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(Dossier de la semaine) Résistance aux antibiotiques : Le mal est dans le lait et la viande

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(Dossier de la semaine) Résistance aux antibiotiques : Le mal est dans le lait et la viande

La résistance aux antibiotiques est devenue un problème de santé publique. Au Sénégal, beaucoup d’éleveurs ignorent les méfaits des résidus d’antibiotiques des animaux abattus avant le délai requis, sur la santé humaine. D’où la nécessité de mener une campagne de sensibilisation.

El Hadj, éleveur de races d’animaux bien choyées, ignore royalement ce qu’est l’antibiorésitance (une défense naturelle des bactéries face aux antibiotiques). Il ignore que la manière dont il traite ses bêtes peut agir sur la santé des populations. Dans son enclos, il use de déparasitant pour protéger ses moutons contre les bactéries. « C’est un médicament que le vétérinaire m’a prescrit un jour pour déparasiter mes moutons. Depuis lors, comme la consultation est un peu chère, je renouvelle ça à chaque fois que j’ai d’autres brebis », explique-t-il, non sans indiquer que s’il remarque des symptômes similaires chez un sujet, il va lui-même acheter un médicament sans ordonnance encore moins une consultation vétérinaire.

Au Sénégal, le constat est que de nombreux éleveurs traitent eux-mêmes leurs animaux. Alors que, légalement, seuls les vétérinaires et techniciens vétérinaires sont autorisés à délivrer les médicaments pour traiter les animaux. Après avoir administré ces médicaments, il est indiqué dans la boite un délai d’attente avant l’abattage. « Les éleveurs ne respectent pas en général ce délai d’attente, car lorsqu’il y a un client, ils ne pensent qu’au profit qu’ils peuvent faire sur le champ. Mais c’est plus par ignorance du danger d’abattre les animaux sous antibiotiques sur la santé humaine que pour faire du profit », renseigne une source vétérinaire qui préconise une communication dans ce sens pour alerter.

Les dangers encourus

Sur l’origine du phénomène de l’antibiorésistance liée à l’élevage, il a indiqué que c’est dû au fait qu’on utilise les mêmes molécules pour la fabrication des médicaments chez les animaux que chez les êtres vivants. Ce qui fait que la consommation de la viande d’un sujet sous antibiotique fait que l’organisme humain devient moins sensible à ces molécules. De ce fait, la dose prévue légalement ne permet plus de traiter le malade. « Et le médecin traitant ne peut pas prendre l’initiative de recourir au surdosage, car non seulement c’est interdit, mais aussi il y a des risques sanitaires sur le malade », diagnostique l’expert vétérinaire. Il a notamment indiqué que l’antibiorésistance est devenue un problème de santé publique, car ça concerne la volaille, la viande, mais aussi le lait. « Dans le marché, on ne peut pas savoir la viande ou le lait dont le sujet a été sous antibiotique sans respect du délai d’attente. Surtout dans nos pays où il n’y a pas assez de vérification et où les études ne sont pas aussi récentes », avertit-il. 

Selon lui, avec le lait, c’est encore plus grave. Si l’éleveur n’est pas conscient, il peut traiter un sujet sous antibiotique et en même traire son lait pour le vendre. « Ce qui expose les consommateurs, car seule sa bonne conscience permet de régler le problème. C’est encore plus grave s’il ignore les méfaits » informe-t-il. Ainsi les risques potentiels liés à la présence des résidus dans les denrées alimentaires d’origine animale sont de plusieurs ordres : Risques cancérigènes (Nitrofuranes), risques allergiques (Pénicillines, Streptomycine), risques toxiques (Chloramphénicol), modification de la flore intestinale (Tétracyclines), sélection de bactéries résistantes aux antibiotiques (plusieurs antibiotiques sont concernés).

L’État interpellé

C’est ainsi qu’à l’occasion de la journée mondiale des droits des consommateurs, ce 15 mars dont le thème « Non ! À la présence d’antibiotiques dans nos assiettes », l’Association des consommateurs du Sénégal (Ascosen) demande aux pouvoirs publics de mettre en place un plan de contrôle permanent et systématique de la qualité des viandes pour vérifier la présence de résidus d’antibiotiques et détecter les résistances bactériennes. Elle suggère aux autorités de surveiller, particulièrement, les pratiques lors de l’étape d’embouche des animaux, toutes espèces confondues, et demande à l’État de réglementer les conditions d’utilisation des antibiotiques qui ne doivent être autorisées que sous certaines conditions pour les animaux destinés à la consommation.

Selon Momar Ndao et compagnie, les autorités sanitaires doivent organiser la sensibilisation des éleveurs sur les dangers que présentent les résidus d’antibiotiques afin d’être amenés à ne plus les utiliser abusivement et à en laisser la responsabilité aux vétérinaires de même que sur les délais d’attente avant abattage. « La surveillance des filières d’approvisionnement en médicaments vétérinaires doit impérativement être accrue », souhaitent-ils.

