En partance pour Dakar pour y retrouver son poste de préfet de la capitale, Alyoune Badara Diop est appelé à restituer les fonds collectés au niveau de la lagune dont il a dirigé le comité ad hoc durant deux ans. Cette manne financière pourrait aider à entraver la progression exponentielle de l’ensablement de la lagune qui menace son existence.
(Correspondance) - L’actuel préfet de Mbour aurait préféré que ces derniers jours dans ce département puissent se dérouler en toute sérénité. Mais les populations de Somone en ont décidé autrement. Ces dernières lui réclament la restitution des fonds de la lagune qu’il a gardés par devers lui depuis l’existence du comité ad hoc de gestion de la réserve. «Les trois premières années, le chiffre d’affaires de la réserve était de 74 millions. Mais sur les deux ans que le comité ad hoc était en place, on parle des ressources qui tournent autour de 16 millions francs», explique Aliou Ciss, membre du comité de gestion.Le comité ad hoc a, pendant deux ans, collecté les fonds émanant de la gestion de la réserve de Somone. Une somme que le comité de gestion, nouvellement élu, compte récupérer avant le départ de Alyoune Badara Diop sur Dakar. «Les sommes versées au préfet du département ne sont pas encore récupérées par le comité de gestion mis en place il y a seulement deux mois et demi. Nous espérons qu’il le fera avant de partir», croit savoir M. Ciss.
Selon ce dernier, durant l’existence de ce comité ad hoc, c’est une dame, dépêchée par le préfet, qui venait à Somone pour récupérer l’argent généré par la réserve. «Alors qu’un compte bancaire ouvert pour la réserve était disponible», s’étonne-t-il. Autant de zones d’ombres que ces populations espèrent éclairer à la lumière du bilan très attendu du préfet de Mbour. Créée en octobre 1999 par de braves femmes, la réserve naturelle d’intérêt communautaire de Somone est aujourd’hui menacée par l’occupation anarchique des berges de la Somone, mais aussi les constructions des hôtels et des habitations au niveau du bassin. «La lagune et les différentes espèces qui y vivent sont menacées par un ensablement d’une progression exponentielle. Il y a aussi le manque de formation des acteurs que sont les éco-gardes, les femmes horticoles et les Gpf pour une meilleure gestion de ce bien communautaire», alerte Saliou Mbodj, président du comité de gestion.
Donc, à l’origine, ce sont les braves mamans de Somone qui, sentant la mangrove menacée de disparition, se mirent à repiquer de jeunes pousses au niveau de la lagune. Chemin faisant, ces mamans ont confié la gestion de cette réserve à une structure plus organisée, le comité de gestion qui regroupe les entités de Somone, Guéreo, Thiafoura et Sorakhassab. Cette somme réclamée par les populations devrait servir à sauver ce «joyau» sources de revenus pour les riverains.
ATTRIBUTION D’UNE SUPERFICIE DE 4 HA A UN HOTEL : L’autre pomme de discorde
Les fonds tirés de la gestion de la lagune par le comité ad hoc ne constitue pas l’unique préoccupation des populations de Somone. En effet, l’autre pomme de discorde est l’attribution de la parcelle sur le titre foncier numéro 1238/Mb, 451 et une partie du Domaine public maritime (Dpm) à Jean Marie Gras, représentant de la société touristique de Somone pour les besoins de l’extension de l’hôtel Baobab. D’ailleurs, le bras de fer, qui s’ensuivit, avait conduit en décembre dernier six personnes dont cinq conseillers municipaux au parquet de Thiès.
Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Mais les divergences persistent lorsqu’il s’agit d’aborder la question. Pour le préfet de Mbour, Alyoune Badara Diop, le promoteur hôtelier est dans ses droits parce que c’est la commission de contrôle des opérations domaniales qui lui a donné une superficie qui tourne autour de 4ha. «C’est en 2008 que l’hôtel a décidé d’aménager cette superficie qui lui avait été cédée. La propriété de Décameron est antérieure à la naissance de la commune de Somone qui est intervenue en 2009. Ensuite, la structure a introduit auprès des différents services de l’Etat une demande de permis de construire présentant un acte authentique et les autorisations leur ont été données», précise M. Diop.
Ce qui le conforte dans l’idée que ce qui s’est passé est une incompréhension des populations qui croyaient que le promoteur de l’hôtel construisait sur un espace qui ne lui appartenait pas. Cependant, pour le directeur des aires marines communautaires protégées, l’hôtelier devait procéder à une étude environnementale et sociale avant l’entame des constructions. «Quelle que soit la faiblesse de nos textes au Sénégal, on a instruit l’étude environnementale depuis 1994. Au niveau de l’Etat, on ne peut rester inactif par rapport à cela. La direction de l’Environnement du ministère du Développement durable a entamé un processus qui contraint l’hôtelier a réalisé une étude environnementale et sociale», souligne le colonel Abdoulaye Diop, directeur des aires marines communautaires protégées.
