Le Blogs de : alassane kitane

Depuis plusieurs décennies, l’école sénégalaise est dans l’impasse. Là où elle réussit le mieux, c’est de former des ignares et des minables dans une large majorité : des ministres de l’éducation sans le profil, des directions d’école qui ferment les yeux lorsque des adultes qui sont sous leur autorité ont pour terrain de jeux favoris les poitrines et les dessous des culottes de leurs élèves et enseignent en cachette la sexualité active à des gamines à peine pubères, des enseignants démotivés, des classes pléthoriques, des géniteurs complètement dépassés dans leur rôle de parents et socialement désabusés. Le résultat : une école forcément minable et idiote… Produit de cette école où j’ai enseigné plus d’une décennie, j’ai moi-même porté la toge de l’idiot avant de m’en débarrasser sous d’autres cieux en apprenant à m’éloigner de la facilité, du mimétisme et des raccourcis.

Formé au Sénégal, je suis arrivé à l’université Laval pour des études doctorales en planification et gestion de l’éducation à la suite d’une bourse d’excellence de la Fondation Ford. Volontariste dans le travail, avec de très belles dispositions intellectuelles, j’impressionnais mes enseignants sans exception. J’avais beaucoup trop de choses dans la tête, mais hélas très peu dans le cœur. L’un de mes premiers maîtres à penser au Québec ne fut point un enseignant en chair et en os, mais plutôt l’environnement dans lequel je baignais… Coupez l’être humain de son environnement et le voilà qui devient autre. Le Sénégal d’aujourd’hui est un pays planté dans un décor où le je-m’en-foutisme est partout. Si l’indiscipline et la bêtise étaient des disciplines olympiques, il eût été difficile de battre le Sénégalais dans ce domaine. Au Sénégal, les gens ont l’habitude de confondre vitesse et précipitation, simulacres de connaissances et compétences avérées, songe et mensonge, richesse et sécheresse, masturbation et dévotion… Bref, à bien des égards, les gens butinent sciemment la bêtise; beaucoup de nos concitoyens sont volontairement dans le bavardage excessif, l’amalgame, la facilité et le fatalisme. Et pour comble de folie, le Sénégalais se croit être la personne la plus intelligente sur terre. Pauvre pays!

Pauvre pays! Pauvre pays! Ne brûlent des universités que ceux qui ont des cerveaux gelés. Ne s’attaquent à des Palais de justice que ceux qui ne croient pas à la justice. Si une justice est corrompue, ce ne sont pas les bâtiments et les archives qui sont la cause. Les juges sénégalais sont formés à la bonne école. Pour beaucoup d’entre eux, servir le pays est un devoir et aussi une fierté. Au demeurant, que ceux qui rêvent d’une école sénégalaise où l’on apprend l’honnêteté continuent de dormir éveillés. L’indépendance de la justice est avant tout adossée à l’indépendance des Esprits. En d’autres mots, la liberté de penser et d’agir conformément à ce qui est juste ou ce qui ne l’est pas est somme toute une affaire des individus avant d’être celle du système.

Au Sénégal, ce ne sont pas des magistrats honnêtes et indépendants qui manquent! Des juges consciencieux, et responsables, le pays en a à foison. Des juges vertueux, on en trouve dans tous les tribunaux du pays. Cependant, comme dans tous les métiers du monde, la justice sénégalaise a sa dose de pourriture. En effet, ce n’est un secret pour personne que parmi les magistrats sénégalais et les greffiers, on retrouve pas mal de laquais sans aucune moralité, sans aucune dignité, des animaux sans foi ni loi qui n’ont de dieu que leurs intérêts propres, des vomissures qui rendent l’haleine de notre justice nauséabonde et irrespirable par moments … Ces charognards qui font la pluie et le beau temps dans les juridictions du Sénégal sont connus. Il en est de même pour ceux qui travaillent sous la guidance de la Vérité et de leur bonne conscience. Tout se sait Ici. Les silences des gens de ce pays sont des silences qui sifflotent sans bruit, des silences qui vomissent sans mot. La famille, les voisins, les collègues, tous savent qui est qui dans la justice sénégalaise. Tout le reste est mascarade, jeux de dupes…

