Tabaski à ndiobènetaye

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  • Article ajouté le : 28 Lundi, 2017 à 14h08
  • Author: Birame Ndiaye

Tabaski à ndiobènetaye

Éprouvé par les préparatifs de la tabaski, de ses réclames, de ses conflits et de ses tourmentes, Gorgui Diop est au bord de l’épuisement. Confus, il gesticule tel un possédé et proteste tout haut. « En vérité, il n’est pas question de mouton en sacrifice, c’est de l’homme contraint à des dépenses absurdes qu’il s’agit lorsqu’il est dit : laisse mouton pisser, tabaski viendra », dit-il.  Pour cet habitant de Ndiobentaye, les rôles sont inversés. Pour lui, le mouton à laisser pisser en attendant fait référence au sénégalais moyen, comme lui, qui se débat sans succès ni solution à célébrer tabaski plus que ses moyens l’y autorisent.

Ce n’est plus qu’une fête, c’est surtout un casse-tête, ni plus ni moins, une coupe-faim pour le commun des « borom keur », pourvoyeurs de subsides. Il est par la force des choses, promoteur du défilé d’une ou de plusieurs épouses, habilleur et parfois styliste des morpions et, de surcroit, forcés d’immoler un mouton compétitif. Les chefs de famille s’en donnent à cœur et à poche mutilés. A présent, Gorgui Diop n’est plus reconnaissable. En cette journée, sa gourmandise habituelle rencontre le poids des dettes douloureuses et des reproches repoussés jusqu’à lui couper étrangement son penchant naturel à s’empiffrer.

Le voilà, en aparté, se défoulant, parlant discrètement de sa femme. Il lui reproche d’être gaspilleuse et superficielle. « Elle entend impressionner tout le voisinage d’un « Kouy » ; elle entend se parer d’une coiffure spéciale et d’un accoutrement dernier cri », dit-il. En ndiayène, naturellement brillant, je luis dis: es-tu obligé d’agréer à chaque fois ses caprices ? Les traits tirés, il me regarde fixement et dit: « j’ai renoncé à ma liberté. L’affirmation individuelle n’apporte bien-être qu’à la condition d’être exempt de toute vengeance et des représailles aiguisées de ma tendre qui font mal, très mal. »

Combien de fois avons-nous dit ou entendu dire: si ce n’était que moi… ? Ce sont les folies des personnes qu’on aime et qui s’encombrent de futilités qui nous fatiguent le plus. Nous ne voulons surtout pas savoir nos proches embarrassés malgré l’idée critique qu’on peut se faire de leurs conduites. Gorgui Diop trouve absurde de célébrer l'Aïd al- Kebir, acte de piété, dans l’excès et la folie. Néanmoins, il s’y fait contre mauvaise fortune bon cœur. De toute façon, il ne fait plus rien par attrait, dressé à soigner continuellement le prestige (saak) de sa douce moitié et de la belle famille et de leurs quelques bouts de bois de Dieu.

Tabaski à la sénégalaise harcèle de ses charges cassantes et des recommandations futiles à faire ce qui se fait comme tous les autres. Les efforts de rationalité et d’organisation butent encore sur la sensibilité aux manifestations extérieures (soutoura), sauvegarde des apparences à tout prix. Les résolutions individuelles n’y feront rien. Gorgui Diop a déjà tenté le coup. Très vite les, « khélou » accablants de madame l’ont fait revenir à l’instinct grégaire.

 

Birame Waltako Ndiaye

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