PRÉSIDENTIELLE 2019: LA DÉRIVE

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PRÉSIDENTIELLE 2019: LA DÉRIVE

 

Par Pathé Mbodje

 

La présidentielle du 24 février a révélé de profondes déchirures au sein de la société sénégalaise. Elles sont nées de dérives qui fragilisent le socle démocratique et républicain, base de la cohésion nationale. Elles risquent malheureusement de s'élargir avec la fin du dernier mandat du président Macky Sall .

 

Une société en dérive a cherché refuge dans des valeurs qui sont loin de celles de la République : le vote impulsif du 24 février dernier à Ziguinchor, à Fatick, à Thiès, à Touba et au Fouta et dans la Diaspora est dans sa majorité un déni de tout ce que le Sénégal a cherché et réussi au cours des siècles. La Nation culturelle avec la commune volonté de vie commune de Senghor, l’Etat doté d’institutions fortes à la hauteur de ses hommes de valeur, sous Diouf, et la République démocratique achevée avec l’alternance de 2000 sous Wade ont tremblé dans leurs fondations avec un vote cherchant à protéger non point tant une institution, la présidence de la République, que des hommes.

 

Les dérives d’un Macky Sall qui choisit lui-même ses challengers à la présidentielle du 24 février en instrumentalisant de quelques années certains pans de l'administration ont entraîné un réflexe de survie de l’électeur pour couvrir un Ousmane Sonko bénéficiant du solidarisme atavique des populations sénégalaises, de l’intérieur mais surtout de l’extérieur, avec un ancrage local fort en Casamance, même s'il faut exclure tout régionalisme de bon aloi ; fils du Sénégal né à Thiès, le candidat de Pastef/les Patriotes est de parents d’aires géographiques et culturelles différentes. Il en est de même pour le candidat sortant : la concentration du vote s’est voulu l’écran de protection d’un Macky Sall voué aux gémonies (Fatick et Fouta), cependant que Thiès remerciait son fils prodigue, Idrissa Seck. Touba est restée constante vis-à-vis du pouvoir central qui peine à s’affirmer depuis les Locales de 2014 ; dans la banlieue rebelle, les liens avunculaires (Pikine) et familiaux(Guédiawaye) sont entrés en lice pour protéger le neveu et le frère : le score y est tout aussi honorable qu’à Dakar, sans plus. Malgré une densité kilométrique jamais égalée en termes de responsabilités ministérielles et directoriales, il a fallu la neutralisation de maires, à tout le moins leur neutralité, pour permettre à la coalition majoritaire de renforcer son quota de vote à Dakar-Plateau, à la Médina et aux Parcelles assainies.

 

 

Ramené à l'échelon national, le vote majoritaire de Ziguinchor, de Fatick, de Thiès, de Touba et du Fouta et de la Diaspora renseigne sur l'absence d'une continuité territoriale et la difficulté d’asseoir une autorité nationale de la part des candidats et de l'élu : désormais, il suffira de mettre l'accent sur ces entités électorales, et accentuer la mise à l'écart de zones sans grande importance sur le plan du vote, accentuant ainsi l'exclusion de populations.

 

Ce mandat de sortie, Macky Sall devrait donc le mettre à profit pour refaire l’unité nationale et la cohésion sociale de populations vivant jusqu’ici dans un métissage culturel du meilleur effet. Sans nécessairement faire jouer aucun ressort exclusiviste pour des candidats eux-mêmes issus de brassages culturels, l’électeur sénégalais appelé le 24 février dernier le politique à dégonfler les muscles. En pure perte, apparemment.


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