Sénégal : Le triomphe de l’impunité dans un Etat de droit affaissé.

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Sénégal : Le triomphe de l’impunité dans un Etat de droit affaissé.

 

Un pays en sang et à feu pendant 72 heures. Des jeunes, garçons et filles, à la fleur de l’âge, assassinés cruellement, de sang-froid par des hommes armés, policiers, gendarmes ou nervis. Peu importe. Mais ce qui demeure constant et ineffaçable au vu et au su de l’opinion nationale et internationale, c’est le fait de constater sur le terrain que des gens en tenue ou en civil, armés jusqu’aux dents, tiraient à bout portant sur des manifestants avant de prendre la poudre d’escampette comme des lâches. Aujourd’hui, c’est la seule certitude qui demeurera ancrée à jamais dans la mémoire de toute la nation sénégalaise. Des jeunes compatriotes insouciants au moindre danger ont été victimes de la folie d’un régime aux abois, qui n’a même pas su faire preuve de retenue et de responsabilité à toute épreuve et qui a laissé le champ libre à des criminels la possibilité de s’attaquer en toute quiétude à des citoyens désarmés ou tout au plus munis de cailloux. Dès la survenance du premier assassinat, monsieur Macky Sall aurait dû interpeller directement les forces de l’ordre et de sécurité que de tels actes d’une extrême gravité ne sauraient rester impunis. Mais rien, comme toujours, un silence complice et encourageant pour faire peur aux manifestants.

 

Que personne ne vienne évoquer la légitime défense. Ces hommes de tenue ou ces nervis n’étaient pas en danger de mort. Pire, ils ont eu le temps d’ajuster leurs tirs et de loin avant d’abattre nos frères et sœurs sans défense. Une image pathétique qui en dit long sur la cruauté de certains éléments de nos forces de l’ordre : le jeune manifestant aux parcelles assainies, drapé du drapeau national et abattu froidement. A ce jour et une semaine après la mort atroce de plus de dix de nos concitoyens, aucune enquête judiciaire n’a été ouverte par le procureur de la République Serigne Bassirou Guèye afin de faire la lumière sur cette série macabre d’assassinats, de situer la responsabilité des uns et des autres et de permettre à la justice de faire son travail. Ce même procureur si prompt à traquer des opposants ou des activistes sénégalais fait comme si ces meurtres ne rentraient pas dans son domaine de compétence. Même pas une prise de parole publique. Une sorte de mépris ou une indifférence déconcertante que rien ne saurait justifier. Ne parlons même pas du chef de clan, Macky Sall, dos au mur et devant la nation à l’occasion de son discours forcé et dicté par l'ampleur du chaos, n’a pas eu le courage d’évoquer, ne serait-ce qu’une seule fois le droit à la  justice à ces jeunes compatriotes assassinés cyniquement par des hommes de tenue ou des nervis de sa coalition Benno Bokk Yakaar. Une omerta totale.

 

Ou bien, est-ce que ces jeunes sénégalais tués par les bras armés du régime de Macky Sall n’ont aucun droit dans ce pays pour que nos autorités se gardent d’ouvrir une enquête judiciaire en vue de traquer et de livrer à la justice leurs auteurs de fait de meurtre préméditée parce que tout simplement, ils étaient du mauvais côté, celui des manifestants ? Ou bien, est-ce que nous ne sommes plus d’égale dignité pour que ces crimes ne fassent pas l’objet d’une enquête judiciaire ? Malheureusement, l’histoire se répète. Plus d’une vingtaine de nos concitoyens ont été froidement assassinés, lors de rassemblements et de manifestations politiques, depuis la première alternance en 2000 jusqu'à maintenant, sous le magistère du tyran chef de clan, Macky Sall en toute impunité. Nous nous contentons seulement d’évoquer leur souvenir et de déplorer leur assassinat. Rien n’est fait pour que la justice fasse son travail en toute impartialité, ne serait-ce que pour permettre aux familles éplorées de faire leur travail de deuil et de savoir que les meurtriers de leurs enfants ont été jugés et punis sévèrement par la justice. En réalité, ces familles ne comptent pas aux yeux de nos autorités parce que la mort de leurs enfants leur revient à la figure et interpelle leur responsabilité, jamais assumée.

