En 2024, l’emploi salarié dans le secteur formel hors administration au Sénégal a reculé de 0,6 %. Ce léger repli cache une transformation structurelle plus marquée. L’industrie en est le principal point de faiblesse, avec une chute de 7 % des effectifs, concentrée dans les activités de fabrication qui accusent une baisse de 8,3 %. Ce désengagement industriel, symptomatique d’un essoufflement de certaines chaînes de valeur, contraste avec la dynamique observée ailleurs.

La construction enregistre une progression spectaculaire de 12,4 %, portée par les chantiers d’infrastructures et le dynamisme urbain. Le commerce progresse également de 2,5 %, tout comme les services, en hausse de 0,4 %. Ces secteurs apparaissent aujourd’hui comme les amortisseurs d’un marché du travail en recomposition, plus tertiarisé, moins manufacturier.

Fait notable dans ce contexte de baisse des effectifs globaux les rémunérations, elles, augmentent de 6,9 %. Cette évolution suggère une montée en qualification ou une concentration de l’emploi dans des segments à plus forte valeur ajoutée. Elle pourrait aussi refléter des tensions sur certaines compétences spécifiques, en particulier dans le bâtiment, le commerce organisé ou les services numériques.

Ces données, publiées par l’ANSD, dessinent un paysage contrasté. D’un côté, une industrie en difficulté, marquée par une perte de compétitivité et une faible modernisation. De l’autre, des activités plus résilientes, capables de soutenir l’emploi et les revenus, mais souvent précaires et exposées à la volatilité de la demande.

Cette recomposition du tissu productif interpelle les politiques publiques. Si la tertiarisation peut absorber une partie de la main-d’œuvre, elle ne garantit ni stabilité à long terme ni transformation structurelle. Réancrer l’industrie dans la stratégie nationale d’emploi devient donc une urgence, non pour des raisons nostalgiques, mais pour reconstruire une base productive capable d’offrir des emplois durables, qualifiés et correctement rémunérés.