ENVOYE SPECIAL) Le Soleil venait à
peine de franchir le rideau vert des anacardiers. Il est huit heures et Diabir
s’est réveillé depuis les derniers appels du muézin qui invite à la prière
matinale. Nous venons, le taximan et moi, d’entamer la traversée de la forêt
des anacardes, après le détour de l’Université de Ziguinchor, quand le
chauffeur me demande : «Vous allez où précisément à Diabir?». Nous avons marqué
un silence, avant de répondre : «Je ne connais pas exactement l’endroit, mais
roulez jusqu’à l’entrée du village». En réalité, nous sommes un peu confus et
nerveux à l’idée de devoir répondre à l’ «indiscrétion» du taximan. Jusque-là,
nous voulions maintenir secrète notre véritable destination au chauffeur. Le
taxi continue son chemin sur le sentier aménagé au milieu de la forêt des
anacardiers. Quelques minutes après, nous apercevons deux jeunes assis dans la
cour d’une maison et le taximan nous invite à leur demander notre destination.
Nous obtempérons. Nous avons fait signe à l’un deux de venir. «Bonjour
Monsieur, pouvez-vous nous indiquer l’endroit où le Mouvement des forces
démocratiques de la Casamance (Mfdc) tenait ses réunions ici à Diabir?».
Des secondes hésitations, il répond :
«Je suis désolé, je donne ma langue au chat. Je suis un étranger, demandez
plutôt à mon camarade, lui est né ici». Nous invitons alors ce dernier à venir.
Après avoir formulé la question, ce jeune de moins de trente ans nous sert
cette réponse : «Il y a quelques mois, une conférence publique sur le Mfdc a
été organisée à l’école». Visiblement, il a mal compris notre question et nous
étions dans l’obligation de la reformuler pour nous faire comprendre. Cette
fois-ci, il avoue son ignorance. Alors, le chauffeur continue son chemin. Nous
apercevons un homme, à la barbe poivre et sel, sous la véranda et une femme
dans la cour de la maison. «Arrêtez-vous, je vais leur demander», avons-nous
prié le chauffeur de taxi. Salutations en langue Diola. «Kassoumay» (la paix de
Dieu soit avec vous), puis nous enchainons en mandingue, puis en français.
L’homme à la barbe poivre et sel demande, en diola, à son épouse de
s’approcher. Après explications, elle nous invite à aller chez le chef de
quartier, non sans nous préciser que ce dernier n’est pas à la maison : «Vous
trouverez certainement son épouse, car le chef, lui, passé ce matin en se
rendant à une cérémonie du quarantième jour d’un décès. Allez, son épouse vous
renseignera».
Un étranger est toujours… étrange!
C’est ici que nous allons libérer le
chauffeur de taxi qui commençait à montrer quelques signes d’agacement. Sac à
dos en bandoulière, nous sommes contraints de faire le reste du chemin à pied.
Quelques concessions, vous voilà dans la demeure du chef. Une femme est
allongée sur une chaise pliante. Elle nous accueille, un tantinet méfiant,
confirmant la règle « un étranger est toujours étrange ». Pour la mettre à
l’aise, nous déclinons notre identité et nos origines casamançaises. Le masque
tombe. Nous lui expliquons l’objet de notre présence. Elle demande à une fille
qui était à l’intérieur de venir me parler. D’un regard innocent, elle me
dévisage, en se demandant, dans le silence de sa conscience, d’où vient cet
homme ? Ignorant ce que nous lui demandons, la fille est allée se renseigner
auprès d’un homme qui s’affairait autour de sa concession. Mais elle revient
avec une réponse négative. Nous insistons, en allant à la rencontre du Monsieur
qui finira par nous donner un nom: Sidy Khayrou Diédhiou, un des notables du
village, devenu un quartier de la commune de Ziguinchor.
Il faut traverser plusieurs concessions
avant d’arriver chez lui. Ici, les maisons n’ont pas de clôture. Le virus de
l’individualisme n’a pas encore pénétré le tissu social. Tout le monde est
parent ici, c’est pourquoi il ne viendra à l’idée de personne de se barricader,
de verrouiller la porte de la maison. D’ailleurs, c’est un abus de langage de
dire « porte de la maison », puisque les concessions ne sont pas clôturées.
L’hospitalité en pays Diola
Mais l’homme que nous cherchons est
absent, il prend part à une réunion avec des partenaires, quelque part dans
Diabir. La femme qui nous a accueillis, nous donne son numéro de téléphone
portable. Après le coup de fil, Monsieur Khayrou nous demande d’attendre. Ce
que nous avons fait. La dame demande à un jeune de nous cueillir quelques
fruits du manguier sous lequel nous étions assis. C’est la cour de la maison.
Nous acceptons volontiers. Ici à Diabir, le sol est jonché de mangues mures.
Quel gâchis ! On ne peut ne pas regretter l’absence d’unités de transformation
de fruits. Le même phénomène est observé en période de récolte des oranges. La
dame nous met quatre mangues et un couteau dans un seau d’eau. Et votre
observateur n’a pas mis de temps à «ouvrir les hostilités», sans se poser de
questions.
