«La cité était luxueuse, calme, sous-peuplée. En outre, la quiétude y régner», narre un natif de la Cité millionnaire. C’est devenu une légende. Tant la Cité millionnaire est devenue crasseuse où tous les travers se côtoient en toute impunité. Vieille de plus de 30 ans, son quotidien se conjugue avec pauvreté, insalubrité, insécurité, délabrement de plusieurs maisons. Ce nom ne colle plus à la réalité d’aujourd’hui. Le quartier renvoie à un bric-à-brac.
Le nom est usurpé. La Cité millionnaire est un amas de taudis surplombés par des immeubles glauques et défraîchis. On devrait le rebaptiser pour lui enlever le poids de son nom. Jadis, il s’appelait Minnam. Créée en 1977, la Cité millionnaire ne reflète plus son lustre du temps passé. Dans les ruelles fangeuses de ce quartier, des gamins tous âges confondus se consacrent à des jeux enfantins sans pour autant se soucier des va-et-vient des populations. Ils sont épiés par des marchands de légumes qui ont implanté leurs étals devant leurs maisons. C’est le visage actuel de cette cité.
Autrefois l’atmosphère était enchanteresse, mais son nom est en porte-à-faux avec la situation actuelle qui y prévaut. Une situation que l’œil le moins exercé parvient à discerner. La cité s’est métamorphosée gravement parce que les choses ont beaucoup changé à telle enseigne que le contraste est incommensurable. La dégradation a pour source le surpeuplement de la cité pour certains. Tandis que d’autres disent que c’est à cause des eaux pluviales qui y stagnent durant la saison des pluies à défaut de canalisations d’évacuation. Avant, «la cité n’était pas peuplée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la majeure partie des propriétaires ont déguerpi en vendant leur maison pour une destination meilleure», raconte une dame qui vit dans la cité. Serigne Mbacké Sarr, tailleur, embouche la même trompette : «Pour comprendre le peuplement de certaines maisons, il faut juste te mettre le matin devant une de ces maisons occupées par des locataires et là tu verras de tes propres yeux que la maison est habitée par une cinquantaine de locataires.»
Conseiller à la mairie de Grand-Yoff, El Hadji Ndiaye, plus connu sous le nom de Ibrahima Ndiaye, explique que les premiers migrants étaient constitués d’opulents émigrés des années 80, mais aussi de grands commerçants très riches du marché Sandaga. Pour lui, les courtiers qui démarchaient les locataires l’ont dénommé Cité millionnaire. Elle est limitée au nord par la route des Niayes qui la sépare des Hlm grand-Yoff, au sud par Djeddah et Missirah à l’ouest par l’autoroute et à l’est par le quartier Arafat.
Une cité victime de «promoteurs véreux»
Ainsi, nombreux de ces habitants fustigent la dégradation accrue du cadre de vie de la cité où il y avait la joie de vivre à l’époque. El Hadj Ndiaye, chargé de communication du maire Khalifa Sall lors des dernières élections locales et président de l’Association sociale et Culturelle de la Cité, se réveille ici depuis 1982. Nostalgique, il se rappelle son enfance heureuse passée pleinement dans ces endroits. Au temps, dit-il, «nous avions des aires de jeux, des jardins publics ainsi de suite, mais des promoteurs véreux nous ont tout pris et y ont érigé des maisons à des fins lucratives».
A l’époque, rappelle El Hadj Ndiaye, dès que des bâtisses avaient commencé à être érigées, ils ont décliné leur désaccord. «Mais, comme nous le savons nous tous, la loi du plus fort est toujours la meilleure», dit-il.
Revenu de France après ses études en 2007, il avait le cœur rempli d’amertume. Il observait, impuissant, le mauvais chemin emprunté par certains jeunes devenus agresseurs, dealers, ou encore des adeptes de l’alcool. Ce qui «l’écœure» d’ailleurs. Dans la rue, on le hèle pour lui demander quelques pièces. Et il n’a pas le «choix», dit-il.
Aujourd’hui, la promiscuité étreint les jeunes. Ils vivent dans cet espace qui engendre les germes de violences qui gangrènent la Cité millionnaire. Beaucoup de ces jeunes sont au chômage. Là où il y a une forte concentration humaine constituée en grande partie de locataires, la cohésion sociale est presqu’absente. Cette paupérisation s’explique par le fait que la plupart des maisons ont été construites par des omoteurs immobiliers. In fine, la quasi-totalité de ces habitants sont des locataires.
Des jeunes désœuvrés et exposés à la tentation
Souvent désargenté, c’est-à-dire sans aucun sous, la plupart des jeunes de ce quartier se livrent à des pratiques malsaines et se nourrissent de vol, de trafic de stupéfiants, et d’agressions. Alors que pour certains de ces hors-la-loi, qui ont même eu à fréquenter le milieu carcéral, leurs parents sont au courant de ce qu’ils font mais à cause de leur condition de crève-la-faim, ils préfèrent ne pas les dénoncer. D’ailleurs, ils sont en parfaite cohabitation avec leur progéniture. En effet, une infime frange de cette couche défavorisée se lève le matin pour aller au travail. «Le reste est constitué de partisans de moindre effort qui dorment la journée et la nuit ils se transforment en de vrais braqueurs prêts à détourner l’attention des passants pour faire leur sale besogne», indique un jeune de ce quartier. Le banditisme prend de l’ampleur de jour en jour.
