’emploi plus que jamais et la Nation a besoin, quant à elle, de fils qui lui ressemblent. Il urge donc de savoir naviguer entre les priorités de l’heure et l’urgence des défis pressants qui nous assaillent. Le Sénégal est attendu au rendez-vous du Futur, notre espoir est de pouvoir y revendiquer et aussi y occuper sans conteste une place de choix qui correspondrait à la grandeur de nos hommes, à la maturité de notre peuple, et à l’aspiration collective des hommes et des femmes qui vivent à l’intérieur de nos terroirs assis sur des richesses colossales dues à notre position géographie et à la clémence infinie de notre sous-sol.

 

Sénégalaises, Sénégalais, vouloir rebâtir notre éducation en faisant abstraction de la mission à assigner à notre École, c’est nous bâtir une chapelle sans charpente. C’est oublier ou méconnaitre que c’est le but qui détermine le chemin et non l’inverse. En vérité, pour créer une œuvre qui prospère dans le temps, tous les pinceaux ne se valent pas et ne jouent pas non plus le même rôle. Le rond, le plat, l’éventail ne sont pas des pinceaux interchangeables pour dessiner un monde éducatif à la mesure des attentes d’un Peuple qui piaffe d’impatience à l’idée de pouvoir prendre son plein essor. Mieux, c’est mettre les charrues avant les bœufs que d’énoncer des axes priorités de notre système éducatif sans nous accorder au préalable sur la mission que nous voulons assigner à notre l’école.

Les divergences et les tergiversations ne nous ont jamais servi, et ils ne nous feront pas avancer. Il fut un moment où l’on nous leurrait, l’on nous pompait l’air en nous parlant de l’école nouvelle, alors que nous savons tous que notre école n’a jamais été véritablement nouvelle. Nous avons toujours été dans le suivisme, dans le calque maladroit, dans le recadrage, dans le manque d’audace et de vision à long terme…

Au demeurant, il importe que nos roitelets – ces ministres qui se relaient au chevet de notre éducation- comprennent que piloter un système éducatif va au-delà de placer ses hommes à des postes clefs et de gérer la quotidienneté des évènements. Et fort malheureusement, disons-le sans gêne, c’est ce que nous sommes habitués à voir depuis plusieurs décennies en regardant de près une bonne partie de ceux qui ont eu à diriger le ministère de l’Éducation du Sénégal. La conséquence de tout ceci est que d’hier à aujourd’hui, le constate le plus partagé est que : plus ça change dans notre système éducatif, plus c’est pareil. Et plus grave encore, par moments, nous avons même le sentiment de régresser à défaut de faire du surplace.

Les peuples qui progressent ne bâtissent pas leur système éducatif dans le laisser-aller, ils tiennent fermement la bride; ils ne travaillent pas à l'aveuglette, ils ne tâtonnent pas à l’infini, ils ne copient pas mécaniquement des façons de faire complètement en déphasage avec leurs réalités propres. Ils travaillent en permanence à l’élaboration d’une société toujours plus instruite, plus prospère, plus innovatrice, plus inclusive et davantage ouverte sur le monde. Ce qui est loin d’être le cas dans des États comme le Sénégal où parfois juste ouvrir une classe devient un évènement national. C’est sur le terrain des ambitions que les pays se distinguent en catégories et se distancient les uns des autres dans la course au développement.

Pour ce qui est de notre cher pays, notre système d’éducation a besoin avant tout d’ordre et de cohérence. Les universités et les établissements supérieurs privés ne cessent de pousser çà et là, sans nous livrer le secret de leur cohérence d’ensemble. Les établissements d’enseignement supérieur du pays nous donnent l’impression d’un puzzle bigarré crée dans l’unique but de remplir des salles de cours comme des poulaillers en vue de faire face à une demande de plus en plus croissante de jeunes bacheliers qui exigent à être orientés.

