Appel au dialogue politique ou attrape-nigaud

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  • Article ajouté le : 28 Jeudi, 2017 à 06h09
  • Author: Birame Ndiaye

Appel au dialogue politique ou attrape-nigaud

En négligeant le dialogue politique ou en prétextant de celui-ci pour manifester minimalement une apparente ouverture, Macky Sall fait montre d’une ferme volonté de faire de sa vérité et des voix qui lui sont favorables les seules à prévaloir sur le terrain. La principale finalité du dialogue est pourtant de favoriser la cohésion sociale. Macky Sall de même que ses adversaires ne sont, jusque-là, que dans la rhétorique. Cela montre à quel point les rapports de force défont et dévient le système politique sénégalais. Ils repoussent et déprécient les différents processus qui doivent consacrer la participation du grand public et celle de l’opposition à l'élaboration des décisions d’intérêt public. De récurrentes rhétoriques passent souvent pour du dialogue alors qu’elles ne cherchent qu’à manœuvrer sinon à manipuler l’opinion.

Qu’en est-il de la promesse du passage du gouvernement à l’Assemblée Nationale à tous les 15 jours ? Par la suite, et à l’initiative du président de la République, les consultations du 28 mai 2016 avec les acteurs de la classe politique, de la société civile et du secteur privé sont passées par là, en vain. Récemment, Macky Sall a renouvelé sa déclaration d’intention pour des concertations, mais l’opposition crie à la manipulation. C’est que le dialogue n’est brandi que pour relooker, que pour masquer le rapport de force érigé en mode de gouvernance politique, en méthode charmeuse des masses. De la même manière, l’opposition est rarement tentée de répondre à l’appel par peur de passer pour complice considérée. Il suffirait pourtant qu’elle manifeste sa disponibilité à la discussion tout en sollicitant un cadre précis de concertation pour que toute manigance des initiateurs soit court-circuitée. Ce serait comme leur couper l’herbe sous les pieds.

L’impression d’être toujours en campagne électorale découle exactement de cette absence d’échange constructif ou, du moins, des dialogues tape-à-l’œil très mal engagés faute de sincérité et de transparence. Quand ils ne sont pas destinés à sauver les meubles, les pourparlers politiques passent souvent pour des deals dressés sur le dos des militants et des citoyens tout court. Pourtant, il n y a bouffée d’air pour la démocratie que lorsque les acteurs politiques arrivent à s’entendre sur une question d’intérêt national. En se braquant sans répit, comme c’est le cas actuellement au Sénégal, les politiciens s’emparent invariablement de l’actualité. Ils plongent ainsi le pays dans une atmosphère tendue et persistante à longueur d’année.

Considérer que dans une démocratie, le dialogue politique ne se passe qu’à l’Assemblée nationale relève d’une grave erreur d’appréciation et de concordance. Ceci n’est valable que lorsque la confiance vis-à-vis des institutions et des appareils d’expression démocratique devient consistante. Au Sénégal, le niveau d’organisation sociale recommande encore que des forums ad hoc et des ententes ponctuelles balisent le processus des élections pour le rendre apaisé et crédible. Seuls les dialogues cycliques entre les pouvoirs suspectés et les oppositions surchargées sont en mesure de désamorcer les conflits et de permettre d’éviter la radicalisation des positions.

Réponse du berger à la bergère, l’opposition sénégalaise actuelle est entrain de dire à peu près aux faiseurs de malin ceci : Jamais vous ne réussirez à vous faire passer indûment pour des républicains, espèce de roublards. Voilà donc pourquoi les rapports conflictuels, faits de surenchérissement et de susceptibilités, polluent l’espace politique sénégalais. Les élus, en position de force, misent davantage sur l’épuisement et l’irritabilité des candidats malheureux. C’est qu’il y a une vraie rupture de l’ordre démocratique qui se manifeste par la réticence du pouvoir à aménager sérieusement un espace de concertation qui rassure. Pourtant, il y va de la bonne marche des institutions, de leur indépendance effective et de l’équilibre entre les pouvoirs publics.

Birame Waltako Ndiaye

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