Après le brûlot du Colonel Abdoulaye Aziz Ndao, des cas de fraudes révélés par le Ministre de l’Education nationale alimentent abondamment la presse et suscitent l’émoi chez les uns, la surprise et l’indignation chez les autres. En particulier, les émissions interactives des radios, notamment « wax sa xalat », en ont fait leurs choux gras pendant plusieurs jours.
Pourtant, il n’y en a rien de vraiment nouveau sous le ciel de l’école sénégalaise. Les syndicats d’enseignants qui se sont exprimés le savent parfaitement : depuis de longues années, la fraude entache, souvent très gravement, nos différents examens et concours scolaires.
Il m’est souvent arrivé d’en dénoncer vigoureusement dans mes contributions, comme dans la page hebdomadaire du mercredi, consacrée par « Sud quotidien » à l’école sénégalaise que j’avais alors l’honneur de coordonner. C’était déjà en 1994. En tous les cas, si les graves fraudes révélées sont avérées, le Ministre Serigne Mbaye qui en est l’auteur doit être vigoureusement soutenu.
Nous savions déjà que l’examen du certificat d’aptitude pédagogique (CAP) et le concours d’entrée dans les écoles de formation d’instituteurs étaient gravement entachés par la fraude. Cette tricherie s’opérait à plusieurs niveaux mais, principalement, aux centres d’examens et au Bureau des Examens et Concours. Les chefs de centres fraudeurs, en général des inspecteurs de l’Enseignement élémentaire, ouvraient un bureau clandestin, de connivence avec d’autres collègues qui traitaient les sujets en même temps que les candidats.
Pas n’importe quels candidats, évidemment ! Il s’agissait bien de ceux d’entre eux qui avaient accepté de jouer le jeu, en donnant de fortes sommes d’argent, dont le montant dépendait du niveau de l’examen ou du concours. Leurs prénoms, noms et numéros d’examen ou de concours étaient soigneusement portés sur les copies traitées par les collègues délinquants. Après avoir ramassé les copies, le chef de centre procédait furtivement à une substitution de copies et le tour était joué. Cette substitution s’opérait aussi au Bureau des Examens et Concours, au moment où les agents délinquants rendaient les copies anonymes.
L’admission était ainsi assurée, les sujets ayant été traités par des inspecteurs et/ou des professeurs. Pendant de nombreuses années, des collègues et des agents du Bureau des Examens et Concours véreux se sont fait beaucoup d’argent en s’adonnant à cette minable forme de tricherie. Des agents du Bureau des Examens et Concours ont été d’ailleurs pris la main dans les copies. C’était autour des années 1985-1990 Pour toutes sanctions, ils ont été affectés à l’intérieur du pays, alors qu’une enquête approfondie de police s’imposait.
Ce laxisme de nos autorités est pour l’essentiel responsable des cas graves de fraudes qui alimentent l’actualité ces derniers jours. Le Ministre Serigne Mbaye Thiam qui les a rendus publics avait fait d’ailleurs état d’autres cas de fraudes qui auraient entaché la sélection des candidates à l’Ecole d’excellence Mariama Ba de Gorée. Au contraire de certains de mes collègues notamment membres d’organisations syndicales qui lui enjoignent de démissionner – pour des raisons vraiment inavouées –, je suis totalement en phase avec le Ministre Thiam et l’encourage à aller jusqu’aux limites de son pouvoir dans les actions qu’il a entreprises.
La fraude, il convient de le souligner avec force, n’entache pas seulement les examens et concours de l’école sénégalaise. Elle est pratiquement devenue une endémie nationale, du fait de l’impunité. Elle n’épargne ni la douane, ni le trésor public, ni la santé, ni même la justice. En tous les cas, un enseignant d’un certain niveau pris en flagrant de tricheries doit être purement et simplement révoqué ou, tout au moins, sévèrement rétrogradé et interdit d’accès à de futures responsabilités.
L’expérience a montré que la plupart des collègues qui ont été pointés du doigt dans les différents cas de fraudes ont été nommés pour des raisons proprement subjectives, compte non tenu de la compétence, de l’expérience et surtout de la bonne moralité. J’en ai connu de farfelus qui ne devraient jamais être nommés à des postes de responsabilité.
L’un des membres de cette race de collègues, après près de quarante ans de service, n’a pas hésité à confier à un de ses amis, qu’il remerciait infiniment le SEIGNEUR, pour n’avoir pas fait la prison, malgré les graves tricheries qui ont entaché sa longue carrière indigne. C’était le jour de la passation de service au collègue qui le remplaçait. Un secret de polichinelle d’ailleurs, puisque nous étions presque tous au courant de ses « performances » en mauvaise gestion.
Nos autorités doivent donc avoir une attitude de rigueur, d’extrême sévérité vis-à-vis des délinquants qui infestent l’administration sénégalaise. Ces derniers doivent être punis à la hauteur de leurs forfaits, fussent-ils parents, camarades de parti ou protégés de notables, de chefs religieux ou de qui que ce soit d’autres. En particulier, la nomination à des postes de responsabilité ne devrait obéir qu’à des critères objectifs : compétence et expérience avérées, bonne moralité, sens aigu des responsabilités et des relations humaines, esprit d’initiative et d’entreprise, etc.
De ce point de vue d’ailleurs, je reviens au Ministre Serigne Mbaye Thiam que je félicite vivement pour son heureuse initiative de ne nommer désormais les inspecteurs d’Académie et les inspecteurs départementaux de l’Education et de la formation que sur une liste d’aptitude établie par une commission après un appel à la candidature.
