Ajuster, accélérer et attaquer : un exercice de style sans tête ni queue

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  • Article ajouté le : 02 Vendredi, 2020 à 18h10
  • Author: Birame Ndiaye

Ajuster, accélérer et attaquer : un exercice de style sans tête ni queue

Pour les besoins de la présentation du plan de sortie de crise, le ministre de l'Économie, du Plan et de la Coopération a décliné les axes d’intervention. Réduire les exportations, propulser la production locale et booster le secteur privé, c’est ce qu’Amadou Hott a appelé plan de relance. Tous les mécanismes dont il a fait mention constituent sans nul doute des instruments de politique publique, nous lui concédons cela, mais ça s’arrête là. Les formules avancées par le ministre sont beaucoup trop évasives pour répondre au caractère tranchant des interventions sollicitées dans les secteurs durement éprouvés par la crise. En outre, l’urgence des résultats que requiert la relance à court terme ne permet pas de miser sur des pronostics aussi aléatoires.

D’abord, il est prévu un pactole de 14.712 milliards de francs CFA pour financer le Plan d’action prioritaire ajusté et accéléré (PAP 2A). Le montant global proviendrait de deux sources : partenaires au développement et partenariat public-privé. Jusque-là, nous pouvons contre mauvaise fortune, bon cœur intégrer et accepter l’incidence sur le gonflement de la dette publique pour autant qu’elle aide les entreprises locales à se refaire une santé. Malheureusement, interpelé sur l’accès aux commandes publiques, le ministre n’a pas caché son pessimisme en raison du déficit de compétitivité des entreprises locales. « Il faut que le secteur privé soit plus uni et trouve plus de partenariats ». Dès lors, c’est à se demander comment les dépenses en question auront impacté les entreprises nationales et les travailleurs si leur chance de capter les investissements est si mince.

La deuxième mesure consiste à réduire les importations et à doper la production locale. Depuis les années 70 jusqu’aux ajustements structurels, la politique d’import-substitution a été une partie intégrante des plans de développement des pays en voie de développement. Présentée comme une panacée au déséquilibre de la balance commerciale, elle a jusqu’ici montré ses limites. Que le gouvernement soit saisi d’un sursaut nationaliste nouveau, c’est bien possible. Mais faire passer une éventualité aussi complexe pour un acte de relance dans l’urgence, c’est quand même très effronté.

Dans le domaine de l’agriculture, M Hott s’est montré très heureux des récoltes attendues cette année. Trop attentiste, il était pourtant censé nous informer sur la teneur des stratégies adoptées et qui feront la différence. La prochaine campagne de commercialisation des produits agricoles aurait pu servir, à tout le moins, de prétextes à une intervention plus énergique visant le renforcement du pouvoir d’achat des agriculteurs ou de la capacité de production de l’industrie en la matière. Que nenni! « Cette année, l'hivernage sera exceptionnel. L’augmentation du budget de la campagne agricole qui est passée de 40 milliards à 60 milliards en une année et l'augmentation des surfaces emblavées avec plus d'agriculteurs dans le monde rural font que la production agricole sera exceptionnelle, dit-il. Nous le savions déjà. Monsieur le ministre, sommes-nous tentés de dire.

La demande du président de la République à porter l'hôpital Dalal Diamm de niveau 4 au niveau 5 a été présentée également comme étant un élément de décor du plan au motif qu’elle nécessitera quelques investissements. Sans aucune mention sur le budget qui lui est consacré et sa structure, il est attendu de nous de nous faire à l’idée que les réformes prévues dans de tels secteurs vont attirer abracadabra les investisseurs. Point barre! Le même son de cloche a retenti sur les prévisions de croissance du PIB pour les années à venir alors que nous sommes en droit de savoir en quoi faisant sur un horizon plus court.

Il faut croire que le gouvernement de Macky Sall compte davantage sur la providence que sur les projets pour sortir de la crise actuelle. Au mieux, l’exercice auquel s’est prêté le ministre de l’Économie n’était destiné qu’à rassurer en donnant l’impression que nous sommes entre de bonnes mains. Au pire, il n’était que système de saupoudrage. Tout compte fait, il faut espérer que le tout-puissant, comme dans la pandémie, nous réserve un traitement de faveur. Amen.

Birame Waltako Ndiaye 
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