En décidant de migrer des micros du music-hall vers les manettes de l’Etat, l’artiste de renommée mondiale, Youssou N’Dour, a provoqué des geysers de réactions, allant des arguments les plus pertinents, aux jugements les plus indigents. De prime abord, le contraste est frappant entre l’impassibilité dominante dans les rangs de l’opposition, et la frénésie croissante dans le camp présidentiel. L’explication coule de source. Pour toute la palette des opposants, tout adversaire du Président sortant Abdoulaye Wade, est un acteur auquel il faut destiner des roses. Et non des ronces. En revanche, le Pds, parti de bretteurs aguerris, foudroie tout ce qui s’active électoralement contre son candidat.
C’est le temps électoral, c’est-à-dire le moment où la politique se déroule dans le cimetière des sentiments, et sur l’échafaud des états d’âme. Dans le peloton d’exécution de Youssou Ndour, le Pds a aligné des tireurs, à la fois, peu adroits et peu doués. Est-ce un problème de cible délicate ou de munitions inadaptées voire avariées ? Comme toujours, c’est le fusilier-voltigeur du Palais, Farba Senghor qui ouvre le feu : « Sans la musique, Youssou Ndour ne serait rien du tout ». Argument trop faible qui mélange platitude et évidence. Sans l’alternance survenue en mars 2000, que serait Farba Senghor ? Sûrement un anonyme parmi les anonymes. Derrière le chargé de la mobilisation et de la propagande du Pds, surgit Sérigne Mbacké Ndiaye. Très habile, le porte-parole a choisi de porter la dérision : « Youssou N’Dour est un amuseur public ».
La dérision est incontestablement supérieure au dénigrement et à l’ineptie. Pour fermer (provisoirement) le ban, c’est l’artilleur Souleymane Ndéné Ndiaye qui balance sa bordée d’obus, le 15 janvier, sur Tfm : « La candidature de Youssou N’Dour n’est pas sérieuse. Lui-même, il a dit qu’il n’est pas instruit. Pour pratiquer l’Etat, il faut le connaître ». La charge du directeur de campagne de Wade, est manifestement plus furieuse que fine. Pire, son faisceau d’arguments est approximatif et…erroné. En effet, le Premier ministre a tort d’associer intempestivement les études supérieures – et en filigrane, le diplôme – à la croisade contre Youssou N’Dour. Pour la bonne raison qu’il n’existe, nulle part au monde, une école qui crache des promotions entières et régulières de chefs d’Etat. Les Présidents sortent de tous les corps de métier. Dans les pays démocratiques, comme le Sénégal, ils sont issus du suffrage universel.
Dans d’autres, ils sortent des casernes (putschs militaires), de la cuisse de Jupiter (dévolution monarchique et militaire au Togo) ou de la rue et des sentiers de brousse, en empruntant l’itinéraire insurrectionnel. Cette dernière modalité a été victorieusement expérimentée en Ouganda, en Ethiopie, en République démocratique du Congo (Kabila père) et au Rwanda etc. Les deux volets du double argument (les études et la connaissance de l’Etat) que le chef du gouvernement ajuste impitoyablement sur la tronche de l’artiste accompli et du politicien naissant, Youssou N’Dour, ne résistent pas à l’examen. Faut-il rappeler à Souleymane Ndéné Ndiaye, que le diplôme – jusque-là irremplaçable et vénérable baromètre de la hauteur et de la qualité des études – pointe formellement un niveau voire un volume de connaissances plus ou moins testées ?
Pas plus. Il ne garantit pas l’effectivité d’un savoir-faire. Il n’assure ni le talent ni la performance. Même, s’il reste encore l’un des moyens adéquats pour sélectionner les meilleurs, en réduisant la marge d’erreur. En vérité, le diplôme est socialement davantage un passeport qu’un parchemin. Ce n’est pas pour rien que Napoléon qui instaura le baccalauréat en 1808, parla de « véritable passeport de la bourgeoisie. A l’instar de ses compatriotes, le maire libéral de Guinguénéo est issu d’un peuple qui a été colonisé jusqu’à la moelle épinière.
