Mes rastas, mon enfance, Yade, mes regrets, Ma Sané se F(l)ash : «On est dans un pays où les mentalités sont à revoir...»

 C’est un long chemin parfois parsemé d’embûches qui a été parcouru jusqu’ici par le Wa Flash de Thiès, le groupe de musique phare de la capitale du Rail. Au départ, une bande de copains qui ont grandi ensemble, ont fréquenté le même établissement scolaire et se sont retrouvés autour d’une passion commune : la musique. « On prenait le thé ensemble et on avait la même passion. Le groupe Xalam était notre modèle », se rappelle l’unique fille du groupe Wa Flash, Ma Sané ou Ma, rencontrée par ThiesVision.com dans le quartier Som à Thiès.
La star s’est prêtée à nos questions pour parler de sa musique, de ses projets mais aussi de son parcours, celui d’une fille à l’enfance difficile. Elle a abandonné ses études à quelques semaines du baccalauréat pour vivre la plénitude de sa passion. Un choix difficile au départ mais couronnée d’un succès qui amènera plus tard, aux quatre coins du globe, l’ancienne élève des écoles Som, Djibril Diaw et du lycée Malick Sy de Thiès, Ma Sané qui a fini par s’imposer, avec le Wa Flash devenu une référence sur la scène musicale.
« Entre les études et la musique, il me fallait faire un choix, j’ai écouté mon cœur »
Telle mère telle fille. C’est sans doute Françoise, la mère, qui a transmis à Ma Sané le virus de la chanson, la fièvre de la musique, l’art de la scène dans lequel Ma s’illustre avec brio. « Elle chante mieux que moi », admet la jeune femme dont l’évocation d’une partie de son enfance thiesseoise la renvoie aux premières heures de création du groupe Wa Flash. Une évocation qui d’autre part a l’air de remuer le couteau dans une plaie encore béante. Abandonnée à très bas-âge, Ma Sané doit son éducation à sa mère. Ou plutôt à sa grand-mère, Daba Ndiaye plus connue sous Mame Daba. Une chanson phare du Wa Flash, « Daba Ndiaye », rend hommage à cette grande dame. Dans le quartier Som où le groupe a grandi, les relations quasi-fusionnelles entre Mame Daba et Ma Sané n’ont de secret pour personne : l’artiste le dit à qui veut l’entendre : « je lui dois tout, elle m’a couvée, éduquée, aimée et chérie. Ce fut quelqu’un de très ouvert d’esprit. Mame Daba n’est plus de ce monde et je la pleure encore ».
«Il nous fallait montrer une autre facette de la musique sénégalaise»
Un père absent, la jeune Ma Sané en souffre mais accepte le destin, se garde-t-elle toutefois de porter un jugement sur lui. « Je ne connais pas mon père, il nous avait abandonnés bébés, mon frère et moi. Maman était obligée d’aller travailler dans la capitale pour nous nourrir. C’est ainsi que ma grand-mère à été amenée à s’occuper de nous des années durant», souffle Ma, gagnée par l’émotion. Elle n’en dira pas plus, préférant tirer un trait sur ce passé au souvenir douloureux, regarder vers l’avenir, parler de ses projets au sein du Wa Flash de Thiès, ce groupe qui s’est imposé sur les scènes locale et nationale, avec des musiciens devenus ambassadeurs de la musique sénégalaise au-delà de nos frontières, à l’autre bout du monde. Une réussite qui n’a pas de secret particulier : « On travaille dans l’ombre, on déroule nos projets. Notre style musical est le charme même du Waflash. Le mbalakh n’est pas très présent dans nos albums », reconnait Ma Sané. « Fela Kuti, Touré Kounda entre autres nous ont inspirés. C’est une musique qui nous a permis de voyager un peu partout dans le monde. La musique sénégalaise est très variée et il n’y a pas que le mbalax », tient-elle à préciser. « Nous sommes sensibles aux différents rythmes et sonorités africaines. Et il nous fallait montrer une autre facette de la musique sénégalaise », s’implanter à Thiès, y vivre et investir dans leur ville de Thiès, un lieu culturel digne de ce nom. C’est ainsi qu’est né le Palais des Arts de Thiès, une fierté pour le groupe.

