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Economie

L’Egypte au régime sans sucre

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Vente ambulante de sucre à prix subventionné dans une rue du Caire, le 14 octobre. Photo Amr Abdallah Dalsh. Reuters

Attroupement, bousculade, altercation souvent, bagarre parfois, cris de colère toujours. La scène est banale depuis des semaines devant les petites épiceries ou les supermarchés égyptiens. La chasse au sucre, nouveau sport national, met les Egyptiens à bout de nerfs. Billet de dix livres (0,50 euro) dans sa main tendue, en même temps que des dizaines d’autres, en direction de l’employé d’un centre d’approvisionnement agréé de la rue Noubar dans le centre du Caire, une mère de famille paraît aussi exaspérée que déterminée. «On nous a dit hier qu’une livraison était prévue ici. Il me reste à peine 100 grammes à la maison. J’ai obligé mon mari et mes trois enfants à réduire leur consommation de sucre dans le thé. Je n’ai plus fait de pâtisseries depuis plusieurs mois. Alors je ne vais certainement pas repartir bredouille aujourd’hui.» Au bout d’une demi-heure d’attente et en jouant un peu des coudes, elle réussit finalement à prendre possession d’un sac dit de «sucre blanc», mais d’une allure plutôt jaunâtre.

Pain subventionné

Denrée vitale pour l’immense majorité des 92 millions d’Egyptiens, le sucre est la première source d’énergie contenue dans l’alimentation du tiers de la population qui vit sous le seuil de pauvreté. La consommation annuelle dépasse les trois millions de tonnes. Deux millions sont produits en Egypte à partir de la canne à sucre. Le reste est importé. Mais voilà, la nécessité de réduire les sorties de devises étrangères est aujourd’hui une priorité absolue pour le gouvernement égyptien, engagé dans un programme drastique de réformes économiques. Un programme dicté par le Fonds monétaire international (FMI) et qui devrait permettre au Caire d’obtenir, d’ici trois ans, un crédit de 12 milliards de dollars (11,5 milliards d’euros). Jamais un pays de la région n’avait obtenu pareil prêt. Mais en contrepartie, l’institution financière a conditionné son aide à toute une série de mesures qui s’avèrent pour le moins douloureuses. Ainsi, la réduction des subventions sur les carburants est sans doute la plus lourde de conséquence : elle a provoqué une véritable flambée des prix à la pompe (près de 47 %) en quelques jours. Hausse qui s’est aussitôt répercutée sur les prix du transport intérieur de marchandises, notamment les fruits et légumes. «Mes clients sont affolés par le prix du kilo de tomates qui dépasse les 5 livres, raconte un marchand du centre du Caire. Il est vrai que c’est le triple des prix pratiqués il y a un mois. Mais comme je l’explique à chacun de mes clients, c’est à cause de la hausse du prix des carburants. En réalité, les agriculteurs vendent encore moins cher leur production.»

Début novembre, la décision de la Banque centrale du pays de laisser flotter la livre égyptienne n’a fait qu’entraîner une violente et soudaine envolée des prix. La devise égyptienne a perdu 50 % de sa valeur face au billet vert. Plus onéreux, les produits importés sont venus alimenter, à leur tour, une inflation officielle qui dépasse désormais les 20 %, contre 10 % il y a un an. Tous les produits et services sont touchés par l’envolée des prix. Mais le plus dur risque d’intervenir dans moins d’une semaine. Début 2017, Le Caire a en effet planifié une hausse de la TVA à 14 %. Même si les produits de première nécessité en seront exemptés, la TVA fera un bond de 5 % en moyenne.

Pour prévenir une explosion sociale, des mesures destinées à limiter l’impact sur les revenus modestes ont été prévues par l’accord avec le FMI. Environ 70 millions d’Egyptiens, soit les trois quarts de la population, bénéficient ainsi de denrées alimentaires subventionnées par l’Etat. Des cartes électroniques (vertes et jaunes) permettent théoriquement à leurs détenteurs d’acheter du pain, du riz, de l’huile ou encore du sucre subventionnés. Mais encore faut-il que ces produits soient disponibles dans les magasins agréés et que le ministère de l’Approvisionnement puisse en contrôler les prix et la distribution.

Marché noir

Des cas de commerçants contrevenants, ou de réseaux de marché noir, sont rapportés tous les jours par la presse. La semaine dernière, pas moins de 50 tonnes de sucre ont ainsi été découvertes dissimulées dans deux entrepôts d’empaquetage de la province de Sohag, dans le centre du pays. Les responsables et les employés de ces centres organisaient un vaste réseau de vente au marché noir. Un peu partout, les soupçons et les accusations contre les détaillants qui profitent de la crise et entretiennent les pénuries vont bon train. Dans les rayons d’un supermarché du quartier chic de Dokki, au Caire, on trouve une variété impressionnante de sucre brun, en morceaux ou en poudre, variant entre 40 et 50 livres le kilo, soit dix fois le prix conventionné. «Vous n’avez pas de sucre ordinaire ?» questionne une cliente. La réponse négative du vendeur à peine prononcée, elle ajoute : «Je comprends, vous gardez les réserves pour vos meilleurs clients alors que je viens trop occasionnellement.»

Le manque de sucre touche également certaines industries alimentaires comme les boissons gazeuses et les biscuiteries dont les Egyptiens sont si friands. Certaines usines ont dû interrompre leur production, quand d’autres ont vu débarquer des représentants du gouvernement venus saisir une partie de leur stock pour le mettre dans les circuits de distribution.

Malgré ces mesures pour répondre aux pénuries de sucre et autres biens de première nécessité, les autorités égyptiennes pratiquent un discours de déni, prétendant qu’il n’y a pas de problème. Comme le souligne l’éditorialiste Ibrahim Issa, dans le quotidien d’opposition Al-Maqal : «Le gouvernement ne cesse de répéter que la crise sera réglée prochainement, mais prochainement ne vient jamais.»



1 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2016 (16:12 PM)
    p0
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