Pour sa part, ce jeune «couche-tard», qui vient de sauter du lit alors que la montre affichait 14h, affirme : «Je n’ai pas le choix, c’est pour cela que je me réveille à cette heure d’autant plus que je n’ai pas eu la chance d’aller à l’école.» A son réveil, n’ayant même pas de quoi se payer un bon petit déjeuner, il se contente de sa tasse de «café Touba» pour le début de la journée.
Le soir, ils se regroupent sur les principales artères autour d’une théière pour disséquer les derniers combats de lutte ou pronostiquer sur ceux qui se profilent à l’horizon. Alors que d’autres grillent tranquillement leur joint de chanvre indien. Toutefois, de temps à autre on assiste à des scènes de course-poursuite entre policiers et trafiquants. Placée sous haute surveillance, les caïds recourent aux services des enfants pour livrer les cornets de chanvre. D’autant plus qu’ils passent inaperçus, nous append-on. En retour, on leur file des pièces 50 ou de 100 francs Cfa.
Rêve d’être lutteurs, danseurs….
Aujourd’hui, l’ambition de devenir lutteur donne des vertiges à ces jeunes. Ici, on nourrit le rêve de pousser la chansonnette. Même s’il n’existe pas de statistiques officielles, le taux d’abandon des études est assez élevé. Cela est nourri par la présence de nombreuses écuries dans le quartier. Ce qui relève de l’insouciance de ces jeunes face à leur avenir. Sans porter de gants, Ibrahima Ndiaye déclare : «Ce sont certains parents à la limite, irresponsables, qui poussent leurs enfants à vouloir être lutteurs, danseurs ou batteurs de Tam-tam soit-disant que c’est un raccourci pour réussir afin de pouvoir assurer la relève concernant les petites charges de la maison.» Et il indique : «Si tu demandes à un jeune de la cité ce qu’il voudrait être dans l’avenir, ce à quoi il aspire, il te dira fièrement lutteur ou danseur.»
Un brassage fatal
A grand-Yoff, on retrouve une fusion de noms et de prénoms comme Souleymane Mendy, Awa Gomis. Ce brassage fait justement la particularité de la cité. Ici, les musulmans et chrétiens cohabitent harmonieusement. Il y a une forte concentration «des débits de boisson alcoolisée». Le business marche très bien dans ce coin réputé comme un havre de Polonais. Il nourrit plusieurs familles et ces débits poussent comme des champignons. Sur un même alignement, on retrouve trois bars de la cité : Le Kandoum Branay, le Kodak et le Petit Paris. Récemment, un bar du nom de Kandoum Branay, point de convergence des jeunes les samedis, a été fermé «parce qu’il y avait eu un meurtre». Quelque temps après, il a rouvert de nouveau ses portes de bonheur aux inconditionnels clients. Même les populations ont réclamé le maintien de la décision administrative. En vain ! «Ces bars sont fréquentés par les jeunes du quartier et par des policiers. Donc, je vois mal comment ils pourraient être fermés», indique un de nos interlocuteurs.
De ce fait, c’est devenu un milieu très prisé par «les filles de joie» qui s’adonnent à la prostitution ouvertement.
Désœuvrement des jeunes, absence d’œuvres sociales,… : Le coin des complaintes
En dehors de ses activités au sein de l’équipe de Navétanes, afin d’apporter sa contribution à la cité où il a passé la totalité de sa jeunesse, El Hadji Ndiaye, parie sur les jeunes de quartier. En tant qu’acteur de développement, il compte mettre en place des projets sociaux pour les sortir de ce pétrin. En compagnie de Alpha Dia, infographiste, ils se battent pour redonner à leur quartier son lustre d’antan. Le pari est assujetti aux engagements financiers des banques pour leur permettre d’avoir des occupations.
Mieux, ils essayent de trouver des espaces de pacification avec l’appui des pouvoirs locaux pour éradiquer une bonne fois ce fléau qu’est le désœuvrement accru des jeunes de la cité.
Sans dispensaire, ni terrain de football, la cité suffoque à cause de la boulimie foncière des agents immobiliers. «Tous les espaces sont vendus», regrettent-ils. Même l’équipe du quartier est obligée d’aller s’entraîner à la patte d’oie. «Ce qui est inconcevable», dit-il.
9 Commentaires
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En Septembre, 2014 (13:49 PM)Le Camion
En Septembre, 2014 (13:52 PM)Des gravas de béton et du sable, c'est Beyrouth il ya 20 ans ou la Syrie actuellement. ET dans 50 ans ce sera le désert ! en espérant que les jihadistes auront crevés de soif ce sera peut-être à nouveau beau.
Doudouu
En Septembre, 2014 (14:36 PM)Abu
En Septembre, 2014 (16:49 PM)Po
En Septembre, 2014 (16:51 PM)Atypico
En Septembre, 2014 (19:01 PM)Stupéfait
En Septembre, 2014 (22:23 PM)dou méééé may seneweb
Xman
En Septembre, 2014 (11:43 AM)Taff
En Septembre, 2014 (10:31 AM)Participer à la Discussion