Crise Gambienne: Pourquoi le Président Abdel Aziz a voulu sauver le soldat Jammeh ?

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Crise Gambienne: Pourquoi le Président Abdel Aziz a voulu sauver le soldat Jammeh ?

Les plus jeunes l’ignorent, les plus anciens l’ont oublié… A part la culture tyrannique, quels sont les liens qui unissent le despote Jammeh et la Mauritanie ? Aziz lui a rendu visite en 2011 et le Jammeh est venu en Mauritanie un an plus tard.  C’est évident qu’un pays inquiet dans la gueule du lion sénégalais ne peut 

qu’être utile à la Mauritanie au moins en matière de renseignements mais qu’est-ce qui lie Mauritanie et Gambie.

Arrivée au pouvoir en 1994 au bénéfice d’un coup d’état, la Gambie de Yahya Jammeh est restée fidèle aux baassistes mauritaniens. C’est en 1989 : l’affaire des armes irakiennes livrées à la Mauritanie qui ont fini par atterrir chez la rébellion casamançaise via la Gambie…

C’est l’écrivain Jean-Caude Marut, docteur en géographie,  qui le raconte dans son livre  » le conflit de casamance : ce que disent les armes… ». Livre bloqué à Dakar à l’époque car on y trouve des informations sensibles.

On comprend mieux aujourd’hui  l’ingérence subite de la Mauritanie dans une affaire qui concerne d’abord la CEDEAO déjà clairement engagée à chasser le tyran gambien par les armes avec le soutien de la  » fameuse communauté internationale ».

Où pouvait bien aller le gambien ? Au Maroc ? Il y serait mieux installé qu’en Mauritanie et plus en sécurité vu qu’en Mauritanie tout est possible et la stabilité est toujours sur le feu. Mais aller au Maroc ne serait pas une bonne affaire pour la Mauritanie car le Maroc est un pays frère du Sénégal sauf si la Mauritanie essaie d’aller dans le sens de l’apaisement en contribuant à exfiltrer l’agent gambien histoire de ne pas perdre les liens avec le  président Barrow.

Voilà donc le président mauritanien, jamais à court d’opportunisme, qui court en Gambie sauver le soldat Jammeh comme on sauve un agent avant que les secrets ne tombent dans d’autres mains si l’agent se sentait abandonné par Nouakchott. De toute façon, Aziz ou pas, combien de temps le tyran allait-il tenir avec une si pauvre armée, prête à l’esbroufe mais pas au-delà, après avoir reconnu la victoire du Barrow ? Il était devenu indéfendable. S’il avait trafiqué les élections comme bien d’autres pour ensuite faire valider la chose par le conseil constitutionnel, il aurait pu rester ou du moins être défendu par le syndicat des tyrans qu’est l’Union Africaine même si les africains ont compris que Jammeh était l’homme des arabes…

Lui qui a changé en 2014, la langue officielle du pays de l’anglais à l’arabe avant d’en faire en 2015 une république islamique, la seconde en Afrique avec la Mauritanie. En titre d’exemple:  :  » L’arme du lien : l’instrumentalisation de la rébellion casamançaise » disait un journaliste à l’époque.

Les autorités gambiennes ont toujours démenti tout lien avec la rébellion casamançaise, multipliant les déclarations en faveur d’une solution politique au conflit. Pour montrer ses bonnes intentions à l’égard de Dakar, le chef de l’Etat gambien, Yahya Jammeh, est même allé jusqu’à proposer sa médiation, et à accueillir des réunions internes censées réunifier le MFDC ( en 1999 et en 2000 ).

