La Gambie est au début du commencement

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  • Article ajouté le : 04 Dimanche, 2016 à 15h12
  • Author: Birame Ndiaye

La Gambie est au début du commencement

À la faveur de l’alternance, une gambienne sincère mais simplette a dit : « enfin que nos jeunes ne s’aventurent plus au large, dans des bateaux de fortune, en quête d’un avenir possible. » C’est comme au théâtre. Quand les rideaux sont baissés, c’est là qu’il faut distinguer la représentation mirobolante de la réalité, touffue et beaucoup plus sophistiquée. À la jeune dame, naturelle et enthousiaste, il faut certes témoigner un soutien à son triomphe, mais il faut également l’aviser de l’imminence des désillusions. La Gambie devra d’abord amortir le choc du passage abrupt d’un totalitarisme à un pluralisme périlleux.

Yayah Jammeh pèsera de tout son poids pour garder une prise sur le fonctionnement des institutions. C’est le seul moyen pour lui de solder ses comptes avec ses virulents adversaires exilés, les avant-gardistes ainsi que les États progressistes et fouineurs. Adama Barrow, l’élu, devra ménager la susceptibilité de ses souteneurs et de celle du président sortant, décadent et non moins baron encore agissant. C’est déjà dans la phase de transition que ce dernier lui fera payer son conformisme en immunité et en représentativité. Jammeh n’a pas cédé le pouvoir, il l’a transmis minutieusement. S’adressant au nouvel élu, il dit : « sans paix et stabilité, laisse-moi vous dire qu’on ne peut rien accomplir en Afrique ».

À cette dame qui s’attend à une vie meilleure, ne faut-il pas lui dire : « ma sœur, tu vas trop vite en besogne »? Se départir d’un dictateur qui étouffe les libertés individuelles, est une chose. Mais, décoller du terrain miné de la démocratie libérale et de ses guéguerres partisanes en est une autre. L’Afrique en et là. Les gambiens sont dorénavant engagés à s’accorder au tempo des querelles de clochers. Ils sont par ailleurs délivrés d’un tyran, mais captifs de la sauvagerie et de la cupidité des usuriers, pirates des temps modernes. Il y va des conditions permettent de se plastronner démocratiquement avancé aux yeux des placiers et poseurs de prototypes.

Les gambiens n’ont remporté une bataille politique. D’ailleurs, ils y sont aidés par l’érosion du pouvoir aux mains d’un noceur en banqueroute. Pour autant, la gouvernance démocratique n’est pas une fin en soi. Les libertés individuelles et la participation citoyenne ne sont utiles que lorsqu’elles concourent à l’accomplissement des citoyens. Autrement, c’est décor et distraction. Les sentiers cahoteux des trocs et des trafics des grands bandits de la Finance internationale sont là pour nous en convaincre. La vraie liberté, celle qui rend la dignité, c’est l’émancipation au diktat des marchands d’illusions, promoteurs de démocratie, mais bourreaux économiques. Leurs sentences, leurs souhaits et leurs stratagèmes, voilà ce qui nous expose et nous condamne en définitive à l’autoritarisme des plus forts d’entre-nous.

Enjouée et à juste titre, la gambienne savoure et magnifie la fin d’une souffrance longtemps endurée, celle de l’accaparement et des excès de « his Excellency Sheikh Professor Babali etc. », c’est sa sincère disposition à l’ouverture et au partage. Elle s’attend dare-dare à une nette amélioration de sa condition de vie, c’est son anachronisme. Au tournant, les boursicoteurs l’attendent pour lui faire payer son audace et sa quête de bonheur. Ça coûte cher de rentrer dans le cercle des astiqués assimilés. À cette dame et à ses concitoyens, il leur faudra sans s’y être préparés, faire office de souffre-douleurs, de soumis et, au mieux, de séduisants seconds.


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