Dr Makhtar Camara : « La résistance bactérienne est devenue un problème de santé publique »

Le Dr Makhtar Camara, Maître de Conférences agrégé à l’Université Cheikh Anta Diop, a bien voulu apporter des clarifications sur le phénomène de la résistance aux antibiotiques chez des sujets malades.

Pouvez-vous revenir sur la définition d’un antibiotique ?

Un antibiotique est une substance antibactérienne d’origine naturelle (produite par des micro-organismes : champignons ou autres bactéries), semi voire entièrement synthétique. Les antibiotiques sont actifs à de faibles concentrations. Leur effet demande un temps de contact relativement long avec la bactérie, ce qui les distingue des antiseptiques. Ils ont une toxicité sélective sur les bactéries en perturbant leur métabolisme. Cette activité antibactérienne n’est pas identique sur l’ensemble des espèces bactériennes, on parle alors de spectre d’activité. En revanche, leur toxicité est faible pour les cellules eucaryotes.

Qu’en est-il du phénomène de résistance aux antibiotiques qui est devenu un problème de santé publique ?

Au cours de ces vingt dernières années, la résistance bactérienne croissante aux agents antimicrobiens est devenue un préoccupant problème de santé publique. Certaines bactéries sont naturellement résistantes à des antibiotiques. D’autres peuvent devenir résistantes, soit par la mutation de certains de leurs gènes chromosomiques, soit par acquisition de gènes étrangers. Cette résistance, naturelle ou acquise, peut se propager à d’autres espèces bactériennes étant donné que le matériel génétique d’une bactérie peut facilement être transféré d’une à une autre, même s’il s’agit d’espèces différentes.

Le problème majeur de la prise en charge des infections communautaires et nosocomiales ou associées aux soins est l’émergence de bactéries multi-résistantes (BMR) aux antibiotiques.

Ces BMR incluent les souches de staphylocoque doré résistantes à la méthicilline (SARM), les entérocoques résistants à la vancomycine, les entérobactéries sécrétrices de bêta-lactamases à large spectre (BLSE) et les souches Acinetobacter baumannii et de Pseudomonas aeruginosa résistantes à au moins trois familles d’antibiotiques.

Ces microorganismes ont été associés à l’expansion des infections associées aux soins conduisant à une hospitalisation prolongée, une augmentation de la morbidité et de la mortalité et par conséquent a des coûts élevés de pris en charge sanitaire.

Cette situation est devenue encore plus alarmante avec l’émergence de souches de bacilles à Gram négatif productrices de carbapénèmases, enzymes inactivant les carbapénèmes, qui sont les antibiotiques utilisés en dernier recours contre ces BMR ; mais également une augmentation de souches cocci à Gram positif (SARM et entérocoques) à sensibilité diminuée aux glycopeptides (ex : vancomycine) limitant ainsi les options thérapeutiques.

Quelles sont les principales causes de la résistance aux antibiotiques ?

De nombreux facteurs ont été cités à l’augmentation de la fréquence de ces résistances, plus particulièrement dans les pays à ressources limitées. Parmi ces facteurs, nous pouvons citer la mauvaise qualité des médicaments ou une posologie inadéquate, les traitements au long cours, l’usage abusif des antibiotiques à très large spectre tels que les céphalosporines, les fluoroquinolones, les tétracyclines et les aminosides, l’automédication et les mauvaises conditions d’hygiène.

L’utilisation anarchique dans la communauté et dans les structures sanitaires a créé une pression médicamenteuse sans précédent favorisant ainsi l’émergence et l’accroissement de bactéries résistantes voire multi-résistantes aux antibiotiques.

Il se dit que le recours aux antibiotiques dans l’élevage intensif est une des causes de la résistance, qu’en est-il exactement ?

Les élevages industriels utilisent couramment des antibiotiques pour prévenir les maladies liées à la promiscuité des animaux, indépendamment du fait que l’animal soit infecté ou non, et dans certains pays tels que les États-Unis, pour favoriser la croissance. Presque 80 % de tous les antibiotiques distribués en 2009 aux États-Unis étaient destinés aux animaux d’élevage selon le rapport de US Food and Drug Administration.

Les pays africains ne sont pas également en reste dans cette utilisation excessive d’antibiotiques dans le domaine de l’élevage. C’est notamment le cas au Sénégal avec le phénomène de l’expansion de la race Ladoum. Cette très forte consommation d’antibiotiques par les animaux d’élevage est donc, entre autres raisons, à l’origine des phénomènes de résistance aux antibiotiques chez l’animal et chez l’homme.

