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Afrique

Les faiblesses lancinantes du commerce inter-africain

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Chargement de cacao en transit au port d'Abidjan

La plupart des produits à base de chocolat en Afrique sont importés de l'extérieur, à cause du manque d'usines de transformation du cacao sur le continent.

Le commerce inter-africain ne dépasse pas 13% des échanges globaux de l’Afrique. Le poids du passé est lourd : l’héritage colonial fait que les économies africaines restent largement extraverties et orientées vers les exportations de matières premières. Elles continuent de tout importer d’Europe et d’Asie, faute de filières industrielles endogènes capables de satisfaire des pans entiers de la demande sur les marchés intérieurs, pourtant en pleine croissance.

Pour se rendre de Johannesburg à Ouagadougou, il faut compter entre 10 et 52 heures de vol, avec entre trois et cinq escales, pour un prix de plus de 1100 euros. En 2017, passer par Londres, Bruxelles ou Paris reste pour les hommes d’affaires africains moins cher et surtout, moins épuisant.

De même, aucune autoroute ne relie Abidjan à Bamako ou Ouagadougou, alors que des centaines de camions vont et viennent chaque jour sur les routes nationales de ces pays, afin d’approvisionner le Mali et le Burkina Faso, pays enclavés, à partir du port d’Abidjan. Ces difficultés de transport pour se rendre d’une capitale à l’autre en disent long sur les efforts qui restent à faire pour fluidifier les échanges commerciaux à l’intérieur du continent.

Les chiffres, eux aussi, restent éloquents. La part des exportations de l’Afrique destinée à ses propres marchés ne représente que 17,7% du total en 2014, selon l’Organisation mondiale du commerce (OMC), contre 36% vers l’Europe et 23% vers l’Asie.

Alors que certaines économies restent très extraverties et tournées sur le monde extérieur, plusieurs pays mènent tambour battant des stratégies d’intégration régionale susceptibles d’assurer une croissance durable. Le Maroc et l’Afrique du Sud s’en préoccupent, mais aussi le Rwanda, le Kenya et l’Ethiopie, occupés à construire des corridors et des infrastructures de transport, notamment ferroviaires, dans leur sous-région.

Fortes disparités en fonction des sous-régions

En attendant, il reste plus compliqué de trouver une bouteille de vin sud-africain à Dakar qu’à Barcelone, ou de déguster des gambas du Sénégal à Abidjan plutôt qu’à Paris. Tous les pays d’Afrique de l’Ouest importent d’Europe des produits chocolatés fabriqués à partir du cacao ivoirien – faute d’usine de transformation locale du chocolat, une filière encore embryonnaire en Côte d’Ivoire.

De tels exemples sont légion, sur un continent où l’on rêve de s’acheter des bicyclettes made in Nigeria ou, pourquoi pas, des réfrigérateurs kényans, mais où des évêques congolais se désolent que « pas un couteau, pas une fourchette ne soit produit en République démocratique du Congo ».

Vera Songwe, économiste camerounaise de la Banque mondiale nommée en avril au secrétariat exécutif de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), dans un document publié par le think tank marocain OCP Policy Center, pointe l’existence de huit communautés économiques régionales reconnues par l’Union africaine, dont certaines se chevauchent ou sont redondantes, comme la Communauté de l’Afrique de l’Est et celle de l’Afrique orientale et australe (Comesa), ou la Communauté des Etats sahélo-sahariens (Censad) et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). De fortes disparités persistent en fonction des régions et de leur dynamisme, l’Afrique australe ayant les plus forts échanges, près de 35 milliards de dollars par an selon les données Comtrade des Nations unies de 2014, suivie par la Cédéao (11 milliards) et l’Union du Maghreb arabe (Amu, 5 milliards).

Des infrastructures et des gens

La croissance africaine, non inclusive, repose encore largement sur l’exportation de matières premières non transformées sur place, à partir des ports du littoral, plus développés que les pays enclavés. Les experts le répètent à l’envi, comme un mantra : il faut industrialiser. Or, avant d’industrialiser, il faut électrifier, et construire les infrastructures qui vont permettre de faire circuler les hommes et les marchandises.

C’est par exemple la mission que s’est assignée la Trade and development bank (TDB Group, ex-TPA Bank), une banque de développement africaine moins connue que la Banque africaine de développement (BAD), mais qui n’en brasse pas moins 4,5 milliards de dollars d’actifs. Basée au Burundi et à Maurice, cette banque opère pour partie dans le financement des exportations et importations à l’intérieur de l’immense marché commun de l’Afrique australe et orientale (Comesa). Et pour partie en projets d’infrastructures – par exemple, une grosse usine de ciment en République démocratique du Congo (RDC) ou l’achat de Boeing et d’Airbus pour la flotte de la compagnie aérienne Rwandair.

« Beaucoup d’acteurs voient l’Afrique comme un Eldorado de gisements encore inexploités, un continent rempli de pierres et d’animaux. Or, de notre point de vue, ce sont les gens qui comptent ! » regrette l’Ethiopien Admassu Tadesse, directeur de TDB Group. Selon lui, la priorité est à la construction de filières pourvoyeuses d’emplois, mais aussi à un rattrapage général sur un dynamisme nouveau. « Avec internet et les réseaux sociaux, les gens s’intègrent et communiquent beaucoup plus vite que les institutions, les infrastructures et même les chaînes de valeurs, explique-t-il. Encore une fois, ce sont les gens qui mènent le bal en Afrique, avec la musique, la culture et les relations humaines ! »



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