PRESIDENCE DE L’ASSEMBLEE, LOCALES… : Pourquoi Niasse s’accroche au train de Macky

Moustapha Niasse n’a pas tellement le choix. Son avenir à l’Assemblée nationale ainsi que celle de son parti dépendent en grande partie du bon vouloir de Macky Sall. Il est donc obligé d’être aux côtés du pouvoir comme il l’a, du reste, réaffirmé ce week-end.

Moustapha Niasse reste fidèle à la coalition Benno Bokk Yakaar. Et pour rien au monde, il ne posera un acte allant dans le sens de la dislocation de la coalition qui a porté Macky Sall au pouvoir. En d’autres termes, Niasse est obligé. Il est obligé de se montrer loyal et sincère envers celui qui a fait de lui la deuxième personnalité de l’Etat. Et il a profité de la réunion du Comité directeur de son parti, l’Alliance des forces du progrès (Afp), pour faire allégeance au leader de l’Alliance pour la République (Apr) et réaffirmer son ancrage dans la mouvance présidentielle. «L’Afp est dans Benno Bokk Yakaar. Nous n’avons pas un pied dehors et un autre dedans. Nous sommes dans cette alliance avec sincérité et avec engagement», a déclaré Moustapha Niasse.

Une pierre dans le jardin du maire de Thiès, Idrissa Seck, qui a un «pied dehors et un autre dans la coalition», selon les termes même des apéristes qui le soupçonnent de vouloir casser la dynamique unitaire de l’opposition née au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle de l’année dernière. En effet, Idrissa Seck qui n’est pas dans la sphère présidentielle, même si ses deux lieutenants sont membres du gouvernement du Premier ministre Abdoul Mbaye, a une grande marge de manœuvre et une liberté de ton bien réelle. Tout le contraire du secrétaire général de l’Afp. Moustapha Niasse qui a les pieds et les mains liés. Et sa marge de manœuvre très limitée. Pour dire qu’il n’a pas intérêt à se rebeller contre le pouvoir, car son avenir politique dépend, en grande partie, du bon vouloir du président Macky Sall.

En effet, pour conserver la présidence de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, qui a un mandat d’un an renouvelable, est obligé de pactiser avec l’Apr, largement majoritaire à l’Assemblée nationale. Ce mandat qui avait été taillé sur mesure pour liquider Macky Sall, alors en disgrâce au Pds, plane maintenant sur sa tête comme une épée de Damoclès. Que Macky Sall peut actionner à tout moment pour le démettre de son perchoir. Sachant qu’il tient Niasse par le bon bout, Macky Sall traîne les pieds pour ramener le mandat à cinq ans, sa durée originelle.En outre, en réaffirmant son ancrage dans la coalition présidentielle, Niasse ne perd pas de vue les élections locales qui se tiendront dans un  an. Car une alliance avec le parti au pouvoir peut permettre à l’Afp de garder les deux grandes villes : Pikine et Kaolack, qui sont sous son contrôle depuis les locales de 2009.D’autre part, l’ancrage de Niasse dans Benno Bokk Yakaar aura également le mérite de circonscrire l’éclatement de Benno Bokk Yakaar et minimiser ainsi les conséquences du départ du bouillant maire de Thiès qui a les yeux rivés sur le fauteuil présidentiel.

REFLET - Chat échaudé…

Tous les nageurs le savent. Il ne faut jamais sauter dans une piscine sans s’assurer qu’il y a bien de l’eau. En annonçant, ce week-end, la ferme intention de son parti de rester dans la coalition au pouvoir, aux côtés du Président Macky Sall, Moustapha Niasse prouve au moins une chose : il sait ce qu’il fait et où il va. L’homme a bien retenu les leçons de son compagnonnage avec Abdoulaye Wade au lendemain de l’alternance du 19 mars 2000. Le patron de l’Alliance des forces de progrès (Afp) refuse de faire le saut vers l’inconnu comme il l’avait fait en 2001, lors de son limogeage, par Abdoulaye Wade, de son poste de chef du gouvernement.

Flash back. Après avoir annoncé sa démission du Parti socialiste (Ps) alors au pouvoir, Niasse présente sa candidature à la présidentielle de 2000 et jure qu’il n’appellerait jamais à voter pour Diouf. Un engagement qu’il a tenu à respecter jusqu’au bout. Wade saute alors sur l’occasion et en fait son Premier ministre bien avant la défaite de Diouf et de son régime. Ce qui avait contribué à donner plus de crédibilité à Wade et convaincre les plus sceptiques sur ses capacités à mener le bateau Sénégal à bon port. Mais le compagnonnage avec Wade ne durera que le temps d’une rose. S’arc-boutant sur ses principes et croyant à son étoile, Niasse finit par quitter le gouvernement. Même s’il a été aidé en cela par Abdoulaye Wade assisté d’un Idrissa Seck qui semblait tout contrôler.

Seulement, alors que Niasse espérait tirer les dividendes politiques de cette «trahison», il se rend vite compte qu’Abdoulaye Wade avait plus d’un tour dans son sac. L’Afp perd plusieurs de ses responsables qui sont allés rejoindre le Pds (sous l’effet d’une drague assidue du pouvoir. Ex : Abdoulaye Babou qui est entré dans le gouvernement de Wade). Résultat des courses : Niasse voit son électorat fondre comme beurre au soleil. Son parti ne récolte que des miettes aux différents scrutins organisés sous le règne de Wade. Aussi, chat échaudé craignant l’eau froide, Moustapha Niasse a fait le choix de rester dans la coalition au pouvoir. Parce que, l’homme n’a plus grand-chose à gagner dans les futures échéances électorales. Mais, il aimerait bien éviter à son parti de devenir du bois mort. Il est certain que la coalition au pouvoir ne donne pas l’image d’un navire particulièrement apte à tenir la mer, mais, pour l’Afp et Moustapha Niasse, il est plus sûr de rester dans la coalition que d’aller aux prochaines locales dans la position d’un challenger. S’y ajoute l’épée de Damoclès qui plane sur la tête du Président de l’Assemblée nationale qu’il est avec la limitation de son mandat à un an. Certes, comme le rappellent les journalistes et chercheurs français Sophie Huet et Philippe Langénieux-Villard dans leur livre «La communication politique», «en règle générale, au début d’un match électoral, le challenger est plus applaudi que le détenteur du titre». Mais Niasse, lui, est conscient qu’il n’est plus le challenger qu’il pouvait être pour un Abdoulaye Wade d’après mars 2000.