En ligne de mire des contestataires de cette attribution, le maire de Somone, Boucar Sadji. Ce dernier a toujours nié sa quelconque responsabilité dans cette attribution. Tout de même, il ne cesse de rappeler que cet investisseur hôtelier emploie 180 personnes dont 80 % sont des habitants de Somone. Venu présider la célébration de la Journée mondiale de la biodiversité, mercredi dernier à Somone, Ali Haïdar, le ministre de l’Environnement et du Développement durable, a éludé cette question sans doute à polémiques. Il s’est plutôt contenté de magnifier celles qui sont à l’origine de la création de la réserve naturelle d’intérêt communautaire de la Somone.
Alassane DIALLO
ALYOUNE BADARA DIOP, PREFET DE MBOUR : «Tous les fonds sont intégralement là et seront restitués»
Alors que les populations de Somone clament haut et fort que lumière soit faite sur la gestion du comité ad hoc, le préfet de Mbour, Alyoune Badara Diop, calme le jeu dans cet entretien. Selon M. Diop «une comptabilité précise» est disponible et l’argent sera remis au comité de gestion cette semaine. Le préfet de Mbour revient, en ouverture, sur l’historique de la réserve.
Alyoune Badara DIOP : La réserve est née de la volonté des populations de préserver un espace qu’on appelle la lagune de Somone. A l’époque, c’est le conseil rural de Sindia qui couvrait Sindia, Ngaparou et Somone qui avait délibéré pour donner la superficie nécessaire pour la réserve. A l’époque, le sous-préfet avait sorti un arrêté pour mettre en place un comité de gestion qui regroupait à la fois les services mais aussi les riverains de la réserve. En 2009, la commune de Somone est née. La naissance de cette commune posait un problème d’ordre juridique, parce que l’entité, qui avait pris l’arrêté pour créer la réserve, n’était plus compétente pour le faire. Il revenait au préfet de prendre un nouvel arrêté et d’intégrer dans le dispositif la nouvelle configuration administrative de Somone. C’est pourquoi, lorsque nous sommes arrivés de concert avec les acteurs nous avons décidé de dissoudre le comité de gestion antérieur où la commune de Somone n’était pas représentée pour donner une nouvelle configuration. Dans les discussions, il est apparu aussi qu’il était nécessaire de doter cette réserve de nouveaux organes de gouvernance.
C’est pourquoi, après la dissolution, un comité ad hoc a été mis en place à la tête de laquelle nous avions proposé le sous-préfet de Sindia. Un séminaire a été organisé au terme duquel un conseil d’orientation, un comité scientifique et un comité de gestion ont été proposés. Cela a pris du temps. Et nous sommes allés au-delà des délais que nous nous étions nous-mêmes donnés. Il y a aussi les élections de 2012 qui nous ont empêchés de progresser dans ce travail. Mais au sortir de ces élections, nous avons validé les textes qui mettent les organes en place. C’est ainsi que le comité de gestion, le bureau exécutif et le conseil d’orientation ont été installés.
Qu’en est-il des fonds générés par la réserve que réclament certaines voix ?
Durant cette période de gestion du comité ad hoc, il y a eu des tarifs appliqués qui ont permis de faire rentrer des fonds dans la lagune. Les fonds qui ont été récoltés au niveau de la lagune, sont entièrement disponibles à la préfecture. S’il plaît à Dieu, cette semaine, une réunion va se tenir avec tous les membres du comité de gestion où un bilan global de la gestion sera fait. Et la restitution du montant intégral sera faite auprès du comité de gestion. Je voudrais dire, en ce qui concerne l’actif du comité ad hoc, qu’une comptabilité précise a été tenue. Tous les fonds sont intégralement là et seront restitués. Il n’appartient pas à l’autorité de se prononcer dans la rue. Quand les communautés ont des difficultés dans la recherche de solutions, l’autorité administrative est là pour les aider à trouver la solution.
Propos recueillis par A. DIALLO
5 Commentaires
Polonais
En Mai, 2013 (21:25 PM)Qqs
En Mai, 2013 (21:31 PM)Lolo Sénégal
En Mai, 2013 (21:48 PM)Au fait et la fameuse maison jamais terminée de Mr Wade? C'était à l'époque la grande interrogation.....
Nibarrra
En Mai, 2013 (02:42 AM)Couleur
En Mai, 2013 (08:52 AM)Participer à la Discussion