Tous les jours, des jeunes à bord des charrettes chargées de bonbonnes de gaz empruntent les rues et les avenues de la capitale pour approvisionner les boutiquiers. Ils gagnent dignement leur vie en s’exposant et en exposant les populations à tous les risques.
Léona de Grand Yoff se réveille peu à peu ce dimanche. Le dépôt de gaz, niché au cœur de ce quartier, est déjà sorti de la torpeur dominicale, à la croisée de la rue qui mène vers le Centre Talibou Dabo et celle qui conduit vers la fourrière, non loin du Camp de la gendarmerie de Front de Terre. Des ouvriers lancent, à intervalles réguliers, des bonbonnes de gaz qui produisent des claquements au contact d’autres bouteilles arrimées dans la benne d’une camionnette. Ces bonbonnes vides seront acheminées vers les usines. Dans un pick-up noir, le propriétaire discute avec un gérant. Ici, on ne jette pas la pierre sur les charretiers. Ces derniers sont un maillon essentiel de la chaîne de distribution. Sans ces attelages, les magasins connaîtront des ruptures de stock. « Quand ils partent dans leur village pour la Tabaski ou d’autres fêtes annuelles, la distribution est perturbée », raconte le gérant. Il est discret sur les mesures sécuritaires mises en place pour prévenir les risques d’explosion. « C’est un secret. J’ai mes propres charrettes et j’emploie des jeunes », lance-t-il, avant de disparaître au bord de sa voiture. Les charretiers sont payés à la tâche. Il gagne 50 FCfa sur chaque bouteille transportée. Un peu plus au nord de ce populeux quartier, aux abords du rond-point Liberté 6, une charrette chargée de bouteilles de gaz de 6 et de 2,7 kg est tirée un par cheval bien nourri.
La circulation est fluide ce dimanche aux environs de 10 heures. Deux garçons sont assis sur les bouteilles. L’un d’eux, Mor Sarr, aux allures de lutteur, fait sa navette entre le dépôt et les boutiques des quartiers. Sa destination, c’est le quartier de Fass Delorme, mais avant, il doit passer par Sacré-Cœur, Baobab et Grand-Dakar. Il prend départ au dépôt gaz de Grand Yoff, sis au quartier Léona. Lui et son cheval empruntent, chaque jour, un circuit différent de celui de la veille pour approvisionner les boutiquiers détaillants dans les quartiers précités. Son attelage dispute la chaussée avec les automobilistes, sans avoir une idée claire des dangers. La notion de sécurité se résume à bien atteler son cheval et à veiller à ce que les bouteilles ne tombent pas en cours de route. « C’est un travail harassant parce qu’après la descente, nous sommes obligés d’entretenir le cheval, le laver et de le nourrir. C’est éprouvant. Je suis conscient du danger. Notre souhait, c’est de faire le transport avec des voitures, mais c’est difficile », confesse le bonhomme. Il ne peut pas ignorer la sécurité. Puisqu’il a échappé à un accident qui lui aurait coûté la vie s’il ne s’était accroché aux barres de fer de sa charrette. « Le cheval a été stoppé net par la voiture qui était devant et je suis tombé. C’est après que j’ai vu que les fers à cheval étaient devenus glissants et qu’il fallait les changer. Si les bouteilles étaient tombées, personne ne sait ce qui aurait pu advenir », raconte le charretier. Non loin de lui, dans une maison, Samba, un homme vêtu d’un boubou couleur pourpre, la soixantaine, n’est pas moins préoccupé. Le transport informel des hydrocarbures raffinés sans les mesures requises de sécurité est un sujet de préoccupation. Mais, l’ignorance des comportements à moindre risque tétanise ce responsable de famille. « Les ouvriers lancent des bouteilles remplies comme des ballons de basket. C’est dangereux. Seulement, ils ignorent les dangers », regrette l’enseignant à la retraite. Certains se permettent de fumer la cigarette sur les charrettes bondées de bonbonnes remplies. La sécurité n’est pas une priorité. L’éventualité d’une explosion en plein embouteillage n’est pas à exclure. Le risque zéro n’existe pas.
