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Economie

Idrissa Diabira, DG Adepme : « La consolidation de la croissance passe par les Pme »

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Idrissa Diabira, DG Adepme : « La consolidation de la croissance passe par les Pme »

Avec 99,8 % des entreprises sénégalaises qui sont des Pme, le directeur général de l’Agence entend faire de ces unités économiques, un levier de croissance. Pour ce faire, il estime, dans cet entretien, que trois grands défis sont à relever pour développer les Pme : la formalisation, la compétitivité et la territorialisation. Idrissa Diabira soutient que la loi sur le développement des Pme en cours d’élaboration parachèvera la politique en faveur des Pme grâce à des incitations sociales, fiscales ou l’accès à la commande publique. Il est convaincu que « son application produira les résultats tant attendus par tous ».

Quelle est votre feuille de route après votre nomination à la tête de l’Adepme ?
Ma feuille de route est de contribuer à faire de la Pme, le moteur d’une croissance inclusive, créatrice de richesses et d’emplois au Sénégal. Le chef de l’État– que je remercie infiniment pour sa confiance – accorde une place centrale au secteur privé national dans sa vision de l’émergence du pays. Il avait, en effet, diagnostiqué sa faiblesse historique comme le principal frein au développement du Sénégal postindépendance. Il a donc préconisé, dans le Plan Sénégal émergent (Pse), une transformation structurelle de l’économie. Nous en récoltons les premiers fruits puisque, pour la première fois depuis près de 40 ans, la croissance du Pib dépasse 6 % pour la deuxième année consécutive ; cela ne doit rien au hasard. Par ailleurs, de nos services de prévisions économiques à nos partenaires comme le Fmi ou la Banque mondiale, chacun s’accorde à dire que la consolidation de cette nouvelle trajectoire de croissance passe par la Pme. A la tête de l’Adepme, je dois donc œuvrer dans ce sens. Le résultat sera alors une contribution accrue des Pme à notre Pib pour atteindre, à moyen terme, les 35 à 40 % comme dans les pays émergents.

D’après l’Ansd, le tissu des unités de production au Sénégal est constitué, à plus de 90 %, de Pme. Quelles sont leurs caractéristiques et leur répartition géographique ? Quels sont les défis qui se posent à elles ?
L’Ansd vient de publier le premier Recensement général des entreprises (Rge). Il s’agit d’un travail remarquable. Il permet, enfin, de disposer d’une situation de référence pour mesurer et suivre notre action. L’Adepme va travailler, avec l’Ansd, à déterminer les contributions globales comme sectorielles des Pme au Pib. Mais retenons trois enseignements fondamentaux du Rge. Le premier : 99,8 % des 407.000 entreprises au Sénégal sont des Pme et à plus de 55 % dans le commerce et 81,7 % sont des entreprenants, c’est-à-dire une personne physique exerçant une activité dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 30.000 FCfa. Le deuxième enseignement est que 97 % des entreprises sont informelles et peu compétitives. Elles ne représentent que 16 % du chiffre d’affaire global. Enfin, le troisième enseignement est que 60,4 % des entreprises sont concentrées dans l’axe Dakar-Thiès-Diourbel. Les trois grands défis à relever pour la politique de développement des Pme sont donc : la formalisation, la compétitivité et la territorialisation.