 

Le plus révoltant face à ce silence, et bien avant même que tous nos concitoyens tués par certains éléments de nos forces de l’ordre ou par des nervis recrutés pour semer la terreur, ne soient ensevelis, c’est l’ouverture de négociations sous le parrainage de l’élite maraboutique en vue de permettre la fin des hostilités et assurer par voie de conséquence une paix pérenne dans le pays. Personne ne doit en aucune manière préférer le chaos au détriment de la paix et de la sécurité de nos concitoyens. L’essentiel est que la quête de la paix se fasse uniquement dans la justice, l’équité et le respect des droits des uns et des autres. Les marabouts, en tant que régulateurs sociaux, sont dans leur rôle d'apaisement. Soit ! Personne ne peut leur nier voire refuser cette posture.

 

Cependant, nous sommes en droit de demander pourquoi attendre qu’il y ait autant de victimes abattues froidement avant que l’élite maraboutique n’active son rôle de médiateur sociale ou prenne son bâton de pèlerin pour calmer les ardeurs. S’il n’y avait pas tous ces morts, les saccages et les destructions, personne ne pourrait parier et de bonne foi sur une éventuelle sortie de l’élite maraboutique sur la situation de tension qui prévaut au Sénégal. Parce qu’il est de notoriété publique que l’élite maraboutique se garde de dénoncer les scandales et les crimes de nos autorités étatiques. Combien de crimes, de scandales économiques ou fonciers voire de détournement de deniers publics ont été relayés par la presse et portés à la connaissance du grand public, sans que personne n’entende la plus petite voix de désaveu ou à tout le moins de désolation de l’élite maraboutique. Mais, c’est pourquoi, nous sommes en droit de demander ; cette médiation, c’est pour faire quoi au juste ?

 

Calmer les protagonistes, fumer le calumet de la paix voire faire table rase sur tous ces évènements malheureux et repartir à zéro sous de nouveaux auspices pour le grand bonheur du pays. Mais, non seulement, ce n'est pas suffisant et ce n’est pas non plus ce que l’immense majorité des gens qui sont sortis manifester dans la paix pour défendre la justice, la démocratie, l’exercice de nos droits et libertés, attendent du chef de clan Macky Sall. C’est également trahir l’esprit d’un combat : le respect de l’Etat de droit, l’indépendance de la justice, la fin des exactions du régime de Macky Sall, une lutte conduite par des milliers de nos concitoyens. Cette paix, nous la voulons tous, mais seulement dans la justice. Et puis, si vos pourparlers aboutissent avec le régime, qu’allez-vous faire de nos morts que la justice de Macky Sall continue à ignorer ? Si la médiation échoue, que comptez-vous faire ? Mobiliser encore les foules et entamer encore un bras de fer avec le régime de terreur du chef de clan Macky Sall avec le risque de confrontations sanglantes alors qu’il était encore possible de garder une mobilisation impacte en rangs serrés et dans une certaine discipline citoyenne au lieu de déléguer nos revendications légitimes à des marabouts, qui n’ont aucune emprise sur le patron de la coalition Benno Bokk Yakaar. En cas de déconvenue, il faudra en toute humilité en assumer l'entière responsabilité.

 

Tous les initiateurs de la médiation, des membres du M2D, mouvement de défense de la démocratie aux autres personnalités de la société civile en passant par les marabouts ou par des politiciens professionnels, qui sont à la base de cette sortie de crise, j’ose espérer qu’ils ne soient pas assez naïfs au point de croire que le chef de clan, Macky Sall, va respecter à la lettre leur mémorandum. Cette médiation est du pain béni pour monsieur Macky Sall. Elle lui permet de gagner du temps et de se préparer en conséquence. D’ailleurs, monsieur Yakham Mbaye, cadre de l’APR, a laissé entendre ce vendredi 12 mars dans l’émission de la 7TV animée par la journaliste Maïmouna Ndour Faye que le régime ne va plus se faire avoir. Un avertissement. Le régime ne compte pas baisser les bras et le chef de clan Macky Sall, en homme rancunier et ce malgré ses airs affichés de leader lucide et apaisé après les émeutes, est en train de mûrir son plan de riposte.