« Les embouteillages exacerbent les risques parce que des véhicules hippomobiles se déplacent très lentement et pourraient également amplifier les conséquences éventuelles en termes de victimes humaines et de dégâts matériels. En plus, ces embouteillages vont également ralentir l’arrivée des secours et l’évacuation de blessés en cas de nécessité. Donc, les personnes sont exposées aux risques d’explosion ou de fuites de gaz qui sont amplifiés par la difficulté de s’échapper et/ou d’organiser les secours en cas de sinistre », analyse Dr Nouhou Diaby, de la Faculté des Sciences et techniques, qui dispense des cours sur le module Gestion des risques.
Sokhna Anta NDIAYE (stagiaire)
Dr Nouhou Diaby, enseignant chercheur à l’Ucad : « L’événement non désiré pourrait être un incendie ou une explosion »
L’enseignant chercheur à la Faculté des Sciences et techniques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), Dr Nouhou Diaby, se veut clair. La législation interdit formellement aux charretiers de transporter les bonbonnes de gaz. Au cours de cet entretien, il a attiré l’attention sur les dépôts qui jouxtent des habitations. L’entreposage et le transport de ces hydrocarbures suscitent des inquiétudes chez l’enseignant chercheur.
Quel regard portez-vous sur le transport du gaz butane par les charretiers ?
Le transport des bouteilles de gaz par les charrettes m’interpelle. C’est une problématique qui doit certainement interpeller les Sénégalais. Les charrettes ne devraient pas transporter des bonbonnes de gaz. Elles ne respectent pas les normes de transport de ces produits. En général, le transport des hydrocarbures raffinés dont fait partie le gaz est régi par des textes. Et les véhicules qui transportent ces produits sont soumis à certaines normes de sécurité et d’étiquetage.
Y a-t-il des risques d’explosion en exposant ces bonbonnes au soleil lors de leur transport ?
Le risque zéro n’existe pas. Ces bonbonnes sont conçues, en principe, pour résister. Mais, la loi dit qu’une bonbonne ne doit pas être exposée à une température supérieure à 50°. C’est vrai que la chaleur que nous recevons du soleil n’atteint pas ce degré. Mais, faudrait-il que l’on se conforme aux conditions normales de traitement. Il peut y avoir des bouteilles défectueuses. C’est une possibilité. Il peut y avoir un mauvais conditionnement et une mauvaise fabrication de la bouteille de gaz. Tout cela constitue un facteur de risque. Le Bit définit le risque comme « l'éventualité qu'un événement non désiré ayant des conséquences données survienne dans une période donnée ou dans des circonstances données. Cette éventualité étant exprimée selon le cas en termes de fréquence ou en termes de probabilité ».
En résumé, le risque est la probabilité qu'un effet spécifique se produise dans une période donnée ou dans des circonstances données. Dans le cas du transport des bouteilles de gaz par les charretiers, l’évènement non désiré pourrait être un incendie ou une explosion dans la mesure où le véhicule n’est pas adapté et qu’il peut avoir des sources de chaleur à proximité. Même si comparaison n’est pas raison, l’accident de la Sonacos de 1992 a été causé, en partie, par une exposition d’une citerne de gaz au soleil. Le problème que vous soulevez avec les charretiers se pose aussi avec des dépôts de gaz qui sont dans des maisons à usage d’habitation. C’est formellement interdit d’entreposer des gaz dans une maison. Le dépôt ne doit pas être à proximité des habitations. Il y a une distance minimale à respecter entre le dépôt et les maisons à usage d’habitation. Le bâtiment doit répondre aux normes. Les murs doivent être plus résistants. Je ne peux pas transformer mon garage en dépôt de gaz.