L’UVS, pour ne prendre que cet exemple, dans sa forme actuelle aux vues de ses résultats et la qualité de ses produits est une véritable arnaque sociale et financière. Mais puisque nous sommes dans un pays où la vérité dérange, souvent n’en parlons pas ici, et disons comme tout le monde que tout va bien de ce côté-là.

 

Il y a aussi autant à dire sur beaucoup d’autres universités sénégalaises dont les talons d’Achille sont manifestement visibles pour peu que l’on ait les outils de diagnostics nécessaires pour savoir si une université est en bonne adéquation avec son milieu ou non …

Du côté du secteur de l’enseignement privé dans sa globalité, c’est le trop-plein de bordel. Les écoles pullulent comme des champignons; on ne sait pas qui fait quoi et au nom de qui. Il urge, si nous voulons rejoindre le lot des pays qui performent en éducation, d’assainir le secteur, de nettoyer les fosses septiques dans lesquelles pataugent d’innocents pères et mères de famille qui se tuent au quotidien pour sauver vaille que vaille les études de leur progéniture afin de leur éviter d’être parmi les naufragés sociaux de demain.

Que dire encore de plus? Nous avons tellement de choses à devoir régler en éducation et en urgence…

La folie furieuse de nos étudiants qui détruisent tout sur leur passage, pour un oui ou un non, prouve que le civisme, l’éducation à la citoyenneté et le savoir-vivre ensemble devraient commencer très tôt à l’école primaire.

De la maternelle à l’université, en passant par le secteur professionnel, le passage d’un ordre d’enseignement à un autre est souvent ardu et rébarbatif pour beaucoup de nos apprenants. L’éducation Nationale sénégalaise à l’air d’avoir en son sein des entités qui ne se parlent pas, des micro-organismes qui vivent en vase clos, qui se juxtaposent machinalement au lieu de se compléter. Notre système éducatif donne l’impression de n’être nulle part dans la continuité, mais plutôt dans un nouveau départ permanent.

Repenser le secteur de la formation professionnelle, lui donner les moyens et l’attention qu’il mérite est une urgence nationale.

L’introduction des langues nationales à l’école et du choix d’une langue nationale d’unification ne devrait plus se poser en termes de pourquoi, mais plutôt du comment.

Nous pourrions encore en dire davantage, mais le but de notre propos est moins de verser dans la critique que de faire comprendre que nous pouvons faire mieux si nous en avons la volonté et l’expertise requise pour que notre éducation soit la locomotive qui tire le pays vers le haut.

Il est temps d’arrêter d’avoir un système éducatif réactionnaire. Il est temps qu’on change de paradigme et de système de valeur. Il est tant qu’on en finisse avec la parole futile, avec les usurpations de qualification, le sophisme et les mensonges, en mettant les hommes qu’il faut à la place qu’il faut.

Nous ne saurons finir notre propos sans faire remarquer que dans la vie d’un Peuple qui se respecte, il ne pourrait être question de badiner avec l’éducation, car ce milieu de vie est le lieu où les âmes du futur d’un peuple et sa colonne vertébrale se forgent. Par voie de conséquence, un gouvernement sérieux et responsable ne pourrait se permettre de récompenser ses hommes de main ou ses alliés en leur offrant des postes clefs dans le secteur de l’éducation où la compétence devrait primer avant tout. Abdoulaye Wade et Macky Sall, nous ont longtemps fait ce tort en jouant avec nos institutions avec fantaisie et en ne se préoccupant uniquement que des intérêts de leurs protégés. Le Sénégal étant le dernier souci de leurs préoccupations.

En parlant de compétence à ce niveau de mon analyse, c’est le lieu de préciser ici et d’insister sur l’urgente nécessité que nous avons, nous Sénégalais, à devoir revoir notre rapport avec la notion même de compétence. En effet, nous avons l’impression que dans ce pays être compétent se résume à l’équation suivante :

COMPÉTENCE= GG + TT+TD.

