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Hommage - El Hadji Bassirou Diagne Marieme Diop, deux ans déjà : Le Sénégal, orphelin de son Médiateur social

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Hommage - El Hadji Bassirou Diagne Marieme Diop, deux ans déjà : Le Sénégal, orphelin de son Médiateur social
Homme de paix et de consensus, ceux qui l’ont approché auront surtout perçu l’horreur instinctive qu’il portait à la fourberie, et sa désolation intérieurement du clivage qui, à travers les âges, semble poursuivre comme une malédiction la Collectivité Léboue.

Dans ses moments de répit, à l’image du Patriarche se confiant à ses proches et compatissant à leurs peines, El Hadji Bassirou Diagne ne se lassait de rabâcher que «c’est d’abord les "toubab" qui se sont appliqués à nous fragmenter, suivant la politique du "diviser pour mieux régner", que l’Administration coloniale maîtrisait bien !». 

Dés 1815, le pouvoir coloniale français avait déjà trouvé dans la Presqu’île du Cap-Vert du Sénégal un «Etat lébou» ; la 2e République noire au monde, après Haïti (en 1804). Les Lébous bravaient régulièrement l’autorité coloniale. Jaloux de leur «indépendance», ils ont toujours tenu tête aux différents Damels, dans leur volonté d’annexion de la Presqu’îles du Cap-Vert, fief du «Lébougui». Avec comme leader de la fronde Dial Diop, premier «Serigne Ndakaru», intronisé en 1795. 
Faisant la genèse des dissensions qui agitent régulièrement cette communauté traditionnelle, El Hadji Bassirou Diagne me révéla un jour comment, en 1933, la division atteignit son comble : «Le pouvoir colonial avait l’art d’exploiter à son profit les contentieux fonciers qui nous opposaient», déplorait-t-il. En effet, l’administration coloniale soutenait ouvertement, à l’heure de la succession, le candidat au «Serignat» le moins hostile aux prétentions foncières du pouvoir colonial. 

Et Bassirou Diagne, preuves à l’appui, de démontrer comment, en 1905, le Gouverneur du Sénégal Camille Guy parvint à tromper la vigilance du 8e Grand Serigne, Alpha Diol (d’ascendance toucouleur, mais dont la filiation matrilinéaire remonte au premier «Serigne Ndakaru», Dial Diop), en lui faisant signer une convention cédant les terrains de «Bougnoul» (qui englobaient le site partant de la Présidence de la République au Cap-Manuel) et de «Tound» (s’étendant de l’avenue Georges Pompidou à l’avenue Faidherbe). 

Les Lébous ont «perdu» tout ce patrimoine foncier, pour une contrepartie dérisoire : la revue à hausse des émoluments du Grand Serigne de Dakar Alpha Diol, qui passèrent de 1.200 à 3.000 fcfa par an, assortis de l’inscription au budget du Protectorat d’une somme de 1.800 francs pour les indigents de la Collectivité Léboue. Résultat : ce fait du Prince provoqua une déchirure historique dans la Collectivité Léboue, qui se retrouva avec trois (3) Serigne Ndakaru (Alpha Diol, El Hadj Moussé Diop n°1 et le neveu de ce dernier Ibrahima Diop) ! Pour ne citer que cet exemple. 
Le Grand Serigne de Dakar assume, dans la hiérarchie des Grands Dignitaires lébous, un véritable rôle de Président de la République. Il est assisté dans ses tâches d’un "Ndéye Jiréw" (ministre de l’Intérieur, responsable de la propriété foncière), d’un "Saltigué" (ministre de la défense), d’un "Ndéyi Ndiambour" (Président des Assemblées consultatives), etc. Ces "Ndombal-tank" (autorités coutumières) constituent de véritables contre-pouvoirs qui font qu’un Grand Serigne de Dakar est loin d’être ce Grand Dignitaire omnipotent et autoritariste qu’on imagine. 