Que fait l’Adepme dans la promotion, l’encadrement et le développement des Petites et moyennes entreprises ? 
Idrissa Diabira AdpmeLes missions de l’Agence visent précisément à relever ces trois grands défis, en exécutant la politique de l’État en faveur des Pme par la densification du tissu d’entreprises sur le territoire national et par le renforcement de la compétitivité des Pme. Depuis 2012, l’Agence a été « mise à niveau », si je puis dire, grâce à l’engagement du chef de l’État et au management de qualité de mon prédécesseur MaboussoThiam dont je salue le travail de qualité et l’engagement ainsi que celui du personnel de l’Agence. Pour la densification, nous accompagnons la création d’entreprises notamment par l’appui à l’élaboration de plans d’affaires, un élément majeur pour la réussite d’un projet et la formalisation des Pme. Nous encourageons l’innovation par nos centres d’incubation et d’innovations technologiques. Nous allons prochainement ouvrir celui de Sokone (département de Foundiougne). Il n’est pas concevable, malgré le génie de nos entrepreneurs, que nous continuons à importer de produits que nous pouvons produire ici comme des clous, des trombones, des craies ou nombre de produits courants issus de nos matières premières de la vallée du fleuve Sénégal ou de la Casamance. La technologie existe, rendons là accessible. L’Agence appuie aussi la compétitivité des Pme par un processus de labellisation gratuit et unique. Il fournit l’indispensable carnet de santé financier et organisationnel dont la Pme a besoin pour améliorer ses performances et lui faciliter l’accès au financement. J’ai lancé la certification de la labellisation. Elle sera effective d’ici à la fin de l’année. La labellisation est certainement le futur cœur de métier de l’Adepme. J’ose même penser de la politique de développement des Pme. Elle répond à l’asymétrie d’information tant décriée et permettra une formalisation massive des Pme. Enfin, nous proposons aux Pme un Fonds à frais partagés, c’est-à-dire des subventions allant jusqu’à 90 % pour de l’assistance technique ou de la formation. Les entreprises du secteur du numérique, de l’agroalimentaire ou du paramédical savent pleinement en tirer profit. Annuellement, en moyenne, nous sommes sollicités par 500 Pme, 100 % des sollicitations sont traitées. Notre intervention a permis de mobiliser 2,7 milliards de FCfa en 2016 avec un taux de réussite proche de 50 % auprès du secteur financier. Nous sommes résolument reconnus comme un tiers de confiance.

En dehors de l’État, avez-vous des partenaires avec qui vous travaillez et quel est le type de soutien ? 
En effet, nous en avons et c’est grâce à leur confiance renouvelée que nous pouvons faire plus et mieux ; nous les remercions. La Bad, avec la Direction d’appui au secteur privé (Dasp), nous appuie dans le dispositif de labellisation ; 160 Pme sont dans le processus depuis 1 an ; nous en voulons 1.000 d’ici à un an et 5.000 dans 3 ans. Avec l’Afd et la Délégation de l’Union européenne, nous avons lancé, le mercredi 10 mai dernier, le programme « TekkiFii » où nous intervenons avec le Bureau de mise à niveau pour renforcer le tissu des entreprises dans 8 régions du Sud et du Nord du Sénégal. Nous travaillons sur les projets de la diaspora et l’Agence sera le maître d’œuvre sur la composante entreprise du Programme appui aux Sénégalais de la diaspora (Paisd). La Banque mondiale, dans le programme « Tourisme et Développement d’Entreprises », nous permet de renforcer notre subvention aux entreprises avec notre fonds à frais partagés et de lancer le concours national de Business Plan jusqu’en 2020. Nous bénéficions aussi de la confiance de l’USAID/ NATAAL MBAY pour un programme d’unités de décorticage du riz de la vallée ou de celui d’Ong comme Handicap international ou encore des Corps de la Paix avec les États-Unis. Sur le plan national, nous avons, comme partenaires, l’ensemble des dispositifs d’appui financier et non-financier au Sénégal.

Pourquoi ces politiques ne produisent-elles pas les résultats escomptés, si l’on sait que le taux de mortalité des Pme reste élevé au Sénégal ?
Il est plus juste de dire qu’elles ne les produisent pas encore. Les résultats sont probants. Ils doivent, dorénavant, être à l’échelle du défi mis en exergue par le Rge. Le Sénégal est désormais prêt. Je parlais de la place de la Pme dans la vision de Macky Sall, candidat. Il en appelait à un « Small Business Act Sénégalais » sur le modèle des pays s’appuyant sur les Tpe/Pme pour leur développement économique, en leur facilitant, en particulier, l’accès à la commande publique. Au Sénégal, c’est 1500 milliards de FCfa par an. Macky Sall, président depuis 2012, a su compléter le dispositif financier et non financier, conformément aux recommandations des concertations nationales sur le crédit de 2010. Ainsi, il a mis en place le Fongip pour répondre à la question de la garantie ; le Fonsis pour le capital-risque et la Bnde pour le financement avec une banque dédiée à la Pme. A ce nouveau dispositif financier, il faut rappeler celui non-financier revu et renforcé comme l’Adepme mais aussi le Bmn, l’Asepex, l’Apix, 3fpt, l’Anpej, les chambres de métiers ou la nouvelle Chambre nationale de commerce, d’industrie et de services du Sénégal. Le dispositif est désormais complet et adopté par les partenaires financier privé car chacun doit jouer son rôle. Le chef de l’État a instruit le gouvernement de se concerter avec l’ensemble des acteurs et de finaliser la loi sur le développement des Pme. Cette loi parachèvera la politique en faveur des Pme grâce à des incitations sociales, fiscales ou l’accès à la commande publique. Son application produira alors les résultats tant attendus par tous.