« Youssou Ndour est venu nous trouver à Thiès pour nous humilier »

Le 21 juin dernier, la Fête de la musique a réuni à Thiès des artistes thiesseois, invités par le Wa Flash à partager la scène du Palais des Arts. « Pour faire éclore les talents locaux. C’était une soirée multicolore, le public a adoré », se félicite Ma Sané. Le Palais des Arts de Thiès justement, un investissement de Waflash sur fonds propres, au profit des populations. « Ce projet appuyé par la coopération Thiès-Cergy, mérite d’être soutenu par les autorités sénégalaises au plu haut niveau. Au départ, certains d’entre nous ont dû vendre leurs biens et consenti des sacrifices énormes. Ce n’est pas évident de réussir un tel projet. Les charges sont énormes et parfois on se débrouille pour payer les salaires du Palais des Arts », confie Ma Sané qui saisit la balle au rebond, pour condamner cette initiative de l’artiste Youssou Ndour, consistant à organiser à Thiès, un Festival international dénommé Fest-Cayor, « avec à l’appui près de 3 milliards du président Macky Sall ».
Amère, la vedette de la musique s’explique difficilement comment le chanteur et ministre conseiller Youssou Ndour a pu embarquer le président Macky Sall dans un tel projet qui, à l’entendre, laisse sur la touche les acteurs clés signifiants de la culture à Thiès.
« Nous, on a été convoqués par le gouverneur de Thiès avec d’autres artistes pour rencontrer le président Macky Sall. Youssoou Ndour a attendu la veille ou l’avant-veille de l’arrivée du président à Thiès, pour convoquer à Dakar certains artistes thiesseois. Le prétexte de départ était une somme d’argent que le Président aurait donnée à Youssou Ndour pour le distribuer aux artistes de Thiès. Informés par Cheikh Ndiaye (de Soleil Levant : ndlr) ; mon manager s’en est ouvert à Mara Dieng qui, lui, parle d’un projet de festival». «C’est regrettable de constater que les artistes qui ont été reçus par Youssou Ndour puis en audience par le président Macky Sall, soient des personnes qui pour la plupart n’ont rien investi à Thiès, contrairement à nous. Je veux dire qu’un tel projet de festival existe déjà à Thiès, pour le théâtre, pour la musique ou autre. Et partout, des tels projets sont portés par des fils du terroir. C’est le cas à Saint-Louis, à Kaolack. (…) Ce qu’a fait Youssou Ndour est inélégant, c’est un manque de respect notoire à l’endroit des Thiesseois. Il veut nous écarter pour se mettre en avant et ça, on ne l’acceptera pas », a martelé, sèche, le lead vocal du Wa Flash. « Avec l’appui du président, on aurait, pu par exemple développer le Palais des Arts, appuyer les initiatives locales qui existent déjà », suggère Ma Sané.
«Yade a choisi d’aller rejoindre sa famille aux Etats-Unis »
Le Wa Flash affecté par le départ d’un des leurs ? «Yade a choisi d’aller rejoindre sa famille aux Etats-Unis. Au début, son départ avait créé un peu de vide dans nos spectacles et chorégraphies. Un vide que nous avons réussi à combler depuis lors. D’ailleurs beaucoup de nouveautés ont été apportées depuis son départ », fait remarquer l’artiste qui par ailleurs, dans un élan panafricaniste, appelle à l’unité, à la paix et à la solidarité, invitant les chefs d’Etat africains à rester dans leur pays, après leur départ du pouvoir. « Nos présidents n’ont pas besoin, à leur retraite, d’aller vivre en Europe, de s’exiler ; il nous faut, Africains, nous imprégner des idées de Sankhara, de Cheikh Anta (…). Et accorder dans nos cœurs une place pour la religion. Car seule la religion peut nous sauver de certains travers (…) », dit la chanteuse, musulmane pratiquante qui dit s’atteler aux préceptes de la religion musulmane comme la prière, le jeûne du ramadan.
Pour que puisse se développer l’Afrique, ce continent que nous avons en partage, il est indispensable, dit-elle, de travailler. Aussi de revoir notre manière de penser, de réfléchir. « On est dans un pays où les mentalités sont à revoir. C’est justement ce qui nous retarde, sur beaucoup de plans », conclut Ma Sané qui promet, dans un prochain entretien à votre site préféré, de revenir sur les raisons qui l’ont amenée à changer de look, à couper ses rastas qu’elle a portés des années durant.
Recueillis par Momar Mbaye