Il est fréquent qu’il soit fortement contesté, au point de devoir faire face à un, voire deux, alter-égo animant une dissidence ; ou même d’être destitué en plein mandat, comme ce fut le cas du fils et premier successeur de Dial Diop, Matar Diop (limogé par l’assemblée des "Ndiambour", suite à un grave différent ayant opposé la Collectivité Léboue au Damel du Cayor, Biram Fatim Thioub, en 1831).
La succession d’un «Serigne Ndakaru» défunt n’a jamais été de tout repos, en raison sans doute de la position d’influence qu’est sensé conférer le titre, dont le tenant a toujours été un interlocuteur privilégié du pouvoir central. L’autorité coloniale le consultait lors de la mise en œuvre de programmes de développement, touchant le foncier, l’agriculture, l’industrie... Il signait les traités préalables, au nom des cartels familiaux lébous, et offrait sa médiation en cas de litige entre le pouvoir et les grands propriétaires fonciers traditionnels de la Collectivité.

Après le rappel à Dieu, en 1985, de Momar Maréme Diop, la bataille de succession qui agita la famille léboue connu son épilogue lorsque, sur proposition de cinq dignitaires (sur sept), les 36 «Ndiambour» mandatés par les 12 «Pinth» entérinèrent le choix porté sur El Hadji Bassirou Diagne de présider aux destinées de la Collectivité Léboue. Ce, en dépit de sa réticence publiquement exprimée, parce qu’étant alors trop accaparé par le montage d’une société de pêche, avec de proches amis, dont l’ex-ministre de l’Intérieur Abdoulaye Fofana et l’ancien ambassadeur du Sénégal en Gambie Mbaye Mbengue. 

Mais les «vétérans» de la collectivité n’en avaient cure, particulièrement le «Ndéye Ndiambour» El Hadji Ismaila Guèye, le Conseiller coutumier auprès du gouverneur de Dakar El Hadji Mbaye Bineta Paye, le Grand notable et ancien député au Palais Bourbon El Hadji Abbas Guèye Notable, etc. Ils auront d’autorité «tordu la main» à l’homme d’affaire Bassirou Diagne, au motif que «c’est Ndakaru qui avait porté son choix sur lui. Et qu’il n’avait pas le droit de décliner». Et le 25 janvier 1986, les Prières et Bénédictions mystiques furent prononcées lors de la cérémonie tradition d’intronisation, au siège des «Ndiambours» (avenue Lamine Guèye angle Carnot), par le Cadi et Imam Ratib de Dakar El Hadji Maodo Sylla.
El Hadji Bassirou Diagne, qui relève de la lignée de Dial-Diop de par sa filiation maternelle, aura été le 4e Serigne Ndakaaru à ne pas être un «Diop», après les Grand Serigne Elimane Diol (1831-1855), d’ascendance toucouleur et descendant lui aussi de Dial Diop de par sa mère, et Alpha Diol, fils d’Elimane Diol, qui régna prés de 50 ans (1896-1942) ; sans oublier Matar Sylla, intronisé par une partie de la Collectivité Léboue, laquelle contestait l’autoritarisme du fils héritier de Dial, en 1831. 

Ainsi, l’histoire démontre à suffisance que le flambeau du «Serignat», incarnation par excellence des valeurs coutumières et de l’identité culturelle léboues, n’a jamais été la propriété d’une famille quelconque. Ce sont les Lébous qui, souverainement, se sont toujours donné la latitude de le confier à un des leurs, dés lors que celui-ci se montre digne de confiance et apte à défendre les intérêts matériels et moraux de la communauté. Ce qui témoigne encore une fois de la spécificité de cette communauté traditionnelle ancestrale, rebelle, dont la vitalité démocratique lui aura permis de résister à l’usure du temps et aux vicissitudes de l’histoire. 
El Hadji Bassirou Diagne avait une conception originale de son mandat de «Serigne Ndakaru». En plus de se faire volontiers l’avocat des faibles et des démunis, défenseur de la veuve et de l’orphelin, il se révéla également un infatigable militant du dialogue interreligieux, en sus de se faire l’insigne honneur, lors des crises scolaires ou syndicales, d’offrir sans ménagement ses bons offices - lesquels se sont, par la grâce de Dieu, tous couronnés de succès ! 