 

Et puis, de part et d’autre, la carte de l’impunité, même si elle n’est pas brandie ouvertement, reste une possibilité voire une opportunité offerte à Macky Sall de s’en sortir à moindres frais et ce malgré ses nombreuses crises économiques, le pillage et la prévarication de nos deniers ou ressources publics, ses injustices, le sang de nos jeunes compatriotes sur ses mains, sa trahison de l’Etat de droit, son culte de l’impunité. Au plus, l’élite maraboutique va user de toute son autorité même dans le déni et ce malgré ces circonstances aggravantes (les manœuvres du régime dans le dossier de viol présumé Sonko-Adji Sarr, l’assassinat sauvage de nos jeunes compatriotes) pour sauver Macky Sall et éviter qu’il ne soit pas poursuivi après la fin de son deuxième et dernier mandat en 2024. Même si, par extraordinaire, Macky Sall nous revient à de meilleurs sentiments, joue le jeu de la transparence, assure l’équité, sa gestion patrimoniale et clanique sur le dos du peuple ne saurait passer comme lettre à la poste en pertes et profits. Macky Sall et sa galaxie doivent nécessairement rendre compte, car l’impunité ne peut plus prospérer au Sénégal.

 

Par ailleurs, cette main tendue et bénie par les autorités maraboutiques en vue de sortir de la crise, est une preuve tangible que l’Etat de droit s’est affaissé et a foutu le coup depuis belle lurette au Sénégal. Dans beaucoup de cas, nos institutions de la République ne se donnent plus les moyens ni le courage d’arbitrer et de régler les différends entre citoyens en toute objectivité dans le cadre d’une justice impartiale et indépendante. C’est dans ce cadre toujours et par l'entremise d’une certaine élite maraboutique voire de certaines autorités en vue de voler au secours d’un proche en maille avec la justice que l’impunité se perpétue sous différentes formes et à toutes les strates de la société. Le culte de l’impunité est encouragé partout dans le pays. Seulement, la justice continue à être appliquée avec rigueur et parfois avec excès à l'encontre de nos concitoyens les plus faibles et de surcroît sans attaches. En vérité, ces médiations entravent et jettent davantage le discrédit sur une magistrature déjà sous le joug du chef de clan Macky Sall. Un magistrat du siège comme du parquet, en dépit de toutes contraintes ou de menaces de sanction, a le devoir de respecter son serment et de n'obéir qu’à la loi et à sa conscience. Cette médiation est une fois de plus un pied de nez à la magistrature. Un autre aveu de faiblesse.

 

C’est pourquoi, aujourd’hui, le leader de Pastef-Les Patriotes, monsieur Ousmane Sonko, confronté aux exactions et à la volonté de puissance de Macky Sall, qui se complait à suivre malheureusement et ce dans un jeu de rapport de force, de tractations et de manœuvres  politiciennes les continuateurs du système de sujétion et d’accaparement de nos deniers publics, risque d'être manipulé par une horde de politiciens professionnels ou par une certaine élite maraboutique, qui tout compte fait, militent activement pour le statu quo et non pour une réforme substantielle de nos institutions ni pour la fin d l’impunité et des passe - droits. Certes, monsieur Ousmane Sonko, dans cette épreuve en tant que leader d’une formation politique, a plus que jamais besoin d’un large front de résistance à ses côtés, mais Pastef-Les-Patriotes, en tant que projet de société risque d’être envahi et phagocyté par des intrus qui, de l’intérieur, auront pour mission de miner les bases et laisser prospérer l’idée selon laquelle ce parti n’est pas différent du reste de la chapelle politique. Et ce sera un grand tort. En aucune manière, monsieur Ousmane Sonko et le parti Pastef-Les-Patriotes ne doivent prêter le flanc et faciliter ainsi le règne de l’injustice, de l’impunité, du lobbying d’une certaine aristocratie maraboutique, trois grands maux qui empêchent le pays de sortir de la misère et du sous-développement.

 

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Didier - #1

Parfaite Analyse. Bel Article Mr Ndiaye

le Jeudi 18 Mars, 2021 à 21:03:36RépondreAlerter

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