CHRONIQUE THEATRALE : Sédhiou, le Diable et le bon Dieu ( Par Paul Faye)

Pour bon nombre de personnes, Sédhiou est une ville maudite par le Diable. Pour certains, c’est une ville bénie des Cieux. Pendant que d’autres estiment que tout cela relève de la superstition. Ces divers points de vue, nous ont donné l’idée de dramatiser le sort de Sédhiou.

 

Sédhiou : «  Qui d’entre vous m’a créé » ?

 

Dieu : « Tu oses douter que je sois le seul créateur du ciel, de la terre et de tout ce qui s’y meut » ?

 

Sédhiou : « Non Seigneur. Je sais tout cela. Mais comment peux-tu me créer et me laisser dans une situation de ni vie ni mort ? J’ai faim ; j’ai soif ; je suis épuisé ; je suis inaccessible ; je suis sombre. Je me soigne ailleurs, je me ravitaille ailleurs, je dors ailleurs, j’étudie ailleurs. Je ne suis qu’un monstre vivant. Malheureusement toutes les tentatives de me sauver échouent. Si tu es le Seigneur et le Sauveur pourquoi m’as-tu abandonné ?

 

Dieu : « Tu t’es abandonné toi-même. Je t’ai donné ce que je n’ai donné à aucun peuple de la terre. Je t’ouvre largement mes vannes pendant l’hivernage, je t’ai donné des terres plus que fertiles, des forêts plus que denses. Que veux-tu de plus ? Mieux, tu as mon soleil en abondance. J’ai rendu poissonneux les fleuves qui te ceinturent et assurent ta sécurité. Aujourd’hui, tu te plains de ton enclavement ! Sache que cet enclavement t’a épargné de la rébellion trente ans durant. Mais si tu étais ouvert au reste de ton pays, les agresseurs te viendraient de partout or, tes braves soldats, ceux qui combattaient à l’époque du Gabou, ont perdu l’art de la guerre. Aujourd’hui,  tu peux demander à être désenclavé car les armes se sont tu maintenant autour de toi.

 

Sédhiou : « Donc écarte de moi Satan qui me traumatise, qui détourne les investisseurs de moi, qui divise mes enfants, qui érode mes terres, qui salinise mes rizières, bref qui freine mon envol économique.

 

Dieu : « Satan, je l’ai créé comme je t’ai créé. Pourquoi préfères-tu l’écouter plus que moi ?

 

Sédhiou : « Il me happe en m’offrant  tous les plaisirs et vices du monde : le sexe facile, l’argent facile et le repos non mérité.

 

Dieu : « Cela, il l’offre à tous les peuples. Tu n’es pas une exception sur la terre. Tu as toutes mes bénédictions mais apparemment tu refuses d’en profiter. Au plan religieux tu as les marabouts les plus illustres. Au plan politique tu as eu des cadres exceptionnels. En matière de sport, tu domines toutes les ethnies du Sénégal. En culture, tu as eu le premier orchestre international. Mais tout cela, au lieu d’en profiter, au lieu que cela soit pour toi une fierté, ça te chagrine. Oui parce que tu es jaloux de tes propres réussites, de tes propres performances.

Tu n’es plus à l’antiquité mandingue. Va travailler, va bêcher, va labourer et gagne ton pain à la sueur de ton front.

 

Satan : « Je vais l’en empêcher. Parce que j’ai  signé un pacte avec ses ancêtres. Ce pacte consiste à le maintenir à l’Etat primitif. Point de développement. Point de progrès. Que de la reculade. Que des tiraillements politiques. Que de la division. Que de l’oisiveté. Que l’ennui. Que des vices. Que des besoins.

 

Sédhiou : « Mon Dieu ! Au secours ! Au secours ! Réconcilie au moins mes enfants. Brise les mains et les pieds de Satan.

 

Dieu : Je vous ai tous créés et je respecte la liberté de chacun d’entre vous. Mon arbitrage est fini.

 

Sédhiou : « Seigneur, permets-moi de confesser mes péchés pour redevenir un nouveau-né.

 

Dieu : « C’est trop tard. Bats-toi avec Satan. Il te fera boire l’eau de chaux. Tu mourras et puis tu renaitras de tes propres cendres.

 

Sédhiou : Combien de temps devrai-je encore attendre pour que cela arrive mon Dieu ? Seigneur des générations et des générations se sont succédé sans que je puisse leur offrir la moindre aisance. Reconsidère ta décision et conduis moi et mes enfants vers l’unité parfaite toi qui règnes pour des siècles et des siècles.

 

Satan : Jamais ! Jamais ! Jamais !

 

Sédhiou : Seigneur, fais de moi alors ce que tu veux que je sois.

 

Dieu : Je te donne une dernière chance. Le quatrième dirigeant de ton pays va venir te voir dans le cadre de sa politique décentralisée. Profites-en pour unir tes fils autour de lui. Si tu rates cette chance, tu feras de toi-même ce que tu voudras être.