L’ère de la propagande au Sénégal; il faut bien s’y faire

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  • Article ajouté le : 30 Mercredi, 2022 à 13h03
  • Author: Birame Ndiaye

L’ère de la propagande au Sénégal; il faut bien s’y faire

Les médias responsables peinent à soigner l’addiction populaire à la superficialité dans l'appréciation de l'action publique. Ils ne sont pas les seuls. Les partis au pouvoir et certains leaders émergents de l’opposition s’efforcent également de se positionner en vain. Leurs difficultés sont le fait du cloisonnement binaire de l’espace politique et de la vitalité des idées qui opposent systématiquement le peuple aux élites. La confrontation permanente et envahissante entre la fabrique du dissentiment et la fabrique du consentement laisse peu de place à la réflexion ou à une quelconque marque de projet et de partage.

Rien à voir avec la communication institutionnelle, le matraquage, enchainement de falsifications et de suggestions façonnées et agrémentées, est de nos jours, le seul moteur d’adhésion des populations sur fond de préjugés et de suspicions. Pour rivaliser avec cette tendance, il faudra arriver à canaliser les attentions vers des représentations accordées aux mêmes sources de légitimation, identitaires notamment, et ce, sans tenir pour autant le même discours réactionnaire et parfois démagogique.

De la même manière que Marième Faye Sall capitalise une grande sympathie de l’opinion du fait de son enracinement perceptible à la « sénégalité », un profil cultivé de paysannat attaché à la ruralité et incarnant, le temps des week-ends, des modes de vie campagnardes aurait, à la longue, magnifié voire purifié l’image d’un homme politique. C’est dire à quel point la démarche, plus que le discours, influence les conduites du public. Ce n’est pas pour rien qu’Ousmane Sonko tienne mordicus à préserver son image des reproches d’homme léger.

De la dualité imposante et presque homogène entre le bien fabriqué et le mal stéréotypé, sortent vainqueurs les diffuseurs de messages qui articulent leurs actions symboliques aux faiblesses, aux affects et au schéma de pensée trompeur ou faussement logique des propagandés. « Le but de la propagande moderne, écrit Ellul, ce n'est plus de faire changer d'adhésion à une doctrine, mais d'engager irrationnellement dans un processus actif. Ce n'est plus d'amener à un choix, mais de déclencher des réflexes. »

Il n’est pas étonnant ainsi que le courant populiste, porté notamment par un élan identitaire et dogmatique, ravisse la vedette à l’ordinaire flux d’appel au consentement et à la mesure. Les fixations, référentiels au nationalisme, à l’orthodoxie et aux valeurs traditionnelles et religieuses, trouvent plus facilement preneurs, compte tenu de leurs facilités d’absorption sociale et des sensibilités éparses.

Les plates tentatives d’objectivation et de clarification à l’endroit de l’opinion entreprises sur la base des enjeux, notamment économiques et sociaux, sont forcément improductives. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle la domestication des voix électorales s’impose souvent aux tenants du pouvoir comme le moyen politique le plus agissant à disposition.

En réalité, cohabitent deux sphères informationnelles qui abritent des gens qui ne recherchent pas la vérité. Ils tentent de consolider leurs interprétations et leurs impressions césariennes. À l’évidence, celle des sphères qui grossira le mieux son rang, à coup de stratégies d’apeurements et de mises en doute sur son vis-à-vis, arrivera davantage à imposer son tempo. Pour parvenir à compter et à se conserver, il faut malheureusement jouer le jeu de la manipulation à défaut de d’instrumentaliser la puissance publique.

La transhumance, le clientélisme, la corruption et les pressions trouvent leur lit dans ce nid de cafards et dans l’élan d’abattement qui s’en suit. C’est inverser les rôles et les enchainements dans l’affaissement que de croire que ce « système » est le produit des acteurs et autorités. C’est bien le contraire. S’arranger pour garder la main sur le modelage des perceptions et des postions ou se risquer à débarrasser le plancher, voilà le dilemme cornélien.

Tout compte fait, seuls la manipulation et le matraquage arrivent à étoffer l’action politique et l’image des politiques de tous bords. La position de pouvoir, les réalisations et les privilèges concédées n’arrivent plus à contenir les aspirations bouillonnantes et populistes. Celles-ci résistent également à toute initiative de coercition ou de dissuasion. De la même manière, même intelligible ou manifeste l’information, la vraie, n’opère que sur une toute petite minorité qui échappe encore à l’autorité des stéréotypes et des truismes.

Birame Waltako Ndiaye
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