En définitive, les convulsions sociétales que nous constatons sur tous les terrains et que cristallise principalement le champ politique ne sont en rien des faits isolés. Les gens de courtes vues pourraient penser que c’est un phénomène récent. Que tout cela est nouveau, et qu’il a fallu qu’un Macky Sall ou un Ousmane Sonko émerge sur le champ politique pour faire ressortir la véritable face de notre société. Que les gens se détrompent; ce que nous sommes en train de vivre au Sénégal aujourd’hui a été amorcé depuis plusieurs décennies : le temps de floraison n’est pas celui des racines. Pour que les feuilles de l’arbre apparaissent en éclat, il a fallu un temps de vie en sourdine. Les bêtises que nous voyons partout dans ce pays, ce sont les bêtises de l’école sénégalaise amoncelées sur plusieurs décennies. Une école où tout est par terre. On y racole sans arrêt. On rafistole. On valide des années scolaires qui n’ont pas à l’être. On vend à tout le monde que l’école n’est pas importante. Les modèles de réussite sociale qui « vitrinent » le pays n’ont rien à voir avec le travail, l’éthique, l’honnête et le sens de la responsabilité.

En vérité, la vie sénégalaise est un concert de fous et de voyous où aux premières loges sont confortables installés les grands voleurs de la République, tout sourire dehors. Il s’agit de politiciens et de mafieux marabouts qui ne travaillent que pour leurs intérêts propres. C’est à cette pègre que reviennent tous les honneurs et tous les éloges de la République. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que c’est sur le terrain de la politique et dans les salons de certaines familles religieuses que les gens avides de réussite fulgurante se bousculent. Aux secondes loges de notre estrade sociale se retrouve la classe des charlatans, des chanteurs, des lutteurs, des danseurs et des farceurs de renom. Sont loin de la scène les intellectuels honnêtes et dignes, les gens d’une certaine éducation, les gens d’une certaine moralité. Dans notre société actuelle, quand on n’a pas de projet, on va à l’école. Le jour où l’on en a un, on s’empresse de quitter les lieux pour courir après l’argent. L’école sénégalaise telle qu’elle est faite ne sert pas à grand-chose. Elle ne donne ni du travail ni de l’Espoir et n’apprend personne à réfléchir. C’est un vaste enclos où les pensionnaires sortent avec des cornes aiguës plantées sur de gros crânes vides, mais prêts à cogner sur tout ce qui bouge. Avec une telle jeunesse, on ne doit s’étonner de rien. Évidemment. Je parle de tous ces jeunes qui sont laissés à eux-mêmes et qui ont appris à insulter avant de parler, qui ont appris à mordre avant même d’apprendre à marcher. Je parle des cas sociaux à foison dans notre société et qui se demandent pour quelle raison ils sont sur terre. Je parle de cette jeunesse qui insulte via internet à longueur de journée; une horde de débiles qui refusent aux aînés leur rang et piétinent nos valeurs ancestrales.

Fort heureusement pour le pays, à côté de cette jeunesse bruyante et malsaine, poussent des jeunes sains, mais hélas peu en nombres : une jeunesse travaillante et silencieuse, une jeunesse de l’Espoir, car formée à la bonne heure et à la bonne école; c’est-à-dire des jeunes qui ont de vrais pères et de vraies mères, de vrais amis et de vrais projets. Contrairement à ceux qui ont été enfantés à la va-vite par des irresponsables : une jeunesse qui vit scotchée aux réseaux sociaux, un troupeau qui hurle à tout va, et qui dicte sa loi et son absence de foi à la rue.

Les Temps changent. Le Sénégal des valeurs est partout en recul à cause d’une société en faillite dont la décomposition est accélérée par une école fortement en crise, quasiment en putréfaction… Qui sauve l’École sauvera le Pays!

Mamadou Bamba Tall

Consultant en éducation

Québec, Montréal

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