Cette initiative devrait d’ailleurs être étendue aux autres postes de responsabilité du Ministère de l’Education nationale (directeurs nationaux, proviseurs, censeurs, principaux de collèges, directeurs d’écoles élémentaires). Pourquoi pas aux autres ministères, à la Primature et à la Présidence de la République ?
Le succès du Plan Sénégal émergent (Pse) – si succès il y a – ne se fera jamais avec des hommes et des femmes médiocres, choisis seulement en fonction de leur degré de militantisme dans le Parti gouvernemental, de leur proximité avec le Président de la République ou d’un grand chef religieux. En particulier, le seul fait de gagner ou de perdre une petite commune rurale, ne devrait point être un critère de nomination à un ministère ou à une direction nationale stratégique, ni d’en être dégommé.
Plus d’un demi-siècle après notre accession à la souveraineté internationale, nous tournons en rond et peinons encore à seulement apercevoir l’émergence économique à l’horizon. N’est-il pas finalement temps de nous mettre au travail, en comptant d’abord sur nos propres forces ? Ce ne sera vraiment possible que si nos autorités et, principalement le Président de la République, se décident à s’affranchir de la politique folklorique et politicienne, ainsi que bien d’autres « caxaaneri », qui plombent tout effort de développement dans notre pauvre pays.
Dakar, le 27 juillet 2014
Mody Niang, mail : [email protected]
21 Commentaires
Malick Ndome
En Juillet, 2014 (21:44 PM)Haa Lass
En Juillet, 2014 (21:57 PM)Bonne soirée.
DOMMAGE !
Objectivité
En Juillet, 2014 (22:12 PM)Md
En Juillet, 2014 (22:20 PM)Teuss14
En Juillet, 2014 (22:26 PM)Mais parler nous aussi du cas Mbagnick
C'est aussi pertinent comme sujet
Enseignant
En Juillet, 2014 (22:54 PM)Serigne Mbaye Thiam est un ancien enfant de troupe, brillant élevé, travailleur et rigoureux, toujours major de la classe, ancien laureat du concours general, bien que venant ce une famille modeste. Pour lui donc on ne doit s, élever que par l'effort et le mérite, mais pas par la tricherie et l'ex passe droits.
Il est juste, véridique, et intègre. Courageux aussi car tout le monde l’a vu le 23 juin 2011 à la place Soweto prendre la direction des opérations, parler avec un mégaphone aux manifestants, donner des consignes, dire face à face au Commissaire Arona Sy de qui peut être accepté et ce qui ne le peut pas, faire entonner l'hymne national aux manifestants à la place des injures que certains d'entre nous sortaient aux policiers. Il s'était ce jour là comporter en véritable leader. Il fait partie des très rares personnes avec Moustapha Niass qui n'ont pas quitté une seule fois la place Soweto malgré la pluie de grenades lacrymogènes et de pierres. Tous les autres avaient détallé avant de revenir en début d'après midi. Je le souviens de cela car ce jour le courage et le leadership de Serigne Mbaye Thiam m'ont marqué à jamais.
Ne compter pas donc sur ce ministre pour couvrir de la tricherie ou pour transiger sur des principes.
Monsieur le ministre vous avez le soutien de tous vos concitoyens honnêtes.
C'est la première fois que j'interviens dans ces commentaires. J'ai décidé de le faire parce que par vos décisions, sur ces questions, sont conformes à l'esprit du m23 et à l'esprit AET que je partage avec vous.
Jamil Ndome
En Juillet, 2014 (23:03 PM)Un étudiant De La Fmpo
En Juillet, 2014 (23:23 PM)Une sélection rigoureuse ne faisant intervenir que des critères de mérite des étudiants et leur évaluation objective me semblent les moyens qui permettraient de former les médecins, les meilleurs. La démarche courageuse et très opportune du ministre de l'éducation nationale devrait avoir une valeur pédagogique pour celui qui en charge de l'enseignement supérieur pour mettre un terme définitif à la mafia de la Faculté de Médecine. Il est à espérer qu'il s'y engagera sans aucune forme de faiblesse.
NdigËl
En Juillet, 2014 (23:27 PM)Parent D’élève Dakar
En Juillet, 2014 (23:29 PM)Los
En Juillet, 2014 (23:31 PM)Sar
En Juillet, 2014 (00:25 AM)Elimane Dialo
En Juillet, 2014 (00:40 AM)Bravo au Ministre Serigne MBaye THIAM pour les mesures salutaires prises et souhaitons qu'on aille jusqu'au bout.
Les fautifs doivent être sanctionnés à la hauteur du préjudice causé à la nation.
Ssq
En Juillet, 2014 (02:00 AM)Sen
En Juillet, 2014 (03:59 AM)Peuls,
En Juillet, 2014 (04:38 AM)Inspecteur Historien De L'écol
En Juillet, 2014 (07:49 AM)Weuz
En Juillet, 2014 (08:32 AM)?
En Juillet, 2014 (10:43 AM)Vouloir profiter d'une occasion de fraude pour rebondir politiquement est ignoble et malhonnête. Mieux vaut aller se faire une base quelque part dans le pays. Le système éducatif du Sénégal a besoin de quelqu'un qui le dépouille de ses tricheurs dont Serigne Mbaye THIAM est le premier. Il faut traiter toutes le questions de l'Education avec la même fermeté sinon on donne l'impression de manipuler l'opinion. Ce que SMT fait depuis qu'il est à la tête de ce département.
Beuz
En Juillet, 2014 (11:25 AM)Malamine Konté
En Juillet, 2014 (17:26 PM)Participer à la Discussion