Pas besoin d’aller chercher dans les méandres de la pensée polluante les raisons qui ont motivé son geste, la « Téranga» en pays Diola étant connue. Pour fixer quelques idées, nous avons sorti du sac notre ordinateur. Ce qui a aiguisé la curiosité de ses deux fillettes qui sont à la maternelle. C’est de leur bouche que nous apprenons que leur papa à un ordinateur sur lequel la famille regarde des films.
La dame
trouve-là une occasion pour nous apprendre que la localité de Diabir ne dispose
ni d’électricité ni d’eau. «Nous avons un poste téléviseur en couleur, faute de
courant on l’alimente à l’aide d’une grosse batterie, mais qui ne peut être transportée
que par un véhicule. Cela nécessite du carburant, finalement nous nous sommes
dit que cela n’en valait pas la peine. C’est sur l’ordinateur de mon mari que
nous suivons les films avec les enfants », explique-t-elle. C’est là qu’arrive
un groupe de filles avec une mangue à la forme d’une tête humaine. Le fruit
fait l’objet de toutes les curiosités. Une des filles en fixe l’image sur
l’écran de son téléphone portable. Suffisant pour épiloguer sur les mystères de
la nature. « C’est Dieu qui nous montre l’une de ses innombrables facettes »,
s’écrie la femme. Sur ce, l’homme que nous attendions est enfin arrivé. Il nous
apporte une petite table sur laquelle nous avons posé notre ordinateur.
L’entretien commence.
Du Casa Sport au Mfdc
Sidy Khayru Diédhiou a déménagé dans ce
village, devenu un quartier de la commune de Ziguinchor, en 1974. Il était au
courant des réunions qui se tenaient ici à Diabir, même s’il n’a jamais pris
part à aucune d’elles. « Au départ ce sont les supporters du Casa Sport qui se
réunissaient entre l’aéroport et l’actuel dispensaire des belges, où il y a la
Tripino. Ce n’est qu’après qu’ils ont transféré à Diabir leur réunion. Mais je
n’y ai jamais pris part, je travaillais à Ziguinchor », explique-t-il. A
l’époque, il n’y avait qu’une seule maison qui faisait face à la forêt où les
réunions se tenaient. « La maison d’Ansoumana Manga faisait face à la forêt et
était sur la route. De l’autre côté, il y avait les maisons de Malang Manga, de
Mahmoudou Diédhiou, d’Abdou Diédhiou et de Mahmoudou Diédhiou, et les champs»,
précise M. Khayrou qui a définitivement fixé dans sa mémoire le fameux mardi 19
décembre 1982. «Ce mardi là, juste en rentrant de Ziguinchor, sur ma moto dont
j’avais allumé les phares, je vois dans l’obscurité un véhicule des gendarmes
calciné, à côté de la maison, sur la route. Je continue mon chemin, non sans se
poser des questions. Arrivé à la maison, je trouve tout le monde au lit. Et je
demande qu’est-ce qui se passe ? On m’informe qu’on a tué des gendarmes dans la
forêt de Diabir. Le lendemain, les commentaires allaient bon train à Ziguinchor
où on disait que les paysans veulent l’indépendance», confie-t-il.
Le serment de la forêt de Diabir
Les quelques rares personnes qui ont
assisté à cette réunion refusent de raconter ce qui s’est réellement passé dans
la forêt de Diabir. Elles ne veulent pas trahir le serment. L’endroit est sacré
et personne ne veut prendre le risque d’en dévoiler le secret. Ce que confirme
Abou Elinkine Diatta, l’un des responsables du Mfdc qui avait pris part aux
réunions de Diabir : «Je ne peux vous dire ce qui s’est passé dans la forêt
sacrée, au-delà, oui », dit-il.
Un dignitaire du Mfdc a qualifié m’a
présence sur les lieux de «profanation» et pour en sortir indemne, il me
conseille de ne pas penser du mal du mouvement. Nous avons ainsi appris que les
personnes qui assistaient aux réunions étaient assises à même le sol. Mais
l’endroit était mystiquement «blindé». Les agents de renseignement généraux
infiltraient les rencontres, souvent au su de certains membres du Mfdc. Parmi
eux, il y a des agents doubles qui renseignaient l’Etat et le Mfdc, nous a
indiqué une de nos sources. Toutes les ethnies de la Casamance naturelle
prenaient part à ces réunions. Et c’est au cours d’une des rencontres qui se
tenaient non loin de l’aéroport que quelqu’un dans la foule a proposé que l’on
confie le dossier aux Diola, « parce qu’ils sont discrets », au motif que
beaucoup de gens voulaient politiser le mouvement, confie une autre source.
Quelques jours après, le mardi 19
décembre, se tiendra la grande marche sur la gouvernance qui va consacrer le
début de la rébellion casamançaise. « Après la marche du 31 décembre 1982, vers
les coups de 13 h ou 14h, certains ont pris le chemin de la brousse. Ils sont passés
par là, à Diabir», explique Sidy Khayrou Diédhiou.