Y a-t-il des cas avérés au Sénégal qui vous ont marqué ?

Des cas avérés de résistance aux antibiotiques dans l’élevage ont été rapportés par l’ISRA avec les collaborations de l’Institut Pasteur de Dakar et de l’École Inter-états de Médecine vétérinaire.

Y a-t-il des statistiques disponibles sur la résistance aux antibiotiques au Sénégal ?

Des statistiques existent et sont publiées dans les rapports annuels de la Direction des Laboratoires (DL). Cependant, des données semblent être sous-estimées vu l’ampleur des phénomènes de résistance au Sénégal. Néanmoins, la DL est en train de tout mettre en œuvre, avec l’aide de l’état et des partenaires sociaux, pour assurer une meilleure surveillance des résistances bactériennes au Sénégal.

Des taux de prévalences de BMR non négligeables ont été documentés entre 2011 et 2014 chez les malades hospitalisés ou vus à titre externe à l’Hôpital Aristide le Dantec : Entérobactéries BLSE : 26,6 %, SARM : 16,10 %, P. aeruginosa : 14,6 %, A. baumannii : 25,2 %.

Quelle recommandation faites-vous ?

Les recommandations sont de plusieurs ordres, à savoir la mise à jour par le ministère de la Santé et de l’Action sociale des recommandations nationales pour le bon usage des antibiotiques. Les derniers livrets datent de 2010, et entre-temps l’épidémiologie des résistances a beaucoup évolué. Il y a aussi la lutte contre l’automédication abusive, la redynamisation des comités de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) basées sur des systèmes de pharmacovigilance et de surveillance épidémiologique des bactéries multi-résistantes dans les établissements de santé et la promotion de mesures d’hygiène par le programme national de lutte contre les infections nosocomiales (PRONALIN) pour réduire l’impact de la transmission croisée des souches résistantes.

Y a-t-il lieu de faire d’autres synthèses si l’on sait que la ciprofloxacine date de 1987 ?

Il est temps que les firmes pharmaceutiques se mobilisent pour la synthèse de nouvelles fluoroquinolones. En effet, il est inquiétant de constater que la ciprofloxacine, qui était l’antibiotique de premier ordre dans le traitement des infections dues à des BMR, a perdu de son efficacité. Aujourd’hui, près de 80 % des entérobactéries productrices de BLSE et des souches de P. aeruginosa et A. baumannii sont devenues résistantes à cet antibiotique, selon des études récentes réalisées au laboratoire de Bactériologie de l’Hôpital Aristide Le Dantec.



8 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Mars, 2016 (16:26 PM)
    Trop long apprenez à être synthétique. C'est une vertu pour informer mieux dans la masse d'informations qu'on feuillette très vite. Wassalam
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  2. Auteur

    Kheyra

    En Mars, 2016 (17:11 PM)
    Très Bon article!
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    Auteur

    Anonyme

    En Mars, 2016 (17:18 PM)
    Le maquillage finira par ruisseler attendez la chaleur n,est plus loin.

    Je macky nous maquillâmes

    tu mackys

    il maquille

    nous maquillons

    vous maquillez

    ils maquillent
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    Auteur

    Anonyme

    En Mars, 2016 (18:23 PM)
    Je vous recommande vivement de consulter les vétérinaires, avant-de publier un tel dossier. Bcp de travaux ont été faits sur le sujet .
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    Auteur

    Anonyme

    En Mars, 2016 (18:27 PM)
    L information est bonne mais il faut que. L 'état a la volonté de pouvoir contrôler la médecine vétérinaire. Il y a trop de laisser aller

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    Auteur

    Bababe

    En Mars, 2016 (18:57 PM)
    Par la meme occasion il faut que les gorgorlous sachent que le CHOCLECA n'est pas du chocolat mais de la pate d'arachide. C'est du PAIN TIGUADEGUE qu'ils servent tous les matins a leurs enfants.

    Avant, c'etait ecrit sur le pot en petit PATE D'ARACHIDE; ils l'ont remplace par PEANUT (arachide en anglais, pour tromper les gens). Les enfants de ces fabricants mangent eux du vrai chocolat.

    Pour rappel, le plus fort taux du monde de cancer du foie se trouve au Senegal dans le bassin arachidier; cancer du a l’alpha toxine de l'arachide quand on en consomme beaucoup.
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    Auteur

    Anonyme

    En Mars, 2016 (19:05 PM)
    Bravo et bonne continuation
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    Auteur

    Anonyme

    En Mars, 2016 (22:15 PM)
    Félicitations très important,il faut cependant une volonté politique pour poser des jalons qui pourraient servir de garde fou aux consommateurs et professionnels du métier ( informations;formation...) bonne continuation. DBA
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