Mieux, une certaine trajectoire historique – l’indépendance obtenue sur un plateau d’argent, à l’issue d’une conversation de trente minutes, à Bayeux, entre Senghor et De Gaulle – prédispose le Sénégalais à vénérer le diplôme qui confère et légitime les positions sociales. Il s’y ajoute que l’Etat porté sur les fonts baptismaux par Senghor, en 1960, n’est rien d’autre que la lithographie de l’Etat français au Sahel. Ailleurs, c’est un renversement complet de la vapeur. En Algérie, en Angola, au Mozambique, en Guinée Bissau et au Vietnam etc. – où la guerre (meurtrière) de libération a déterminé les attitudes – la ligne de fracture passe entre les patriotes héroïques et les traîtres sinistres. Dans ces pays, les universitaires politiquement attentistes ou proches du colonisateur, ont été bannis ; tandis que les nationalistes analphabètes et / ou martyrs ont responsabilisés et célébrés. Les exemples abondent : le Président Nino Vieyra était un réparateur de vélos, avant sa formation à l’académie militaire de Nankin, en Chine ; le Président Chadli Benjedid, fut un garde-barrière des chemins de fer en Algérie. Boutéflika (brillant ministre des Affaires des Etrangères durant les années 70) n’a pas fini sa classe de terminale au Lycée d’Oujda, dans l’Est du Maroc. Par contre, il a terminé la guerre de libération nationale avec le grade, et sous le pseudonyme de « Commandant Abdelkader » dans son PC de Gao, au nord du Mali, frontalier du secteur saharien dont il assurait le commandement.
Le Sénégal qui a successivement placé à sa tête, un académicien, un administrateur civil et un économiste, est-il mieux gouverné et mieux loti ? Il y a matière à débattre. Certes, les institutions sénégalaises ont remarquablement fonctionné comme un vaccin performant contre l’épidémie de coups d’Etat qui a sévi en Afrique. Mais que penser du délabrement éthique qui plombe actuellement la gouvernance libérale, et met en berne l’honneur de l’intelligentsia à laquelle Youssou N’Dour n’appartient pas ? Une décrépitude éthique qui ravage la gestion ; et explique l’absence du Sénégal sur la « short list » des Etats les mieux gouvernés d’Afrique (le Botswana, le Cap-Vert, Ile Maurice et les Seychelles) dont les Présidents n’ont ni inventé le Plan Omega, ni co-accouché le Nepad. Dans le même ordre d’idées, l’interminable conflit casamançais enseigne quotidiennement que le grand respect du diplôme est normal ; tandis que son culte fou est abrutissant.
Car, les observateurs sont désarçonnés par le fait que des rebelles dont les chefs de file, sont tout juste d’anciens élèves du collège Arfang Bessire de Bignona, puissent enliser une armée commandée par des officiers sortis de Saint-Cyr, de Brest et d’Aix-en-Provence. Eux-mêmes, coiffés par des Généraux brevetés de l’Ecole de Guerre de Paris. Le même phénomène a été observé en France, où le Colonel Bigeard issu des rangs, a fait mieux sur les théâtres d’opérations, indochinois et algérien, que tous ses collègues polytechniciens et saint-cyriens placés à la tête des autres régiments de choc. Par ailleurs, les scandales économiques (contrevérités autour de la réfection de l’avion présidentiel, l’affaire Segura et les dépassements budgétaires), les contrecoups diplomatiques (ruptures lourdes de risques avec Taiwan et Téhéran), les maladresses stratégiques en Casamance (accords de paix à la pelle et à la petite semaine) et la mise sous le boisseau de l’Etat (flopée d’agences autonomes doublant une pléthore de ministères) administrent la preuve qu’on peut connaître l’Etat – et même en prendre démocratiquement le contrôle, un soir de mars 2000 – sans le dominer.
A l’image justement du Président Wade qui est un virtuose de la politique et non un orfèvre de l’Etat. Toutes ces remarques rectificatives des critiques du Premier ministre, ne sont point incompatibles avec l’apologie obligatoire des études et des diplômes. Le Professeur et historien burkinabé, Joseph Ki-Zerbo, énuméra les quatre moteurs qui propulseront l’Afrique : la formation, la démocratie au quotidien, le développement endogène et l’unité. La première place réservée à la formation, est éloquente. Avant lui, son collègue américain, l’économiste et historien, Paul Kennedy, avait souligné la place centrale de l’éducation, dans l’émergence et la percée économiques du dragon sud-coréen.
Toutefois, Souleymane Ndéné Ndiaye a bien raison de marteler que le Sénégal de Faidherbe, de Senghor et de Jean Collin, n’est pas la Bolivie – de son ancien nom, le Haut-Pérou – que le résistant Simon Bolivar libéra en 1830. A Dakar, les mœurs politiques sont tenaces. Bien que la demande sociale ait terrassé, hier, le technocrate Abdou Diouf, et ébranle, aujourd’hui, l’économiste Abdoulaye Wade, le mythe de « l’intellectuel meilleur Président » prospère encore. Youssou N’Dour et ses conseillers seraient les rois des naïfs, s’ils s’attendaient au tapis rouge, à l’entrée de la jungle politique où tous les loups sont noirs ou gris. Point de loup blanc. You sera houspillé, harcelé et attaqué. Mais jusqu’à présent, force est de reconnaître, que les armes efficaces sont dans les fourreaux. Les libéraux cognent avec des inepties désolantes voire des âneries affligeantes.