Dieubeneu devient Diabir
C’est un certain Manga (le père de
Malang Manga) qui a demandé aux Baïnouk de Dieubeneu des champs où se trouve
actuellement Diabir. « Chaque fois que ses parents de Diabir Fogny allaient lui
rendre visite, ils disaient : « je vais chez Malang Manga de Diabir Fogny ». «
Le nom de Diabir vient de là. Mais à l’origine, la localité s’appelait
Dieubeneu », explique Sidy Khayrou Diédhiou. Et d’ajouter : « Avant sa mort,
Manga a divisé Diabir en donnant une partie à Malang Manga, à Sounkarou Sané,
et à Amadou Sané, ses fils adoptifs. C’est ce dernier qui m’a vendu là où se
trouve ma maison. »
Bacary Domingo Mane
Source Sudonline.sn
17 Commentaires
Fan`s De Manou
En Juin, 2012 (14:33 PM)Casacais
En Juin, 2012 (14:37 PM)Essamaye Akone Kaibonaine.nama
En Juin, 2012 (14:39 PM)Mbaye Samba
En Juin, 2012 (14:40 PM)Que la paix revienne dans cette belle région du Sénégal!
Que tous les Sénégalais soient unis et solidaires!
Que la division et la guerre disparaissent à jamais!
A Mbathiaye
En Juin, 2012 (14:51 PM)Dans leur croyance , un serment fait dans la foret sacree ne peut etre abandonne ( wakh-wakhat ) que dans la foret sacree.
je voulais juste donner ici une piste que peut etre pourait etre utile. Par ailleurs le village de KARTIACK ( de Salif Sadio ) organise cette annee leur " Bois sacre " ( le dernier bois sacre a ete organise en 1979 ). Un evenement mais surtout un moment propice pour communiquer , echanger, et convaincre salif Sadio.
Mbaye Samba
En Juin, 2012 (14:57 PM)Je m'en fous des ethnies; je suis avant tout être humain, puis Sénégalais avant d'être Hal pulaar. Ce qui importe pour moi, c'est la paix et la croissance au Sénégal.Tous les Sénégalais se doivent de se considérer comme frères. Ce Sénégal appartient à tous les Sénégalais: chrétiens, musulmans, animistes, athées et j'en passe.On n'est pas sur terre pour se juger, mais plutôt pour travailler la main dans la main, et ce pour l'intérêt supérieur de la nation.
Fgt
En Juin, 2012 (15:05 PM)Diop
En Juin, 2012 (15:13 PM)Alfi
En Juin, 2012 (15:17 PM)Big up mon ami
Diame thi la leupeu khiathe
Casa Bel
En Juin, 2012 (15:17 PM)J'espère que le MFDC va définitivement revenir à la raison, il faut lutter pour le développement mais pas pour une indépendance. Pendant 30 ans de conflit, il ne contrôle même pas un village; il faut négocier la paix et faire de sorte que le gouvernement respecte ses engagements pour le développement de notre belle région.
Moi Même
En Juin, 2012 (15:21 PM)Dor Dorat
En Juin, 2012 (15:26 PM)Macky, équipe les militaires et nettoie la Casamance!
Même ceux enrolés de forces par le MFDC doivent mourrir!
Milito
En Juin, 2012 (16:25 PM)Kritikosse
En Juin, 2012 (17:16 PM)Assoukaténe
En Juin, 2012 (17:52 PM)Capitainebrifo
En Juin, 2012 (19:51 PM)Reply_author
En Juin, 2023 (18:35 PM)Ndakarou takk neu dé.
Khana da nga toukiwone? 🤣
Reply_author
En Juin, 2023 (18:45 PM)Reply_author
En Juin, 2023 (19:05 PM)Reply_author
En Juin, 2023 (20:00 PM)Reply_author
En Juin, 2023 (20:00 PM)Reply_author
En Juin, 2023 (20:01 PM)Lebu Du Reer
En Juin, 2012 (09:02 AM)Le Sénégal est un et indivisible. Ceux qui voudront en sortir le feront démocratiquement car ce n'est pas une porte fermée ad eternam. l'Adage le dit: Santt dëkkëtul fenn..On a des Ndiaye Diola, des Diémé dakarois, des Tamba saint-louisiens, des Sagna Lébous et autres Camara Hal Pulaar. Le Sénégal, c'est un tout mais pas une finalité. Ceux qui y sont entrés sans combat en repartiront sans combat, du moment que la volonté populaire est respectée et qu'une souveraine et irréfutable expression d'indépendance sera confortée par le REFERENDUM auquel le MFDC et Atika doivent se soumettre si la région naturelle de Casamance est vraiment le Sol Sacré dont ils parlent.
L'acte courageux que tout le Peuple leur demande est de déposer les Armes et venir discuter de l'Avenir de la Casamance. DJI DJAMORAL KEP!!!ABARKA...
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