Oui mais qu’en est-il de la mortalité élevé des entreprises ?
Idrissa Diabira DG AdpmeIl est difficile de parler de mortalité élevée car il n’y a pas de statistiques fiables. Le Rge ne s’est pas hasardé sur ce terrain car des entreprises peuvent se créer uniquement pour un marché ou une opération comme l’importation d’un véhicule et ensuite rester en sommeil car la procédure de déclaration de fin de vie d’une entreprise est rarement effectuée et largement méconnue. En revanche, on peut parler comme le fait le Rge, des entreprises qui, connaissant des difficultés de différentes natures -l’accès au marché, l’absence de local, l’accès au financement ou le poids de la fiscalité–cessent temporairement leurs activités. Et là encore, l’État a su, depuis 2012, non seulement rendre opérationnel mais aussi compléter le dispositif créé en 2014 pour les entreprises en difficulté. Une cellule interministérielle et la direction du secteur parapublic s’occupent des entreprises parapubliques en difficulté avec des résultats probants comme pour les Ics, la Sonacos, la Senelec ou même la Nsts à Thiès. La Direction de l’appui au secteur privé (Dasp) se charge des grandes entreprises privées en difficulté. Enfin, l’Adepme dispose d’une cellule en charge des Pme en difficulté. Elle aide une centaine à restructurer leurs dettes en jouant notamment le rôle de facilitateur avec les banques, les administrations fiscales ou sociales lorsque les Pme sont viables. L’ensemble du dispositif est désormais opérationnel et performant. Nous pouvons en être fiers et il est coordonné par un groupe de travail pour le suivi des entreprises en difficulté au ministère chargé de l’Économie. Il convient juste de le passer à l’échelle.

On a l’impression qu’il y a beaucoup de structures étatiques qui viennent en appui aux Pme. Cette situation ne constitue-t-elle pas un frein à l’efficacité des interventions ? 
L’État s’est assuré que les différentes problématiques puissent trouver des réponses tant au niveau financier que non financer. J’évoquais les nouveaux mécanismes mis en place depuis 2012. Le défi n’est pas tant le nombre de structures que l’articulation de leurs actions. Le défi est celui d’un meilleur travail collaboratif. Laissez-moi vous donner quelques exemples issus d’un constat partagé avec quelques directeurs des structures d’appui. L’Asepex ne devrait se soucier que d’appuyer à l’export mais elle doit souvent intervenir en amont pour accompagner des Pme. Le cœur de métier du Fongip est la garantie et le refinancement des Systèmes financiers décentralisés mais par défaut de projets bancables, il doit accompagner les porteurs de projets en amont. Le Bmn fournit des primes à des entreprises, à des Pme à qui il ne manque pas beaucoup pour devenir des championnes. Celles-ci seraient bien plus nombreuses si l’accès au financement était meilleur. Chaque dispositif possède une parcelle de la réponse au renforcement de la Pme. Chacun a besoin de l’autre pour être plus efficace. Nous avons décidé de mettre en place un réseau de dispositifs d’appui financier et non financier aux Pme. Il répondra à ce défi de l’articulation de nos actions et aux fortes attentes du secteur privé. Le chef de l’État l’a rappelé lors du conseil des ministres du 28 décembre en instruisant de mettre un service public universel aux Pme qui soit lisible, visible, accessible et performant.

Quel peut-être le rôle des technologies de l’information et de la communication dans le développement des Pme et dans votre stratégie ? 
Les Tic ne sont plus une opportunité aujourd’hui ; elles sont une absolue nécessité tant pour des organisations que pour des politiques publiques efficaces. Le Sénégal vient de définir sa stratégie numérique 2025. L’enjeu est bien la place du numérique dans la transformation de l’économie et son développement ; le numérique doit contribuer à hauteur de 10 % du Pib. Les Pme numériques ont un rôle majeur à jouer pour que nous y parvenions, dans une approche par écosystèmes d’affaires ou de clusters de Pme. Les besoins de l’État sont importants et nous disposons de grands groupes qui doivent jouer le rôle de locomotives de leur secteur. Par ailleurs, nous préparons les conditions de la mise en place d’une plateforme électronique d’échanges d’informations sur les Pme. Je procède ainsi à une profonde mise à jour du schéma directeur de notre système d’information. Il s’agit de penser le système d’information pour l’ensemble de la politique en faveur de la Pme. Les informations la concernant sont nombreuses mais dans de nombreux services ou plateformes électroniques hétérogènes. Leur interconnexion devient indispensable pour conduire des politiques ciblées, efficaces et mesurables. Ce système d’information pour le développement de la Pme sera l’équivalent du Sigif (système intégré de gestion de l’information financière) mise en place avec succès par l’État du Sénégal pour nos finances publiques. Un système d’information qui permettra la révolution de faire passer l’État d’une logique de moyens à une logique de performance et de résultats.

