REVOLUTION TOROBBE : MYTHE OU RÉALITÉ ?

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REVOLUTION TOROBBE : MYTHE OU RÉALITÉ ?

 

Je suis foncièrement africain, mais suis-je vraiment obligé de prendre tout ce qu’on me dit sur le passé de l’Afrique pour une vérité d’Evangile ? Je ne suis pas historien, mais ne suis-je pas obligé, en tant qu’intellectuel, d’interroger les concepts pour éviter les malentendus ? Y a-t-il réellement eu une révolution politique en 1776 au Fouta ? Qu’est-ce que finalement une révolution ?

 

Le Dr Oumar Dioume, dans son livre Lumières noires de l’humanité (Ifan Cheikh Anta Diop, Dakar, 2010) à la page 71 nous donne les détails des normes d’éthique politique et de bonne gouvernance que Ceerno Sileymaan Baal (Thierno Souleymane Baal) a insufflées à ce qu’il est convenu d’appeler la Révolution Torobbe. Il s’agit principalement de sept préceptes :

1. Choisissez un homme savant pieux et honnête qui n’accapare pas les richesses de ce bas monde pour son profit personnel ou pour celui de ses enfants ;

2. détrônez tout imâm dont vous vous verrez la fortune s’accroître et confisquez l’ensemble de ses biens ;

3. combattez-le et expulsez-le s’il s’entête ;

4. veuillez bien à ce que l’Imâmat ne soit pas transformé en une royauté héréditaire où seuls les fils succèdent à leurs pères ;

5. choisissez toujours un homme savant et travailleur ;

6. il ne faut jamais limiter le choix à une seule et même province ;

7. fondez-vous toujours sur les critères de l’aptitude

 

Quel esprit humaniste ne tomberait sous le charme d’une telle charte de bonne gouvernance ? Il faut préciser qu’après avoir défait le pouvoir Denyanké, combattu les Maures et théorisé l’Imâmat, Thierno Souleymane Baal, avant le mythe Che Guevara, n’a pas voulu occuper « le fauteuil ». Quelle grandeur ! Si seulement les Présidents sénégalais pouvaient s’inspirer d’une telle posture ! Les prétendants à un troisième mandat dans la sous-région aussi ont beaucoup à apprendre de TSB. L’alternance politique, le respect du bien public, l’unité nationale, le mérite, etc. sont ici clairement édictés comme normes ou principes de la gestion d’une cité par TSB qui, après la révolution, a préféré laisser Abdoul Kader Kane être désigné Almaami par « ses pairs intellectuels torobbe ».

 

Cependant cette révolution est-elle vraiment native ? Sans parler du fait qu’il s’agit d’un pays où la séparation entre le spirituel et le temporel n’existe pas, quelle appropriation les habitants ont fait de cette supposée révolution ? Ce que nous voulons dire, c’est que ces préceptes sont édictés par l’Islam depuis toujours et il n’est pas besoin d’aller lire la Voie de l’éloquence de l’Imam (notamment la lettre adressée à Malek Ibn Hareth Al-Achtar chargé du gouvernorat d’Egypte) pour s’en convaincre. L’histoire des Khalifes et du Prophète lui-même (paix et salut sur lui) offrent suffisamment de recettes identiques à celles édictées par Thierno Souleymane Baal.

 

Et puis, une révolution ne réussit que lorsqu’elle elle infléchit profondément l’histoire et les mœurs d’un peuple. Révolutions russe, culturelle en Chine, américaine, etc. Sur ce point, on pourra expliquer par référence à la colonisation, mais justement la percée de celle-ci dans cette zone aurait dû, à notre avis, être plus compliquée si la révolution avait réussi à s’incruster dans les modes de vie des citoyens d’un État. En politique on parle de révolution en général lorsqu’il se produit un changement brutal, et parfois violent, dans la structure politique et sociale d'un pays. Une révolution change non seulement la structure politique, mais aussi les mentalités et la citoyenneté.

 

L’exemple de TSB mérite cependant d’être proposé à nos gouvernants qui arguent de saugrenues raisons de nécessité supérieure pour s’accrocher et s’éterniser au pouvoir. La refonte en profondeur des institutions comme suggéré par le Président Obama qui, s’adressant à ses pairs africains, disait que l’Afrique n’a pas besoin d’homme forts, elle a plutôt besoin d’institutions fortes. Montesquieu qui a probablement inspiré la boutade du président Obama explique clairement le rôle pionnier des grands hommes dans la formation des républiques, mais aussi le pouvoir catalyseur et formateur des intuitions sur les hommes d’État.

 

Dans le chapitre premier de ses Considérations sur les causes de la grandeur des Romains, et de leur décadence, voilà ce que dit Montesquieu : « Une des causes de sa prospérité, c'est que ses Rois furent tous de grands personnages. On ne trouve point ailleurs, dans les histoires, une suite non-interrompue de tels hommes d’État, et de tels capitaines. Une cause dans la naissance des sociétés, ce sont les chefs des républiques qui font l’institution et c’est ensuite l’institution qui forme les chefs des républiques »

 

Voilà ce que devrait méditer Macky Sall : nous attendions de lui qu’il fasse les réformes salvatrices et rédemptrices de notre République. Il n’a pas réussi à être un grand homme, il l’a même refusé, nous avons donc le devoir de lui réserver une place dans les sales poubelles de l’histoire. Njiitu garmi du fekke njarinu nguuram.

 

Alassane K. KITANE

 


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