Durant la bonne quinzaine d’années qu’il m’échut de gérer sa communication, sur les 426 correspondances qu’il me revint l’honneur de lui rédiger, je dois à la vérité de dire, sans vouloir trahir de secret, que la presque totalité était constituée de bienveillantes intercessions auprès de diverses autorités administratives. Tantôt au profit de citoyens victimes d’injustice, tantôt pour le compte d’individualités en situation délicate. Quoique Chef supérieur de la Collectivité Léboue, il volait indifféremment au secours du Sérère, du Toucouleur, du Manding, du  Sarakolé, du Cap-verdien dans le désarroi. Aussi portait-il à merveille le manteau de «Médiateur social», dont l’affublait certains journalistes. 
Jusqu’au-delà de nos frontières, il n’hésitait pas à voler au secours de nos compatriotes en difficulté. Profitant du «Forum des Rois et chefs traditionnels d’Afrique», initié le 28 septembre 2008 par le Guide Libyen Mouammar Khadafi, le Grand Serigne de Dakar El Hadji Bassirou Diagne entreprît une médiation auprès des autorités libyennes pour qu’une issue heureuse fût trouvée à l’affaire des quarante-et-un (41) Sénégalais, incarcérés dans les geôles libyennes, pour immigration clandestine et divers délits mineurs. 

Le Grand Serigne dût titiller la fibre panafricaniste du leader libyen, en s’appropriant un passage significatif du discours que Khadafi prononça quelques heures plus tôt devant les chefs traditionnels, sur le «nécessaire démantèlement des frontières de nos micro-Etats, issues de la colonisation, afin de favoriser la libre circulation des personnes et des biens, premier jalon de la réunification de l’Afrique». Khadafi, sans doute flatté de constater que son discours avait fait des émules, ne se formalisa pas outre-mesure et accéda séance tenante à la requête d’El Hadji Bassirou Diagne. 
Saisissant l’opportunité d’une grande interview, sur les enjeux de la rencontre historique de Benghazi, avec le correspondant permanent à Tripoli de la télévision Qatari, Al Jazira, le Grand Serigne exprima toute sa gratitude, aux autorités libyenne, pour la grâce présidentielle, inespérée, qui venait d’être accordée aux immigrés clandestins sénégalais. Une bonne vingtaine d’entre-eux pu prendre place dans le même avion que notre délégation, les autres ayant décidé de regagner Dakar quelques jours plus tard. 

Avant de quitter Tripoli, je me fis le devoir d’envoyer par mail à toute la presse sénégalaise le communiqué (largement reprise dans leurs livraisons du 28 septembre 2008) dressant la liste nominative de nos compatriotes, et attestant de leur élargissement effectif, afin surtout de rassurer leurs familles respectives restée au pays.
C’est ce 25 mars qu’est honorée la mémoire et célébré les deux ans «d’absence» de celui qui aura élevé, pendant 27 ans de sacerdoce, la fonction coutumière de «Serigne Ndakaru» à un niveau de dignité et de respectabilité jamais atteint dans l’histoire de la Collectivité Léboue.

Mame Mactar Guèye
 Membre du Collectif des Cadres Lébous
Vice-Président de Jamra


3 Commentaires

  1. Auteur

    Question / Réponse

    En Mars, 2015 (18:46 PM)
     :-D  Pourquoi des communes léboues de Dakar ont même nom que des communes françaises ?



    Rufisque est portugais OK



    Mais Bargny et Yenne sont des communes de nom français , alors Pourquoi ?



    J’espère qu'il nya pas de descendants de l'union de jesus christ et Marie madeleine cachés dans ces deux communes au sénégal ? car en Egypte la descendante de jésus y est installée aussi !





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  2. Auteur

    Mataari Penda Djigueul

    En Mars, 2015 (19:04 PM)
    Qu'Allah swt t'accorde le paradis Firdaus, Diori codou borome beegne yakheu yayi baba Diagne.
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    Auteur

    Mots Croises

    En Mars, 2015 (22:31 PM)
    Un homme de bien, simple et chaleureux; que Dieu le garde dans sa miséricorde et sa lumière éternelle. Merci El Hadj pour le bienveillant intérêt que tu as su porter à ceux que tu as connus... RIP
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