Souveraineté numérique : Twitter, l’arroseur arrosé

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  • Article ajouté le : 11 Lundi, 2021 à 15h01
  • Author: Birame Ndiaye

Souveraineté numérique : Twitter, l’arroseur arrosé

Un fief accidentel de suzeraineté de la démocratie en crise a vu le jour. La fermeture du compte Twitter de Donald Trump à la suite d’incendiaires déclarations suscite un débat sur le pouvoir sentencieux des réseaux sociaux. En vérité, cela rend bien compte de la crise de légitimité ou, à tout le moins, de l’émiettement de la souveraineté populaire. La question en l’espèce est de savoir si Twitter ne s’est pas substitué à la justice en procédant d’autorité à l’appréciation de faits et à la punition infligée au 45e président des États-Unis. Pourtant, la vraie question est de savoir de qui Twitter tient-il un tel pouvoir de vie et mort digital? Du peuple, d’un vide juridique ou de sa responsabilité inattendue?

Twitter ne s’est pas improvisé maître et justicier. Il s’est approprié sa part du marché de la justice en s’appuyant sur la tyrannie de l’émotion. En effet, la sanction, lorsqu’elle n’est destinée qu’à sauver les apparences en puisant à l’excitabilité de la foule, elle devient une vulgaire mise participative. La marchandisation est en train d’envahir la justice comme l’ensemble des pouvoirs institutionnels d’État. Twitter est actuellement mis en cause alors que la source du délitement de la puissance publique tient davantage à la caducité du principe classique de séparation des pouvoirs. Le bébé internet, grandissant, grignote sans cesse aux géants taciturnes des permissions et des possibilités.

L’occasion fait le larron, a-t-on l’habitude de dire. Dorénavant, le pouls des peuples se prend sur les réseaux sociaux. C’est à croire que ces derniers jouent à la fois les rôles des sondages et des urnes, laissant le soin aux influenceurs et aux seuls branchés du net le pouvoir de maquiller, de manipuler et de manigancer les tons et les tendances de l’opinion le plus en vue. C’est que le critère de majorité est devenue négligeable, presque futile, au profit des perceptions qui se dessinent au vu et au clic de tous.

Facebook, TikTok, Twitter, WhatsApp, etc. sont devenus des mégas-meetings doublés de centres de dépouillement à fiel découvert. Il est illusoire d’attendre des capitalistes tenants de tels joyaux d’en limiter la portée sociale. Cela reviendrait à réduire la rentabilité économique. Par ailleurs, ne pas sévir mettrait à nue leur propension manifeste à fausser le jeu démocratique. Comme tout modèle de production libérale, la capacité de se renouveler en causant de nouveaux types de pathologies sociales est déployée. Ainsi, le débat est vicieusement déplacé et orienté vers les limites et les excès des plateformes, occultant subrepticement l’usurpation et la déperdition insidieuses des souverainetés nationales.

Le morcellement tentaculaire de la souveraineté des peuples se poursuit sous nos yeux hagards. Des mains des autorités religieuses, de celles des spéculateurs, de celles des bailleurs de fonds et de celles des élus mandataires, le pouvoir du peuple a trouvé un  tout nouveau tributaire d'une entité encore plus puissante que les autres. Cette nouvelle hiérarchisation féodale place le suzerain internet au sommet des détenteurs de la puissance de commander le monde et les liens conventionnels qui unissent les vassaux aux décideurs.

Birame Waltako Ndiaye
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