La démission du professeur Touré est un geste de rejet d’une cause

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  • Article ajouté le : 15 Samedi, 2020 à 22h08
  • Author: Birame Ndiaye

La démission du professeur Touré est un geste de rejet d’une cause

Démissionner pour des idées ou convictions est salutaire, quelle que soit la nature des arguments avancés. Pour autant, il est permis, heureusement d’ailleurs, de battre en brèche la pertinence des raisons évoquées. La démission du professeur Papa Touré de la présidence du Conseil d’administration de l’hôpital Dalal Jamm interpelle davantage sur la précellence accordée à la procréation médicalement assistée quant aux investissements en question. À ce titre, l’arbitrage dans les politiques publiques n’obéit pas forcément à la logique prisée du qu’en-dira-t-on.

La hiérarchisation  dans la prise en charge des problèmes de santé s’avère aventureuse et très risquée d’autant plus qu’il est question d’affect et de détresse souvent dissimulée. En outre, il peut être opposé à ceux qui s’indignent d’un tel placement jugé inopportun qu’aucun centre hospitalier public sénégalais ne dispose actuellement des techniques de PMA, à la différence des autres domaines qui lui sont préférés hasardeusement.

Selon le docteur Gérard Calixte Feyemi, spécialiste de la procréation, par ailleurs président de la Société sénégalaise de fertilité, 10 à 15% des couples sénégalais consultent pour infertilité. Dans son documentaire intitulé « Les Anges », la journaliste britannique Jane Labous a fait remarquer qu’au Sénégal, « le coût élevé d’une fécondation in vitro (FIV) la rend inaccessible pour de nombreuses femmes. Il faut compter environ 3 millions de francs CFA par tentative. Un tarif très élevé, sans garantie de résultat, alors même que le taux de réussite d’une FIV est d’environ 30% ».

Ô que oui! La lutte contre l’infertilité est aussi une cause qui mérite l’attention des pouvoirs publics; elle vise à rendre la dignité et la justice à de nombreuses femmes souvent pointées du doigt et vilipendées en société. Elles souffrent en silence sous les ruines des traditions défalquées et des préjugés venimeux. Très taboue, l’infertilité débouche sur une vraie crise existentielle qui mine à jamais la vie de nombreuses femmes, beaucoup plus que les hommes. Allez savoir pourquoi, la responsabilité est souvent imputée, à tort, à la femme.

Par ailleurs, il y a lieu de se demander comment l’État sénégalais parvient à concilier sa politique de réduction du taux de natalité avec cet investissement pronataliste en question. Officiellement il est dit que « le Sénégal a fait le choix stratégique de faire de la Planification familiale une priorité nationale en vue d’une réduction rapide de la mortalité maternelle et infantile ». Cependant, tout porte à croire que ce discours n’est destiné qu’à ménager la susceptibilité des religieux et des autres objecteurs de conscience. Ce qui est visé dans la promotion du planning familial, ce n’est rien de moins que la baisse du taux de fécondité.

Sous ce rapport s’impose une interrogation somme toute légitime, celle de la cohérence dans l’articulation des politiques publiques. Dans tout pays démocratique où le débat public répond aux exigences de la participation citoyenne, des réponses sur l’opportunité de l’investissement en faveur de la PMA et la justification de l’arbitrage ainsi exercé ne doivent tarder. Le débat, pour être constructif, ne doit pas porter sur la personne du professeur Touré. C’est dans une perspective de précision et d’information de l’acte gouvernemental qu’il s’avère davantage d’intérêt public.

Birame Waltako Ndiaye
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