33 Commentaires
Lod
En Janvier, 2012 (10:44 AM)Lalo
En Janvier, 2012 (10:56 AM)Référence
En Janvier, 2012 (11:03 AM)Je me demande ce qu'il fait dans la vie, quand il ne s'essaye pas dans son exercice favori, LE GRAND ECART, qui n'est malheureusement pas à la portée des esprits embués.....
Son
En Janvier, 2012 (11:07 AM)Mann
En Janvier, 2012 (11:08 AM)Il est tout simplement bien écrit et richement documenté. En plus de son argumentation irréprochable, l'auteur a une parfaite maitrise le Français qui est certes la langue du colonisateur, mais qui reste la langue officielle du Sénégal.
En résumé, un texte certes long, mais attrayant.
Tant pis pour tous ceux qui refusent de se donner la peine de réfléchir
Mann
En Janvier, 2012 (11:19 AM)Il est tout simplement bien écrit et richement documenté. En plus de son argumentation irréprochable, l'auteur a une parfaite maitrise du Français qui est certes la langue du colonisateur, mais qui reste la langue officielle du Sénégal.
En résumé, un texte certes long, mais attrayant.
Tant pis pour tous ceux qui refusent de se donner la peine de réfléchir
Baff
En Janvier, 2012 (11:21 AM)Alerte
En Janvier, 2012 (11:38 AM)Ati Djamitt Simbéé
En Janvier, 2012 (11:39 AM)Temoin
En Janvier, 2012 (11:47 AM)bon courage you.... tu y arrivera inchallah! seule la persévérance paye.
Zebu
En Janvier, 2012 (11:59 AM)Marcel
En Janvier, 2012 (12:16 PM)BJN est un monde. Il est pertinent et il est temps pour lui d'être à côté de l'Etat pour y jouer sa partition de véritable conseillé.
Au prochain président, voici une personne équilibrée, pertinente et objective.
Someone_else
En Janvier, 2012 (12:17 PM)BJN maitrise l'histoire,il fait des recherches.Et dans la vie tout a été créé et tout est déjà fait;l'histoire ne fait que se répéter.
Zik
En Janvier, 2012 (12:18 PM)Slatsher
En Janvier, 2012 (12:23 PM)Heuchy
En Janvier, 2012 (12:29 PM)Je pense qu’il est temps que ce pays nous appartienne. Nous devons nous réapproprier notre Sénégal qui jusque là est resté une administration coloniale qui sert la France.
Les Senghor, Aimé Césaire ont lutté pour l’indépendance, c’est à nous de lutter pour l’autonomie, ensuite d’autres générations lutteront pour la liberté.
Une petite minorité de soi disant intellectuel met une main mise sur la très grande majorité qui sont de surcroit beaucoup plus intelligents qu’eux même, ils mettent également main basse sur les ressources du pays. Ce sont des exploiteurs et rien de plus.
Faut que niou am fouleu pour comprendre que l’on soit artiste, instruits ou non, de la même manière que l’on a le droit de voter on a également le droit de se présenter et demander les suffrages des sénégalais.
Pour cela il faut des textes adaptés, il nous faut au moins deux autres langues officielles (Wolf et arabes) pour pouvoir intégrer les autres catégories de la population.
Ndiaye Babacar
En Janvier, 2012 (12:33 PM)Khalasse
En Janvier, 2012 (12:39 PM)Djoliba
En Janvier, 2012 (12:57 PM)Cogito
En Janvier, 2012 (13:09 PM)Chinetoc
En Janvier, 2012 (13:12 PM)Tout le monde sait ce que vous preparez mais vous rendrez tous compte toi Malick, Mme Sow, Pipo Sane....
Ce qui est plus grave, toi Malick tu payes des étudiants en Master qui ont prolonges et pas les Doctorants.
Real bulllshit !
Poste politik, detourneur d’argent sans vergogne, thim thipiri !!!! il faut dire a vos enfants comment vous volez l’argent du contribuable senegalais…..
Malick Ndiaye TU ES PIRE QUE THIOUMBO!
Etudiants senegalais en Chine thi kaw thia kanam!!!
Rone66
En Janvier, 2012 (14:00 PM)Kos
En Janvier, 2012 (14:10 PM)le jour où BJN se mettra aux côtés d'un gouvernant il cessera d'être ce qu'il es taujourdhui car il va pourrir. Le pouvoir pourrit la personne.
Ablaye99
En Janvier, 2012 (14:51 PM)Mag
En Janvier, 2012 (15:27 PM)Df
En Janvier, 2012 (15:57 PM)Bravo Way!!!!
