En catimini, le fait religieux est au cœur de la politique sénégalaise

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  • Article ajouté le : 08 Dimanche, 2017 à 02h01
  • Author: Birame Ndiaye

En catimini, le fait religieux est au cœur de la politique sénégalaise

Nos esprits doux et disloqués repoussent jusqu'à leur dernier retranchement les injonctions des fidèles noirs foncés d’Afrique à l’orthodoxie. Musulmans ou catholiques tout court, c’est moins sophistiqué parce que leur foi nourrit, à elle seule, leur idéal politique. Républicains et laïcs de surcroit, c’est beaucoup plus compliqué parce qu’il leur faut se dédoubler à chaque fois que les référents religieux imposent une objection de conscience ou une charge moralisatrice. L’intention de confisquer l’ordre social en devenir gênera tant qu’elle se servira des seuls arguments d’autorité, négation de toute altérité. C’est du moins l’entièreté convoitée des dévots sinon le fondement rationnel du droit positif qui en prend un coup sec.

Tant qu’ils se déclineront raisonnables, les référents religieux auront leur place dans le concert enflammé des participations citoyennes. Il revient à l’État de prendre ses responsabilités, aménager les arguments afin de donner sens et réalité à l’objectif ultime : vivre en paix et en harmonie. Certains essayeront de tirer parti du système mécanique de la majorité officielle. D’autres spéculeront sans cesse sur les valeurs mobiles. Constamment, l’État devra garantir la primauté de l’État de droit; il y va de notre intégrité. La sauvegarde de l’égalité des citoyens et de la protection des minorités ne suffit pas, il faudra à chaque fois intégrer les plus vulnérables jusqu’à ce qu'ils acquièrent entièrement confiance.

Quand Mamadou Sy Tounkara, de son nom de moudjahidine avisé, dénonce une loterie, pari sportif prisé par des mineurs, il faut porter une attention particulière sur le procédé. Il alerte sur les conséquences dommageables de l’appât du gain facile. Ce n’est pas tant le contenu de son discours que l’agencement de sa pensée qui vient nous chercher, nous provoquer et nous convaincre au mieux. Il ne s’est pas complu dans la rhétorique fade des mollahs qui prédisent invariablement la pénitence encourue. Lui, au moins, il s’appuie sur des faits et gestes avant d’apprécier raisonnablement l’impact du phénomène sur les équilibres sociaux.

Sous nos yeux se déroule un triste spectacle qui opposent d’une part ceux qui rient de la démocratie, mais comptent bien s’en servir pour s’imposer, et d’autre part ceux qui ne trouvent pas drôle que la liberté démocratique soit aussi utile aux fanatiques. Les premiers considèrent que la démocratie doit traduire sèchement le diktat du plus grand nombre. Les seconds apprécient que les minorités puissent contribuer qualitativement au commun vouloir de vie commune. En tous les cas, la majorité dont se targuent les dogmatiques ne s’est jamais traduite par des représentations sociales conciliantes ni par des comportements collectifs et complices.

Entre force de loi et trafic des compétiteurs, il y a là un ordre d’attribution à établir pour de bon, pour éviter les confusions ou tout autre chamboulement. La démocratie n’est pas une simple manifestation de la volonté du plus grand nombre, elle prévoit également que les plus forts se conforment aux normes constituantes. Dès lors, il est insensé de convoquer une loi surhumaine pour en faire impérieusement référence subliminale. C’est par le procédé de rationalisation que les équilibrages se feront, sans suffisance ni aucune autre suprématie.

Faut-il avouer carrément que nos ancêtres l’ont eu tout faux, pour étouffer les vains combats d’arrière-garde? Ce sera déjà ça de fait. On en est à préférer les uns contre les autres dans l’application de la charia ou dans celle du droit universalisant de l’homme. Appelons-ça comme on veut, référent religieux ou raideur républicaine. Toujours est-il qu’au registre des identités, tous ces casus belli viennent d’ailleurs, de très, très loin. Hélas! Les greffes et les gommages ne sont pas encore tout à fait réussis. La froideur des corps enfermant du sang chaud oblige.

Birame Waltako Ndiaye

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