Le Blogs de : Birame Ndiaye

L'ancien président de l’Assemblée nationale et ex-Premier ministre, Guillaume Soro, qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt dans son pays, maintient sa candidature à la présidentielle ivoirienne prévue au mois d’octobre 2020. « Ceux qui m'ont empêché de fouler la terre de mon pays ne m'empêcheront d'être candidat à la magistrature suprême ». Guillaume Soro a eu du mal à s’imposer au sein du Rassemblement des Républicains (RDR), devenu aujourd’hui RHDP. Il a refusé d’intégrer le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ; ce qui a tendu davantage les relations entre lui et Alassane Ouattara.

« Je voudrais rassurer les uns et les autres qu’il ne s’agit pas de caler qui que ce soit. Comme je l’ai dit, tout le monde pourra être candidat. Je viens d’avoir 78 ans, donc, je ne compte exclure personne y compris moi-même », avait déclaré Ouattara. Selon André Silver Konan, journaliste, « les choses commencent précisément à se gâter entre eux, en 2016, lors du référendum sur la nouvelle constitution. Le texte supprime le dauphinat pour le président de l’Assemblée nationale et le confie au vice-président, Daniel Kablan Duncan, dont le poste vient d’être créé ».

Soro joue la carte de la légitimité historique pour avoir été l’artisan principal de l’alternance au bénéfice d’Alassane Ouattara à la tête du pays. Après la mort suspecte de son concurrent, Ibrahima Coulibaly, avec qui il entretenait une féroce rivalité pendant les années de rébellion, l’opposant-soldat s’est propulsé seul maitre à bord. Secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire à l’âge de 23 ans, chef rebelle à 30 ans, ministre d’État à 31 ans et Premier ministre à 34, le groupe d’experts de l’ONU sur la Côte d’Ivoire soutenait qu’il détenait 30% de l’armement ivoirien d’après la crise de 2000.

Pour les élections de 2020, ça se joue d’une part, avec ses ex camarades de parti, et d’autre part avec les alliés du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié. Guillaume Soro a révèlé avoir conclu un accord électoral avec l'ancien président Henri Konan Bédié, chef du principal parti d'opposition. « Nous avons un accord avec Bédié. Nous allons tous deux au premier tour, et le mieux placé soutiendra l'autre pour le second ». Par ailleurs, Hamed Bakayoko, ministre de la Défense (seul Ministre d'Etat) et maire de la commune d'Abobo, pourrait faire un bon remplaçant de Ouattara. La confusion autour de l’éventuelle candidature de ce dernier ne sert-elle pas à le protéger contre des attaques et autres nuisances des prétendants à la magistrature suprême ?

En tous les cas, dix ans après la crise post-électorale qui a fait 3000 morts, le scrutin s’annonce tendu. Les élections municipales et régionales de 2018 avaient été marquées par de nombreuses violences et fraudes. Soro a tenté sans succès, le 23 décembre 2019, de revenir en Côte d’Ivoire. Il a appris qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt, accusé par la justice ivoirienne d'avoir fomenté « une insurrection civile et militaire ». La plainte déposée, en 2012 par Michel Gbagbo devant la justice française contre lui pour enlèvement, séquestration, traitement inhumain et dégradant ainsi que les accusations de son implication dans le coup d’État manqué au Burkina Faso ont beaucoup terni son image. 

À présent, il lui est difficile de capitaliser le soutien politique des puissances étrangères. Avec un portrait de hors-la-loi aux yeux de l’opinion internationale, Guillaume Soro est affaibli parce que désigné d’avance poulain salissant. Sur la dernière visite du président français, du 20 au 22 décembre 2019, il déclare ceci : « J’ai été en colère du fait que le président de la France, M. Macron, est allé en visite officielle en Côte d’Ivoire, à dix mois des élections présidentielles. On nous parle d’un certain sentiment anti-français en Afrique, il n’y a pas de sentiment anti-français en Afrique, mais le leadership africain est de en plus jeune. Nous sommes outrés qu’un président de la République de France, jeune, aille trinquer avec des septuagénaires décriés et vomis par leur peuple, c’est ça le vrai problème ».

Birame Waltako Ndiaye