Zurich
En Janvier, 2012 (17:14 PM)FRAUDE FRAUDE FRAUDE FRAUDE a ZURICH
Une delegation de l`atat est venue nous faire des CARTERS D`ELECTEURS SUISSE / ZURICH CA FAIT QUELQUES mois de cela //
Jusqu`a present ils refuse de nous remettre et la carte D`ID et ou la carte d`electeur / On a rien vu
ATTENTION ATTENTION ATTENTION ATTENTION ATTENTION ATTENTION ATTENTION ATTENTION
FRAUDE FRAUDE FRAUDE FRAUDE a ZURICH FRAUDE FRAUDE FRAUDE FRAUDE a ZURICH
S`il y a d`autre cas en europe au US dite le SVP //
Lams
En Janvier, 2012 (17:47 PM)Kobe
En Janvier, 2012 (18:52 PM)Higuita
En Janvier, 2012 (18:54 PM)Rethiou
En Janvier, 2012 (19:14 PM)1. L'élection est un rendez-vous entre un candidat et son peuple, non un rendez-vous entre une vedette et son public. Il ne s'agit pas d'un show où il faut subjuguer pendant quelques heures, mais d'un exercice de conviction sur la durée. La préparation, la tenue, la carrure, la posture et le discours du candidat sont de ce point de vue déterminant car, il ne s'agit pas de faire rêver, mais de faire réfléchir. Il ne s'agit pas pour le candidat d'afficher une éthique de conviction, mais une éthique de responsabilité s'appuyant sur un discours clair, cohérent, pertinent et apte à éclairer sur les aptitudes actuelles à faire bouger les choses. You a certes un agenda bien rempli, mais peu propice à l'usage qu'un Homme d'Etat pourrait faire de ses relations.
2. La candidature à une élection doit être le fruit d'une préparation minutieuse, d'un parcours laissant entrevoir l'implication de l'intéressé dans la gestion de la cité, dans la résolution des problèmes des citoyens à commencer par les plus proches géographiquement et par les plus démunis et les nécessiteux. Salif KEITA s'est beaucoup investi pour changer la perception et le sort des albinos en Afrique. Qu'avez-vous fait pour les sénégalais? Avez-vous créé une fondation pour promouvoir la culture et favoriser l'émergence de jeunes? Avez-vous organisé des tournées ou concerts pour venir en aide aux victimes du Joola? de la SONACOS? des inondations? de la polio? du paludisme? Vous êtes-vous investis dans l'amélioration du sort des enfants de la Rue ou des jeunes délinquants dont la Médina regorge tant? Mme Mbow qui a créé l'empire des enfants à la Médina a-t-il et qui avec des moyens très limités tente beaucoup de choses, a-t-elle une seule fois reçu votre visite ou votre soutien?
Si des des technocrates comme Boni Yayi, des syndicalistes comme Valessa et Lula, des sans dîplome comme Delors ont pu accéder au poste de Président ou l'incarner fortement à un moment de leur parcours,c'est en raison des importants efforts déployés pour l'amélioration du quotidien de leur populations, dans des domaines divers et variés.
3. Un président doit prendre de la hauteur par rapport aux évènements. Il doit s'élever au niveau des aigles et non voleter à la hauteur des poules. Par certaines remarques,You a montré qu'il a du mal à s'élever ailleurs que sur scène. C'est ainsi que le slogan"Feké Ma Si Boolé" traduit à lui seul une vision opportuniste car il incline à croire que You n'est pas un acteur apte à provoquer des situations, mais un spectateur profitant du travail ou des erreurs des autres pour tirer la couverture à lui. Par ailleurs, la sortie de You, pour déplorer la rareté des félicitations des sénégalais suite au titre de Docteur Hnorus à lui Causa décerné par une université américaine, quoique anecdotique, renseigne plus sur son état d'esprit et son ego hypertrophié que 1000 discours. Or, le sot, c'est celui qui se réjouit de compliments non mérités ou qui se fache suite à des critiques infondés. Ajoutons-y la réputation de mauvais contribuable, l'avarice réelle ou supposée qu'on lui prête et l'absence d'implication des populations de son quartier d'origine, la Médina qui aurait dû servir de rampe de lancement et vous comprendrez pourquoi, j'ai pu trouver sa candidature pour le moins choquante.
A l'aune de ces faits concrets et têtus, je dois dire que je suis en confiance avec le très sympathique et le très médiatique You, mais je n'ai pas confiance en toi pour présider aux destinées de mon pays car le président qui doit nous sortir de l'ornière doit incarner des valeurs et des principes qui me semblent hors de sa portée.
Mya
En Janvier, 2012 (19:42 PM)Baye Pathe
En Janvier, 2012 (07:52 AM)Participer à la Discussion