Moins d’enfants, ça contente les plus riches

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  • Article ajouté le : 19 Lundi, 2021 à 16h07
  • Author: Birame Ndiaye

Moins d’enfants, ça contente les plus riches

 

La question qui fâche, celle de notre propension à faire des enfants, nous est opposée dans un élan technocratique de conditionnalité au développement économique. Elle pointe le doigt sur la forte croissance démographique en Afrique, sur le "budget sans cesse croissant" dédié à la santé, à l’éducation et à l’insertion des jeunes. Malgré les résistances sociales, la quête de dividende démographique, avec pour objectif de changer la structure par âge de la population, sous-tend déjà les politiques publiques en Afrique. Les sensibilités et les identités distinctes s'avèrent contreproductives aux goûts de l'idéologie dominante du "moins d'État, mieux d'État".

Le problème est de savoir si le traitement de cette question vitale est fait convenablement. Autrement dit, faut-il limiter les naissances ou produire davantage de biens et de services conformément à la demande ? Dans le premier cas, les populations sont directement appelées à contribution, en rationalisant leurs enfantements. Dans le second cas, l'engagement des gouvernants à régler les problèmes sans dérobade est plus que nécessaire.

Le dividende démographique exige la limitation des naissances dans le seul but d’augmenter les quotes-parts individuelles. Bizarrement, une fois que le processus d’"épuration" aboutit, il s’avèrera presque irréversible. Pour preuve, les politiques natalistes dans les pays dits développés peinent à renverser les tendances actuelles à la décroissance. Comme quoi, il est difficile de vouloir une chose et son contraire.

Lutte de classes, le choix entre l'enrôlement des masses aux exigences économistes par la bourgeoisie et la revendication prolétarienne de satisfaction inconditionnelle des besoins sociaux grandissants oppose deux groupes d'intérêts. Les technocrates, bras ouvriers de la Finance internationale, sont davantage préoccupés par les exigences d’un marché de qualité, c’est-à-dire regroupant des hommes et des femmes solvables. Un marché fait de pauvres en quantité est hostile, dangereux, instable, donc infructueux.

Cependant, cette approche idéologique et globale n’a rien à voir avec la responsabilité individuelle qui met chaque citoyen devant ses propres responsabilités de parent. Pour tout individu, c’est renoncer à son intelligence que d’ignorer ou de mésestimer les meilleures conditions d’épanouissement et d’accomplissement des enfants à sa charge. Mais ceci ne peut légitimer la dérobade des élus sous le prétexte de la rareté des biens et services. Des enfants, ça se crée ; des ressources, ça s’achète.

Parler de dividende démographique, c'est comme parler de chiffres d'affaires d'une entreprise. En soi, il ne rend pas compte de la viabilité de l'économie. Il n'est significatif qu'à la condition de ses externalités positives. Réellement, le dividende démographique se concrétise par des ratios favorables au plein emploi, à une bonne couverture médicale, un bon taux de scolarisation...

Par ailleurs, c'est une erreur d'approche que de miser sur un changement de mentalité (baisse du taux de fécondité) pour asseoir, à court et moyen terme, les conditions de développement. Cette entreprise nécessitera beaucoup d'efforts pour des résultats négligeables dans l'immédiat. Pour preuve, les campagnes de sensibilisation sur la planification familiale ont vu le jour, au Sénégal, depuis les années 80.

Dès lors, des leviers beaucoup plus agissants sont à portée. Par exemple, il est établi qu'à mesure que les femmes atteignent un niveau d'instruction poussé, elles se marieront plus tard et feront moins d'enfants. D'où une indication claire que le travail de rationalisation passe davantage par les facteurs d'émancipation que par la vaine volonté de tordre les mentalités.

Birame Waltako Ndiaye


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