De cartouchard à faussaire : itinéraire d’un frustré

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  • Article ajouté le : 30 Lundi, 2020 à 19h03
  • Author: Birame Ndiaye

De cartouchard à faussaire : itinéraire d’un frustré

Du cas d’Amadou Samba, le faux médecin, je ne retiens pas, pour le moment, les dommages occasionnés aux patients ni le danger auquel il les a exposés. La responsabilité des pouvoirs publics est tout aussi engagée, et pourtant je n’en ai presque rien à cirer. Pour l’instant. Cette situation est pourtant grave, mais sa détresse et sa peine d’avoir raté le train à la gare des amphithéâtres de l’université me plongent comme effet miroir dans mon propre mal être, colère, complexe, regret, et rancune. Un cocktail d’aigreurs qui te fait, passer pour le restant d’une vie, inassouvi, toujours en mode rattrapage qui s’empare à vie les distingués cartouchards des facs de Dakar.

Oui, moi aussi j’ai cartouché en deuxième année de droit. Les diplômes obtenus avec mentions, par la suite, en France et au Canada n’y feront rien. Le sentiment d’avoir échoué, à Dakar, me colle à la peau, telle une sangsue. Ce n’est certainement pas le cas de tous les cartouchards. Cependant, l’expérience personnelle permet de comprendre les réelles motivations du faux docteur sans toutefois lui accorder une quelconque circonstance atténuante.

Les occidentaux ont tendance à occulter l’apport considérable des savants arabo-musulmans dans la transmission de la pensée grecque. Ils font un bond de 4 siècles en ignorant les deux grands mouvements de traduction scientifique : celui qui fait passer en langue arabe la science antique entre le 8eme et le 10eme siècle et celui qui livre la science gréco-arabe à l'Occident latin entre le 12eme et le 14eme siècle. Cette malhonnêteté intellectuelle me fait penser exactement aux omissions que j’opère très souvent lorsqu’il est question de pedigree ou de banal échange, quant à mon échec à la faculté de droit. Voilà que surgit subrepticement un sentiment profond d’infériorité qui s’interpose dans les relations avec camarades anciens et collaborateurs actuels jusqu’à dresser de la susceptibilité, rien que de la fébrilité en une barrière brulante.

« Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je suis franchement désolé, j’ai honte… », a dit M. Amadou Samba. J’ai envie de lui dire : t’a merdé diambar. T’avais qu’à réprimer cette tendance à l’imposture, nourrie du reste par des ressentiments de tâche inachevée. Après quoi, j’aurais dit, la gorge serrée, en juge pirate ou en avocat pasticheur: pour avoir été mauvais joueur, estime-toi bon perdant, au moins. À présent, tu vas payer pour que cela serve à tous ceux qui, comme toi, bricolent des grades aux plus hautes sphères de la République. Mais là encore, je fais figure de piètre escroc, prétentieux juge des grâces

Waltako


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