Comment survivre au mariage de sa petite sœur

Certes, ma petite sœur a toujours tout fait avant moi. Elle a commencé à porter des soutifs avant moi, elle a eu son premier mec avant moi et elle a même osé partir en vacances sans les parents avant moi. La seule chose que j'ai réussi à décrocher avant elle, c'est mon Bac.

Mais bon, question de chronologie. Il est donc logique qu'elle se marie avant moi et, au fond, tout cela n'aurait pas grande importance si elle n'avait pas choisi de se marier avec la robe de mes rêves. D'accord, c'est toujours mieux qu'avec le mec de mes rêves.

Heureusement, si nos goûts en matière de fringues sont proches, nous ne tombons pas amoureuses du même genre d'hommes – j'adore mon beau-frère, ce n'est pas la question. Bref, le jour de l'essayage de sa robe, j'ai compris que j'allais devoir me préparer mentalement à affronter son mariage.

Ma, OK, Sa robe de mariée lui va comme un gant, elle est vraiment magnifique dedans. Du coup, je ne pourrai jamais me marier avec une robe du même style, forcément on dira que j'ai copié.

Mais je ne sais même pas pourquoi je me prends la tête, les chances que je reste assez longtemps avec un mec pour me marier sont quasiment aussi élevées que celles de découvrir un squelette de dinosaure dans mon jardin.

Donc je devrais me réjouir qu'au moins l'une de nous se marie dans la robe de nos rêves.

Surtout rester digne au mariage de sa petite soeur

Il faut aussi que je me fasse à l'idée que pendant toute une journée, les gens vont me regarder avec pitié : « Oh, la pauvre Manon ! Assister toute seule au mariage de sa petite sœur, quelle tristesse ! Mais c'est quand même bizarre qu'elle n'ait personne, non ? Elle n'est pourtant pas si moche. » Oui, les gens vont parler, mais les gens, hein.

Même si en fait, les gens, c'est ma famille et celle de mon futur beauf. Je me prépare également à entendre 40 000 fois dans la journée : « Et toi Manon, c'est pour quand le mariage ? » Et à leur répondre 40 000 fois : « Bah, c'est pas pour tout de suite, pour l'instant, je voyage, on ne peut pas tout avoir ! » Ou alors : « Je n'ai pas encore trouvé le mec qui me convaincrait d'arrêter de voyager pour l'épouser ! »

Gros mensonge, puisqu'il y a à peine un an, j'imaginais me marier à moitié à poil avec des peintures traditionnelles maoris dans une forêt de Nouvelle-Zélande, et la seule chose qui ait empêché la réalisation de ce fantasme de femme, c'est que le mec m'a larguée, ce qui est tout de même un détail important, parce que se marier toute seule, ce n'est pas facile.

D'ailleurs, en parlant de lui… ma sœur se marie pile-poil le jour de son anniversaire. Comme pour me rappeler mon échec cuisant. Enfin non, elle a choisi la date en fonction de la braderie de Lille : pour des Nordistes, c'est important.

Etudier les opportunités de l'événement

Dans les films américains, quand le témoin de la mariée est célibataire, il finit toujours avec le témoin du marié. Les témoins du marié, c'est sa cousine et son meilleur pote, or il est déjà maqué. Et sa cousine aussi d'ailleurs. 


Bref, aucune chance de trouver chaussure à mon pied dans ce mariage : tous les invités de ma sœur sont en couple, ont une maison et un travail.

Moi à côté, célibataire, vivant chez mes parents entre deux voyages à l'autre bout du monde, travaillant épisodiquement dans divers jobs, je vais passer pour une extraterrestre, c'est sûr.

Non, je n'ai pas raté ma vie, j'ai juste choisi une existence, disons, originale.

En effet, je n'ai pas de labrador, mais j'ai déjà nagé avec des dauphins, approché des requins blancs dans une cage, fait le saut à l'élastique le plus haut du monde (au passage, je ne suis pas sûre qu'on puisse l'appeler « saut » puisqu'on m'a lamentablement poussée dans le vide, et que, ne m'y attendant pas, je suis tombée comme un gros sac à patates, les pieds en premier sous les regards horrifiés des clients du bar dans lequel mon saut était diffusé en direct, d'après ma pote) et fait le tour de l'Australie avec trois bagnoles. 

Ça vaut le labrador, quand même ?!

Anticiper les meilleurs moments du mariage de sa petite soeur

Viendra inévitablement le moment où le DJ lancera des danses de couple et où je me retrouverai assise toute seule sur ma chaise. Ou, pire encore, un vieil oncle bedonnant aura pitié de moi et m'invitera, proposition que je serai obligée d'accepter, sans quoi je passerai pour une malpolie.

D'ailleurs, en parlant de chaise, ma sœur m'a fait remarquer que j'étais chiante : comme je suis seule, elle ne sait pas où me placer. Ben oui, je vais créer un décalage sur la table, ou alors il y aura un trou à côté de moi.

J'ai eu une idée, je pourrais apporter la pancarte grandeur nature de Josh Hartnett que j'avais récupérée dans un ciné quand j'avais 15 ans et dont j'avais la garde à mi-temps avec ma meilleure amie.

Je l'installe à côté de moi et hop. Non ? OK. Donc : me préparer à passer la soirée à la table des gosses, à bouffer du jambon et parler PS 4.

Imaginer l'après mariage

Une autre idée à laquelle il faut que je me fasse : sur la cheminée de mes parents, il y aura désormais une photo resplendissante de ma sœur et de son mari, sur leur 31, tout sourires, et à côté, il y aura toujours la même photo de moi, à 14 ans, avec mon appareil dentaire et mes boutons, serrant dans mes bras le seul être que j'ai aimé et qui ne m'a jamais fait souffrir en retour, c'est-à-dire mon lapin Jano, paix à son âme.

Pour terminer, il va falloir que je me réhabitue à bouffer des pâtes à l'eau à tous les repas, puisque mes parents auront investi notre budget bouffe de l'année pour payer le mariage grandiose de ma sœur.

C'est ce que j'imaginais. En vrai, ça s'est passé comme ça...

... personne ne m'a regardée avec pitié. En fait, j'étais trop canon dans ma robe rouge et j'ai récolté une tonne de compliments.

En tout et pour tout, seulement deux personnes m'ont demandé quand ce serait mon tour de me marier.

La question qu'on m'a posée 40 000 fois dans la journée, c'est : « Alors, tu repars quand ? Et où, cette fois ? ».

En fait, l'anniversaire de mon ex, c'était la veille du mariage, pas le jour même, je m'étais trompée.

Le quart d'heure danse de couple a duré trois minutes, pendant lesquelles j'ai pris tout le monde en photo, par conséquent je ne me suis absolument pas fait suer. 
À table non plus.

Finalement ma sœur avait réussi à me caser à côté de ma cousine, donc j'ai échappé au jambon et à la table des gosses.

Sur la cheminée de mes parents, j'ai remplacé ma vieille photo par une autre où j'ai trop la classe, assise au milieu du bush australien, devant une caravane abandonnée, un chapeau de paille sur la tête et la guitare à la main.