Covid-19 et Magal 2020 : un malaise étouffé

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  • Article ajouté le : 30 Dimanche, 2020 à 19h08
  • Author: Birame Ndiaye

Covid-19 et Magal 2020 : un malaise étouffé

Pour des raisons de santé publique, des caciques de la République ont pensé que l’État devait empêcher l’organisation du Magal de Touba, et ce, quitte à risquer l’emballement de la communauté mouride. Ce serait fou et autodestructeur si l’État s’aventurait à interdire la tenue de cette manifestation religieuse. Les arguments de force et d’autorité des lois et règlements ne résistent pas à l’opérabilité de la sociologie et de ses assauts et de ses prises.

La gouvernance attentive et intelligente, c’est celle qui ne se fanatise pas de doctrines à l’emporte-pièce. Les lois tombent en désuétude sans que leur inapplication choque et révolte. C’est qu’elles tirent leur force, non pas de leurs caractères officiels et institutionnels, mais de leur assortiment aux temps, aux circonstances qui se révèlent couramment, commodément.

Certes, il arrive que des textes soient édictés sans qu’ils correspondent au besoin populaire ou que leurs esprits soient contraires à l’aspiration collective. Par exemple, l’abolition de la peine de mort est l’expression d’un système de pensée de l’apparatchik qui se démarque bien souvent des valeurs de la masse. Cependant, il s’agit là d’une question sociale dont l’ampleur et les effets restent marginaux. De ce point de vue, bien que s’inscrivant en faux avec le courant des coutumes et de l’ordre des croyances, ce commandement ne trouble ni ne mobilise la ferveur des sujets sensibles. Engager un bras de fer contre la tenue du Magal consisterait pour l’État à livrer une bataille qui, sans nul doute, affaiblirait davantage les institutions et ceux qui les incarnent.

En tous les cas, c’est renoncer à son intelligence que d’envisager le recours systématique aux textes et à la force publique à chaque fois que nos différences nous rattrapent en exigeant la mise à jour des modalités du commun vouloir de vie commune. En plus d’être raide, ce procédé de légalisation à tout-va n’opère guère. Il est condamné par ses objectifs insensés de se substituer à la transaction sociale soutenue par l’intégrité et l’assurance dans le respect des conditions d’entente et de compromis.

Il a fallu mille ans pour que François 1er érige le français en langue de l'Administration française, au 16e siècle. Au même moment  l’hébreu, l'arabe et le grec étaient les langues du Collège de France. Cette considération du niveau de réalisation et de ses exigences qui accompagne le processus historique se fait sur fond de sélections, de rapports de force et de "mises à mort". 

La loi n'intervient que pour du moins prévenir sinon limiter les externalités négatives des œuvres sociales accidentelles et des rapports humains aléatoires. Dans bien des cas, l’inaction et la timidité dans l’encadrement des faits sociaux qui s’apparentent à du bricolage est une intervention obligée et utilitariste de la main visible, tel un cerf-volant davantage dans le sillage du vent, processus de maturation fait de chocs et de confrontations, que dans la direction des mains du tenant, de l’autorité constituante.

Pour autant que la loi, bouc émissaire, parvienne à porter la responsabilité des peines, des prises et des emprises jusqu'à masquer le bilan des préjudices subis, elle joue son rôle essentiel de préservation de la paix sociale et de l’ordre public. Légiférer, c'est saisir les opportunités de l'instant, c'est bricoler avec les formes et les couleurs du temps présent.

Ce qui donne force au droit, c’est la possibilité pour les populations de le reconnaître comme le verdict de leur propre raison. La puissance publique ne garantit pas le respect aux normes établies si les autorités ne misent pas sur la correspondance entre les thèses répandues et les textes régissant. Jamais décision de pouvoir public n’est aussi forte et légitime que celle qui rencontre l’agrément populaire. Convaincre continuellement ; vaincre nullement.

Birame Waltako Ndiaye
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