Que fait l’Adepme pour favoriser l’utilisation de ces technologies par les Pme ?
A l’Adepme, grâce aux Tic, nous offrons une garantie de traitement à toute demande qui nous est faite. Nous disposons d’une gestion électronique de notre agenda, des salles de travail, des missions et véhicules ou même de nos repas. Au cœur de notre système d’information, notre labellisation dont je parlais qui s’appuie sur notre plateforme de e-scoring. Elle est unique en Afrique de l’Ouest. Nous l’avons développé en lien avec l’Ansd, l’Adie, la Dgid, la Bceao et le secteur bancaire ainsi que les greffes des tribunaux ces dernières années. Nos Pme ont ainsi un moyen de mieux se connaître pour se renforcer et accéder plus facilement à des financements, des partenaires ou prochainement à la commande publique. Cet usage des Tic, nous l’étendons évidemment aux Pme avec notre cloudnine avec Orange qui offre, en ligne, des solutions de gestion des entreprises comme la comptabilité à des prix accessibles pour elles. Nous préparons, prochainement, une application mobile ou un service « ALLO PME ». Nous travaillons enfin avec les acteurs du numérique Optic et ses membres notamment les incubateurs comme le Ctic ou Jokkolabs à faire bénéficier de cette transformation numérique les entreprises du secteur mais aussi toutes les Pme car toutes en ont besoin.

Quels sont vos prochaines étapes et rendez-vous ? 
Nous préparons activement, en partenariat avec la Banque mondiale, la 1ère édition du « Forum de la Pme Sénégalaise », les 3 et 4 juillet prochains. Nous voulons proposer le cadre d’écoute et de concertation sur les défis de la Pme nationale, avec l’ensemble des acteurs concernés en particulier les dirigeants des Pme, les représentants des organisations professionnelles, leurs partenaires, les dispositifs d’appui. Nous avons besoin d’un dialogue public-privé riche et franc qui aboutira à des recommandations fortes pour finaliser les efforts du ministère en charge des Pme ou de celui de l’économie sous la conduite du chef du gouvernement pour que la Pme devienne le véritable moteur de l’émergence du Sénégal. Les thèmes principaux seront la formalisation, la compétitivité et l’accès à la commande publique. Le Forum sera aussi l’occasion de partager les expériences réussies et les résultats de nombreux travaux inédits sur la Pme. Il sera enfin le moment de la remise des prix de la 1ère édition du concours national de business plan pour 150 lauréats. Ils recevront 2 à 25 millions de FCfa pour une enveloppe globale de 1,2 milliard de FCfa. Les prochaines étapes seront très riches pour parachever la politique en faveur des Pme et mettre en place le Small Business Act Sénégalais appelé des vœux du secteur privé et que le chef de l’État a instruit de mettre en œuvre.

Propos recueillis par Mamadou GUEYE (texte) et Sarakh DIOP (photos)



4 Commentaires

  1. Auteur

    Lougatois

    En Juin, 2017 (21:15 PM)
    Vous travaillez pour le renforcement des PME francaises et marocaines ou libanaises,les senegalais seront dans les machines et dans les champs





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  2. Auteur

    Anonyme

    En Juin, 2017 (11:41 AM)
    L'Etat c'est la continuité. Il faut accélérer le processus de financement du Business Academy.
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    Auteur

    M

    En Août, 2017 (17:02 PM)
    J'aime bien ce garçon issus de la Diaspora sénégalaise et qui a choisi son pays d'origine.
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    Auteur

    Anonyme

    En Août, 2017 (12:03 PM)
    Quand est il du Business Academy lancé en 2016?

    Pourquoi les lauréats n'ont toujours pas reçu leurs prix 12 mois après le lancement de la première édition?
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