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Faustin-Archange Touadéra : « Nous ne pourrons résoudre la crise en Centrafrique qu’avec le soutien de partenaires étrangers »

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Faustin Arcange Touadera, le 17 janvier 2012 à Bangui.

Fragilisée par le départ de Sangaris et d’une partie des Casques bleus, la Centrafrique fait face à un regain de violence. Au pouvoir depuis mars 2016, le chef de l’État cherche l’appui de ses pairs.

Faustin-Archange Touadéra ne parle pas de progrès ou d’amélioration. Il n’ignore pas que, depuis plusieurs semaines, la communauté internationale s’alarme du climat de tension extrême dans plusieurs régions du pays. Cet ancien recteur de l’université de Bangui sait que les groupes armés ont regagné du terrain, que le calme tout relatif qui prévaut à Bangui est l’exception qui confirme la règle, et que l’État centrafricain est bien démuni face à la recrudescence des violences. Mais tout de même, insiste-t-il, il y a des raisons d’espérer, ne serait-ce que parce qu’« une majorité de Centrafricains est en faveur de la paix ».

Jeune Afrique : En août, Stephen O’Brien, qui était alors secrétaire général de l’ONU aux affaires humanitaires, a évoqué un risque de génocide en Centrafrique. Est-ce une crainte que vous partagez ?

Faustin-Archange Touadéra : M. O’Brien s’est exprimé ainsi à la suite d’une visite qu’il a effectuée à Bangassou, en juillet, et c’est vrai que, dans cette ville, les affrontements ont pris une tournure communautaire. Mais d’une manière générale, en Centrafrique, c’est le plus souvent pour le contrôle des ressources minières que l’on se bat. Pas pour des raisons ethniques ou religieuses. J’en veux pour preuve le fait que les principaux responsables religieux de ce pays sont réunis au sein d’une plateforme qui prône la paix et la réconciliation.

Israël en mai, le Tchad en juin, le Rwanda en août… Vous avez beaucoup voyagé ces derniers mois. Vous sentez-vous suffisamment soutenu par vos pairs ?

À l’évidence, nous ne pourrons résoudre la crise centrafricaine qu’avec le soutien de partenaires étrangers, et notamment régionaux. Lorsque je me rends au Tchad, je vais dans un pays qui accueille des centaines de milliers de réfugiés centrafricains. Des réfugiés dont le retour est une priorité. Quant au président rwandais Paul Kagame, c’est un partenaire solide : il est très à l’écoute. Il nous appuie aussi particulièrement en ce qui concerne la formation de nos forces armées.

Et Israël ?

Israël est réputé pour son savoir-faire en matière de technologies agricoles. Or, sans l’agriculture notre économie ne pourra pas redécoller. Et puis il y a, dans ce pays, des hommes d’affaires que l’Afrique centrale intéresse et qui sont susceptibles d’investir dans notre secteur privé.

Y compris dans les diamants ?

Concernant les diamants, il faut savoir qu’une bonne partie de nos mines sont situées en zone de conflits et ne nous rapportent donc rien. Nous espérons que la Centrafrique pourra bientôt profiter de ses richesses.

D’ici à la fin de cette année, ce sont 1 500 soldats centrafricains qui doivent être formés. L’objectif est-il tenable ?

C’est un processus long et compliqué. Aujourd’hui, un premier bataillon est formé – soit environ 650 hommes. Un deuxième bataillon est en cours de formation, et nous pouvons donc espérer disposer de 1 300 éléments pour la fin de 2017. C’est bien, mais c’est insuffisant, nous le savons. Le départ de Sangaris en 2016 a laissé un vide énorme. Celui des Américains et des Ougandais, en mai 2017, aussi : ils avaient une mission très précise [la traque de la LRA, l’Armée de résistance du Seigneur], mais leur présence avait un impact réel sur le terrain. Puis cela a été au tour du contingent congolais de la Minusca. Un appel d’air a été créé. Nous n’avons pas assez d’hommes pour maintenir un niveau de sécurité acceptable, la Minusca n’a pas assez d’hommes, et si des pays veulent nous aider d’une manière ou d’une autre, nous serons à l’écoute.

Les anti-balaka et les ex-Séléka sont, quant à eux, toujours lourdement armés, alors même que leur désarmement était l’une de vos promesses de campagne…

Le programme DDR [désarmement, démobilisation et réinsertion] a été mis en place et commence à prendre corps. Il y a quelques jours, nous avons lancé une première expérience pilote : chaque groupe armé – il y en a quatorze – a dû présenter quarante hommes. Vingt retournent à la vie civile et vingt autres rejoignent les rangs des futurs services de sécurité centrafricains. Nous verrons comme cela se déroule, et s’il faut procéder à des ajustements. Mais je suis confiant car l’écrasante majorité des Centrafricains veut la paix.

Y a-t-il des négociations avec les chefs des milices au sujet d’éventuelles ­amnisties ?

Il y a une feuille de route, celle de l’Union africaine, adoptée à Libreville en juillet. C’est dans ce cadre que nous parlons avec les représentants des différents groupes armés.

Pour que la paix et la cohésion sociale reviennent, il faut que justice soit rendue.

Donc pas d’amnistie ?

Ce n’est pas un sujet de discussion parce que cela n’entre pas dans le cadre qui nous engage tous. Pour que la paix et la cohésion sociale reviennent, il faut que justice soit rendue.

Êtes-vous en contact avec vos prédécesseurs, François Bozizé, Michel Djotodia ou Catherine Samba-Panza ?

Cela fait un moment que je ne leur ai pas parlé, mais oui, il m’est arrivé de m’entretenir avec eux au téléphone. Il est important qu’à la présidence nous échangions avec tout le monde.

Vos relations avec Karim Meckassoua, le président de l’Assemblée nationale, sont réputées tendues. Qu’en est-il exactement ?

Il n’en est rien. Je crois qu’aujourd’hui chacun est à sa place et suit sa partition. C’est l’essentiel. Les institutions fonctionnent. Karim Meckassoua et moi nous nous voyons souvent, et le ton est cordial, croyez-moi.

L’est-il aussi avec le député d’opposition Anicet-Georges Dologuélé, qui fut candidat à l’élection présidentielle que vous avez remportée ?

Je ne l’ai pas croisé depuis un certain temps, mais je peux vous assurer que nos relations sont tout à fait cordiales. Il est dans son rôle en exerçant la critique, même si, à sa place, je serais certainement plus à la recherche du consensus…

Il y a régulièrement à Bangui des rumeurs de complots ou même de coups d’État. Vous sentez-vous en sécurité ?

On ne gouverne pas avec la rumeur. Notre pays a un lourd passé en la matière : nous avons une triste histoire de coups d’État, et la situation reste sensible, c’est vrai. Mais il ne faut pas exagérer : les temps ont changé en Centrafrique, et il y a aujourd’hui une vraie volonté de retour à la paix.

Est-il vrai que vous continuez à ­enseigner ?

Oui, j’assure parfois quelques cours. Parce que je sais que les besoins sont bien réels et que j’aime ça !



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