La décision du Sénégal de se débarrasser du dossier Habré est perçue comme une ‘grosse erreur’ par les avocats de l’ex-homme fort du Tchad. Du côté des victimes, qui réclament un procès depuis plus de 20 ans, on refuse aujourd’hui un autre ping-pong judiciaire.
Deux jours après les déclarations du président de la République sénégalaise devant les medias occidentaux, avec notamment nos confrères de France 24 et de Rfi, où il a annoncé sa décision de se débarrasser du dossier Hissène Habré qu’il compte confier à l’Union africaine, les avocats de l’ancien homme fort du Tchad apportent leur réaction. A cet effet, Me El Hadj Diouf, estimant qu’il s’agit de ‘récidive’, est d’avis que la récente déclaration du chef de l’Etat n’est pas une nouveauté : ’Le président Wade est la grosse victime de l’affaire Habré’, lance Me Diouf. Pour lui, il s’agit de la deuxième erreur du président Wade sur le dossier de son client Hissène Habré.
L’avocat est revenu sur les péripéties ayant entouré l’affaire Hissène Habré, depuis l’année 2000. Ainsi, l’inculpation, l’annulation de cette procédure par la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar, l’entrée en action de la Belgique à travers son fameux mandat d’arrêt international, lancé en 2005 et dont les juridictions sénégalaises s’était déclarées incompétentes sur cette demande d’extradition, le long processus du dossier de l’ancien président tchadien a été revisité par l’avocat El Hadj Diouf.
A la suite de cette longue procédure, le président Wade, ‘acculé et harcelé par une pression inouïe’ de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho), Amnesty International et l’Organisation nationale des droits humains (Ondh) avait saisi l’Union africaine. ‘Le président de la République a commis de nombreuses erreurs, suite à des pressions injustifiées de ceux qui s’activent pour on ne sait quels intérêts et qui font de l’affaire Habré leur fonds de commerce’, regrette Me Diouf. A titre d’exemple, l’avocat indexe le président de la Libye, le colonel Mouammar Kaddafi, qui veut prendre sa revanche, parce que son armée a une fois été vaincue par celle de Habré.
Aujourd’hui, le sort du président Habré reste suspendu à la décision qui sera prononcée à l’issue du sommet des chefs d’Etat et de gouvernements de l’Union africaine ; celui-ci doit se réunir dès le début de la nouvelle année. Mais, déjà, l’avocat sénégalais El Hadj Diouf avertit que ‘l’Union africaine n’est pas une juridiction pour choisir la destination de Hissène Habré’. A l’en croire, l’organisation panafricaine, qu’il qualifie d’’assemblée politique’, ignore les droits de l’homme, bien qu’elle reste supérieure à la Cour de justice de la Cedeao.
Du côté des victimes des massacres, tortures et autres exécutions sommaires, dont Habré est présumé commanditaire, on se dit être déçus par cette réaction du président Wade. Le président de la Ligue sénégalaise des droits humains, Me Assane Dioma Ndiaye, se désole : ‘Les victimes sont déçues par la décision de Wade de se débarrasser du dossier Habré. Rien ne s’opposait désormais à la tenue du procès. Le budget est presque bouclé. La Cour de justice de la Cedeao a donné des indications claires. Donc on attend simplement la mise en place de ce tribunal spécial’.
Juger où extrader Hissène Habré, c’est le leitmotiv des avocats des victimes : ‘Qu’on ne nous parle pas d’expulsion. Les victimes n’acceptent plus un autre ping-pong. Elles exigent du Sénégal le respect de ses obligations internationales. Il n’est plus question d’accepter que Habré soit renvoyé dans un autre pays pour qu’on puisse nous mettre dans un autre processus de déjudiciarisation alors que tout est réglé maintenant. Le Sénégal doit simplement respecter le droit des victimes à un procès. Le Sénégal ne peut pas expulser Hissène Habré. En matière d’extradition, seule la Belgique est intéressée. Dire qu’il peut être extradé vers le Tchad est une hérésie, car Habré y a été déjà condamné à mort par contumace. Et aucun pays n’a le droit d’expulser une personne vers une terre où il risque de subir une exécution sommaire’. Le Sénégal n’a pas le choix. Il doit juger où extrader. Le président Wade doit comprendre que l’affaire Habré dépasse sa propre personne. II s’agit d’un engagement international de la République du Sénégal qui est débiteur d’une obligation internationale.
Aujourd’hui, si le chef de l’Etat sénégalais met sa menace à exécution, les conséquences seront sans merci : ‘Le Sénégal risque de subir des sanctions internationales. La crédibilité de notre pays sera mise en cause. Et ce sera un coup dur pour les victimes qui courent depuis plus de 20 ans pour ce procès. Si on les emballe dans un autre processus incertain, ce sera une atteinte grave aux droits des victimes’.
4 Commentaires
Cheriff
En Décembre, 2010 (10:36 AM)Mamiss
En Décembre, 2010 (10:37 AM)Vlan
En Décembre, 2010 (10:48 AM)Yan
En Décembre, 2010 (10:51 AM)Reply_author
En Mai, 2021 (08:30 AM)Participer à la Discussion