Est-ce que ce transport est réglementé ?
Il faut que la réglementation soit clarifiée. Nous avons une loi qui date de 1998 et réglemente tout ce qui est importation de gaz transformé, entre autres. En plus, il y a son décret d’application définissant la manière dont les hydrocarbures raffinés en général sont transportés. Mais, il n’y a pas quelque chose de spécifique sur le transport des bonbonnes de gaz qui se fait dans un secteur informel dans les quartiers. Toutefois, la réglementation dit que pour transporter du gaz, il faut avoir une licence. Celle-ci est donnée sous certaines conditions, notamment le transporteur doit avoir un véhicule approprié et une assurance. Il faudrait que la réglementation aille dans le détail pour prendre en compte le transport des bonbonnes de gaz et que des véhicules adaptés puissent faire ce transport avec toutes les normes de sécurité. Il faut aussi l’étiquetage parce que les personnes qui transportent les gaz doivent être conscientes des risques qu’elles encourent et qu’elles font encourir à la population, et savoir ce qu’elles doivent faire en cas d’accident.
Quelles solutions préconisez-vous ?
La sécurité dans la circulation incombe à tous. Nous avons, au Sénégal, beaucoup de structures qui ont en charge cette question. Pour les hydrocarbures, nous avons le ministère de l’Energie, mais également la Protection civile pour tout ce qui est sécurité. Il y a le ministère de l’Environnement pour tout ce qui est installation classée, et le ministère du Commerce pour tout ce qui est lié au commerce au détail. Toutes ces structures devraient s’assoir autour d’une table pour réglementer en détail le transport des bonbonnes de gaz et ne pas se limiter seulement au transport des hydrocarbures raffinés qui est bien réglementé avec des licences renouvelables tous les 5 ans. Et avant le renouvellement, les services compétents vérifient si les normes sont respectées.
Propos recueillis par
Sokhna Anta NDIAYE (stagiaire)
12 Commentaires
Anonyme
En Février, 2017 (21:49 PM)Anonyme
En Février, 2017 (22:02 PM)T o p s t o c k est une application android développée par un sénégalais.
Elle fait de la gestion de stock, de commandes et de facturation.
Téléchargez la sur play store , notez, commentez et partagez la. svp
T o p s t o c k est une fierté sénégalaise
Dilate La Rate
En Février, 2017 (22:10 PM)Anonyme
En Février, 2017 (23:01 PM)elles nous bassinent avec le permis à points. que diable va foutre un charretier avec un permis à points?
Au lieu de régler les problemes primaires, on se met à singer betement les nassaranes qui sont à des années lumières de ce qui se fait ici.
shame on the f**** autorities.
Anonyme
En Février, 2017 (23:18 PM)Las
En Février, 2017 (00:48 AM)ces charettes avec bonbonnes de gaz ont toujours existe mais il ya une reglementation de la loi par rapport aux vehicules hippomobiles mais cette loi n est pas respectee
il ya une reglementation concernant la charge, le contenu , l immatriculation de la charrette, le carnet sanitaire du cheval ...
trop de laisser aller politique jamais les charettes n osaient circuler apres le coucher du soleil
Transporter des matieres inflammables ou explosives dans une charette c est quand meme un gros risque et insolite pour un blanc mais bon c est l Afrique
Truth
En Février, 2017 (06:55 AM)Bledi
En Février, 2017 (07:45 AM)Sen Fout
En Février, 2017 (08:22 AM)Amsanonyme
En Février, 2017 (08:47 AM)Si à 15 ans on autorise un enfant à conduire en pleine circulation .
Anonyme
En Février, 2017 (09:09 AM)PS: qui a les coordonnées de ce Dr Nouhou Diaby ? n'est-il pas un ancien du Lycée de Thies ?
Anonyme
En Février, 2017 (09:11 AM)Participer à la Discussion