En d’autres mots, au regard de beaucoup de Sénégalais qui font l’actualité et de la manière dont on parle d’eux, on a le sentiment que la compétence n’est rien d’autre que de posséder une grande gueule, faire le tour des télés et faire du trafic d’influence en permanence autour de soi et partout ailleurs où c’est possible. Il est vrai que cette façon de procéder paie beaucoup au niveau individuel dans ce pays, mais collectivement et en tant que société nous régressons.

Le bavardage étant parmi nos plus grands tard, on entend beaucoup de ministres ergoter çà et là sur ce qu’ils voudraient faire. Nous ne sommes plus au temps de la parole, ce sont des actes que les Sénégalais attendent. Si les paroles de nos politiciens étaient du riz, notre peuple souffrirait d’obésité morbide, avec tout ce qu’ils nous gavent comme leur tralala.

Enfin, pour ce qui est des nominations que nous avons vues, il y a lieu d’espérer un bond qualificatif en éducation. Nous, Mamadou Bamba Tall, spécialiste en éducation, nous prions ardemment pour la réussite des nouveaux ministres qui ont désormais les destinées de notre éducation. Nous leur souhaitons beaucoup de courage et d’audace pour opérer les changements indispensables à notre système éducatif que nous attendons depuis belle lurette.

 

Monsieur Bassirou Diomaye Faye,

Monsieur Ousmane Sonko,

Peuple du Sénégal,

 

C’est le moment de conclure. Nous tenons à faire remarquer à tous que notre système éducatif est obsolète, obèse à bien des endroits et incongru à plusieurs niveaux. Toutefois, malgré les défis qui nous interpellent et les problèmes qui nous assaillent, nous sommes bien loin de la calamité. Il y a du bon dans notre éducation et beaucoup même. Nous avons les ressources humaines qu’il faut pour conduire le pays à bon port surtout du côté des enseignants, c’est au niveau de la gouvernance que se trouve le problème majeur : les hommes passent et les plaies restent intactes. Ce qui manque principalement à notre système éducatif, c’est d’abord et avant tout l’audace d’innover, et la volonté farouche d’opérer des ruptures : le statu quo étant plus confortable que de courir le risque d’échouer en voulant bien faire. En somme, à l’état actuel des choses, nous persistons à penser qu’il y a place à une véritable révolution éducative au Sénégal; laquelle révolution ne pourrait pas être portée par des affairistes, des palefreniers, ou encore par des aventuriers de l’éducation. Si nous faisons cette précision, c’est parce que le pays nous a habitués à avoir des ministres qui ne font pas le poids en éducation, certains même sont tombés dans la marmite éducative comme un cheveu dans la soupe; c’est-à-dire qu’ils ont été nommés sans la moindre logique qui puisse reposer sur leur connaissance du secteur ou encore sur une préoccupation de bonne gouvernance. Tout État qui voudrait rétribuer ses souteneurs politiques devrait le faire avec tous les ministères possibles sauf celui de l’éducation. Car l’éducation, c’est l’âme d’un peuple, ça ne se marchande pas. En matière d’éducation, le Sénégal a les moyens d’être la référence en Afrique de l’Ouest francophone et d’être un véritable pôle d’attraction sous-régional. Ne nous contentons pas donc de construire des écoles et des universités en vue de nous dédouaner d’avoir fait quelque chose de visible, proposons des solutions de mobilité et de croissance pour le monde dans lequel nous vivons. Et au fur et à mesure que le monde change, nous évoluons également.

 

Mamadou Bamba Tall

i GG (grande Gueule) - TT (Tour des Télés) - TD (Trafic d’influence)

MAMADOOU BAMBA TALL

Ancien élève du lycée Malick Sall de Louga,

Ancien étudiant de l’Université Gaston Berger,

Ancien boursier de la Fondation Ford (Université Laval),

Consultant international en éducation,

Conseiller au ministère de l’éducation du Québec (MEQ)

[email protected] WhatsApp Tel 514-604-2253


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