Le financement des partis, ça se mérite

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  • Article ajouté le : 04 Mercredi, 2017 à 01h10
  • Author: Birame Ndiaye

Le financement des partis, ça se mérite

La noirceur de la caisse du président-bourgeois a déteint sur l’étoffe rouge du militant, autrefois battant et bolchévique. Ça part dans tous les sens à la suite de la révélation sur les millions que le chef de l’Etat remettait à Mamadou Ndoye, jallarbiste de son Etat. C’est de l’administration et de l’interférence des « caisses noires » dans l’enrôlement et la mobilisation des troupes votantes qu’il s’agit au premier chef. Si, malgré les fonds politiques placés clandestinement dans leur escarcelle, des présidents sortants ont perdu aux élections, ce n’est pas parce que les liasses de billet de banque étaient devenues moins agissantes. Loin de là. C’est parce que cette manne financière a surtout profité à des associés, porteurs de valise, au lieu de parvenir aux destinataires, votants de vile valeur.

L’argument de la subvention publique des partis afin d’éviter que ces derniers n’aient recours à de véreux bailleurs ne tient pas la route. Il en est de même de celui qui consiste à faire croire que cette subvention peut renforcer la démocratie interne des formations politiques. La patrimonialisation des partis tient davantage à leur condition de formation et à leur identification personnalisée qu’au seul profil des patrons de parti et à leurs largesses liantes. Tout compte fait, les chefs en question tirent essentiellement leurs ressources de leur statut de kapo consacré par leur main mise sur les mouvements. En définitive, financer les partis avec l’argent des contribuables, c’est appuyer et repositionner le leadership de ces leaders de parti, de ces maharajas.

Le code électoral ne fait pas clairement allusion au financement des partis politiques, mais plutôt à la couverture des dépenses en période d’élection. Mais, c’est tout comme. Les emplacements gratuits offerts aux candidats pour placarder des affiches électorales ainsi que l’accès aux moyens audiovisuels font aussi office de secours et d’assistance. C’est salutaire si tant est que le but d’une campagne électorale est de « vendre » un programme politique. Le prétexte de la destination d’intérêt public qui justifie un éventuel financement direct des partis est un leurre, ni plus ni moins. De toute façon, l’argent alloué gracieusement aux partis risquerait de servir, pour la plus part du temps, à l’achat de conscience. Le niveau de conscience politique actuel fait que le vote est davantage fonction du plus offrant que du mieux-disant.

Le chemin vers une véritable démocratie participative et délibérative est encore long. Il passe d’abord par une conscience citoyenne délestée des appétits asservissants de l’électorat ainsi que des agréments du cynisme phénoménal. Pour le moment, des passions se déchaînent à tort et à travers contre une réalité pourtant familière qui traverse la classe politique depuis bien longtemps. Pourtant, l’émergence d’un décor de saine compétition politique exige, au préalable, la maitrise des dépenses électorales. Pour ce faire, la priorité doit être accordée à l’encadrement optimal des fonds secrets et politiques ainsi qu’à la limitation et au contrôle des budgets de campagne. En effet, les fonds politiques renforcent le pouvoir exécutif (parti au pouvoir) au détriment des autres pouvoirs constitutionnels alors que l’absence de contrôle des budgets de campagne fait que, entre autres, les moyens de l’Etat servent indûment à des partis au pouvoir.

Somme toute, la proposition d’Abdoulaye Wade en 2011 peut convenir bel et bien. « Le financement doit consister à une aide matérielle. Un parti politique déclaré et présent au minimum dans les élections peut bénéficier de véhicules pour faire sa campagne. Des choses tout à fait matérielles, on lui imprime son bulletin et sa profession de foi par lesquels il se fait connaître », avait-il dit. Mais encore là, faudrait-il que cette forme de financement et d’assistance qui implique nécessairement une vérification des comptes financiers des formations politiques ne soit pas travestie en moyen d’accusation et d’exclusion d’adversaires gênants.

Qu’il vienne de l’étranger, de lobbies capteurs de marchés ou de simples manipulateurs, l’argent a toujours vicié le vote sénégalais, commercialisable dans bien des cas. Jusque-là, l’utilisation des fonds acquis nébuleusement par les candidats s’est révélée beaucoup trop opérante sur les préférences et les décisions des électeurs. Dans de telles conditions, financer publiquement les formations politiques, pour la plus part improvisatrices d’idées et d’intentions, c’est leur céder des moyens de vendanger des voix et des votes.

Birame Waltako Ndiaye

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