Mais aussi bien Jammeh que Diawara se méfient de Dakar et ne vont cesser d’utiliser la rébellion casamançaise comme un contrepoids : en laissant transiter par leur territoire des armes destinées aux maquisards en 1989, lors de la crise entre le Sénégal et la Mauritanie , en ne condamnant pas le soulèvement de la Junte en 1998, lors du conflit politico-militaire à Bissau ; en décapitant l’aile  » modérée » du MFDC en 2006, en pleine offensive sénégalaise contre les maquisards radicaux de Salif Sadio…

C’est pourquoi, depuis les années 1990, Banjul accorde l’asile à des responsables de la rébellion, et laisse des maquisards utiliser son territoire comme base arrière. Ces derniers y trouvent des facilités de repli et d’approvisionnement. Ils y trouvent aussi des ressources économiques : des chefs maquisards possèdent en Gambie maisons et boutiques ; et des trafics en tout genre se sont développés autour de la frontière, dont profitent aussi bien Etat et opérateurs privés gambiens que maquisards et populations casamançaises… Autant d’activités qui assurent la subsistance des combattants et contribuent à la pérennisation, sinon du conflit, du moins de la rébellion…

Les raisons de l’attitude gambienne renvoient d’abord à des raisons externes. A partir du moment où l’on se considère à Banjul  » dans la gueule du lion » sénégalais, on n’y est  » pas mécontent que la mâchoire inférieure ( la casamance ) soit détériorée ». Il s’agit donc moins d’un soutien à la rébellion en tant que telle, que de son instrumentalisation circonstanciée dans le bras de fer auquel se livrent la Gambie et le Sénégal, dont l’enjeu n’est autre que la survie du régime voire de l’Etat gambien. en cas de besoin, on peut jouer de la rébellion comme d’un levier pour desserrer l’étreinte. Mais un levier à utiliser avec précaution, les dirigeants gambiens n’ayant pas intérêt à aller jusqu’à un casus belli qui pourrait se révéler suicidaire pour eux.

 » le diable s’il le faut  » : des soutiens plus lointains ?

Au début des années 1990, Nkrumah Sané se dit prêt à s’allier avec le diable s’il le faut pour vaincre le Sénégal. On ne sait pas à quel diable il pense alors, ni s’il a réussi, mais la presse sénégalaise dénonce à plusieurs reprises, dans ces années-là, les ingérences dans le conflit casamançais de pays extérieurs  à la sous-région. Même si la menace a été exagérée, il semble que ces tentatives de déstabilisation aient réellement existé, où interfèrent motivations politiques ( le combat contre l’Occident ) et motivations matérielles ( trafics )

La piste irakienne

Le régime de sensibilité baassiste de Nouakchott est notamment accusé par Dakar de servir de relais à des menées irakiennes dans la sous-région à la fin des années 1980. Le fait est qu’en 1989, l’Irak de Saddam Hussein soutient la Mauritanie dans la crise avec le Sénégal. En retour, la Mauritanie soutient l’Irak dans la guerre du Golfe ( 1990-91 ), alors que Dakar s’y oppose par les armes ( envoi d’un contingent militaire en Arabie Saoudite ). C’est dans ce contexte que le presse de Dakar accuse des membres de la communauté mauritanienne de Banjul de servir de relais à l’Irak dans son soutien  à la rébellion casamançaise ( passée à l’offensive en avril 1990 ) : des armes irakiennes auraient été livrées au MFDC via Banjul. La défaite irakienne, mais aussi la pression militaire de la France, ramènent cependant Nouakchott à une attitude plus conciliante à l’égard de Dakar.

En fait, ce n’est que plusieurs années plus tard, en 1999, que la rébellion casamançaise aurait effectivement récupérée une partie des armes qui lui étaient destinées. Quand bien même elle aurait récupéré la totalité, on est loin d’un soutien massif : le soutien irakien est apparemment resté très conjoncturel, à la différence du soutien libyen.

( 65. deux conteneurs non utilisés par la Mauritanie auraient été promis au MFDC. Après l’interception d’un conteneur en Gambie, l’autre aurait finalement été récupéré par Ansoumana Mané, qui aurait utilisé les armes lors du conflit bissau-guinéen de 1998-1999. A l’issue du conflit, le chef de la junte serait parvenu à en remettre la moitié à Salif Sadio ( ce qui aurait accentué la cassure avec le groupe Léopol Sagna )

Source: chezvlane.com

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