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Jean-Claude COUTAUSSE, photojournaliste français : « Au Sénégal, les journaux ne donnent pas assez de place aux photos »

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Jean-Claude COUTAUSSE, photojournaliste français : « Au Sénégal, les journaux ne donnent pas assez de place aux photos »

Lauréat de plusieurs grands prix internationaux comme le prix Nièpce (Paris, 1993), le FotoGranPrix (Barcelone, 1996), Mother Jones Award (San Francisco, 1997), le Humanity Photo Award (Beijing, 2000) et le prix Roger Pic (Paris, 2000), Jean-Claude Coutausse partage à présent son temps entre le traitement de l'actualité pour le journal Le Monde, pour qui il a couvert le tremblement de terre à Port-au-Prince, les révolutions égyptiennes et libyennes et les deux dernières campagnes présidentielles françaises, et la réalisation de projets personnels tels qu’un portrait de la Terre sainte du XXIe siècle. Il se trouve présentement à Dakar pour participer à la formation des photojournalistes au Cesti, dans le cadre du Fonds d’aide à la presse.

Quel est le motif de votre présence au Sénégal, en ce moment ?
J’ai été contacté par Monsieur Ibrahima Sarr, directeur du Cesti, pour diriger, apparemment, ce qui est la première formation professionnelle pour les photojournalistes à Dakar.

Quelles sont vos impressions par rapport à cette première expérience ?
J’ai déjà dirigé plusieurs stages de photojournalistes en Afrique, d’abord à Bamako, en 1994, lors des deuxièmes rencontres avec des photographes qui venaient d’un peu partout en Afrique. J’avais aussi dirigé un autre stage au Bénin, en 2004. Là, il y avait 24 enfants qui étaient sortis de l’esclavage et on avait décidé de leur faire une formation en photographie. Donc, j’avais un peu l’expérience de la photographie en Afrique. Je n’ai pas été étonné. Ici, je tombe sur des gens qui sont de très bonne volonté, qui sont déjà professionnels, qui travaillent souvent avec très peu de moyens et qui ont une vision totalement différente de celle qu’on a de la photographie en Europe. Mais ici, les journaux ne donnent pas suffisamment de place aux photos. Durant ce stage, on a parlé d’écriture photographique. La photographie, cela veut dire écrire avec la lumière. On a travaillé sur la technique et comment, à mon sens, une photo pouvait être intéressante. Durant la deuxième semaine, on a travaillé sur comment raconter une histoire avec plusieurs photographies. Maintenant, ceux qui ont été les plus assidus savent comment raconter une histoire ou comment remplir une page photo. Il faudra que leurs journaux leur fassent une place pour que ce stage soit véritablement efficace.

Comment voyez-vous l’image photographique dans la presse sénégalaise ?
Je n’ai pas lu toute la presse, mais j’ai vu beaucoup de quotidiens dans lesquels on accorde beaucoup de place aux portraits. Je pense que ce serait mieux si on pouvait laisser un peu plus de place aux événements avec des photos plus larges, qui racontent. Ce qui aurait donné aux photographes la possibilité de s’exprimer autant que ceux qui ont écrit l’article. Je pense qu’en Afrique, la photo a encore beaucoup de place à conquérir.
De manière générale, comment voyez-vous la presse sénégalaise ?
J’aurais du mal à émettre un jugement parce que je n’ai pas beaucoup lu la presse. Mais sur le plan visuel, je trouve, encore une fois, qu’il faudrait donner un peu plus de place au photojournalisme.

Qu’est-ce qui manque le plus aux photojournalistes sénégalais ?


De la place ! Il y a des photojournalistes qui savent s’exprimer, mais il leur manque de la place dans les journaux. De même, une rédaction photo, au sein des organes, est absolument indispensable.

 Que pensez-vous du Cesti ?


J’avais déjà entendu parler du Cesti. Je pense que c’est une maison tout à fait respectable, estimable par son âge déjà et par le fait qu’il ait formé autant de journalistes. Je trouve très bien que le Cesti s’ouvre au photojournalisme.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant votre carrière de photojournaliste ?
J’ai assisté à beaucoup d’événements tels que la famine en Somalie en 1992, la guerre du Golfe, la chute du Mur de Berlin… J’ai aussi suivi récemment la campagne victorieuse de François Hollande. Mais ce qui a toujours été intéressant, sur le plan personnel, c’est d’abord de voir le monde et de le raconter avec des photographies. Je veux dire que tous ces événements sont aussi importants que ma démarche, c'est-à-dire de prendre l’avion pour aller les voir, pour y assister. On peut toujours citer les événements, mais ce qui compte, c’est de continuer à exister.

Vous avez couvert beaucoup de conflits. Quel est le secret pour un photojournaliste pour s’en sortir ?


Cela dépend dans quelle situation on se met. Mais ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas comparer les journalistes à ceux qui font la guerre. On n’est pas obligé de traverser une rue dangereuse ou d’aller dans un endroit où ça tire dans tous les sens. Quand il y a des accidents – lorsqu’un journaliste est blessé ou tué comme cela est arrivé, malheureusement, avec beaucoup de mes amis – on voudrait faire passer le journaliste pour un martyr. Mais par rapport à un soldat ou un civil, on ne peut pas comparer puisque nous on vient de notre propre gré. Il n’y a pas de secret. Il y a toujours des situations très différentes. L’expérience compte beaucoup pour se sortir de situations difficiles. C’est la curiosité qui nous pousse à aller dans le théâtre des opérations.

Vous avez décidé de ne plus présenter vos photos pour des prix. Pourquoi ?


Moi, j’ai eu beaucoup de prix, mais c’était soit mon épouse ou mon agent qui me poussait à me présenter. C’est une reconnaissance. Mais actuellement, il y a tellement de prix, c’est comme si on voulait compenser la crise de la presse par des prix. Je me dis que voir le monde, le raconter avec sa conscience, ce n’est pas une compétition. Chacun raconte avec sa conscience, son point de vue.

Finalement, quelle est votre vision du photojournalisme ?
Pour moi, le photojournalisme se confond avec le journalisme. Ce qui me guide, c’est ce désir de voir le monde et de le raconter.

Ibrahima SARR, directeur du CESTI : Le projet a été soutenu par l’Uemoa

Les photojournalistes participant au Fonds d’aide à la presse suivent, au Cesti, une formation à des modules tels que l’éthique et la déontologie, le droit à l’image, le droit d’auteur, la maîtrise de logiciels informatiques, etc. Selon Ibrahima Sarr, directeur du Centre d’études des sciences et techniques de l’information de l’Université de Dakar, ce renforcement des capacités des photojournalistes  a été soutenu par l’Uemoa. 


« Dans le souci de bien faire, nous avons demandé à l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) de nous accompagner dans le renforcement des capacités des photojournalistes. C’est dans ce cadre que nous avons fait venir M. Coutausse », explique Ibrahima Sarr, directeur du Cesti. En plus de l’écriture et les techniques photographiques, les photojournalistes participant au Fonds d’aide à la presse sont formés à d’autres modules tels que l’éthique et la déontologie, le droit à l’image, le droit d’auteur, les techniques d’archivage des images et la maîtrise de quelques logiciels informatiques tels que Photoshop. 

 C’est la première fois que la formation des photojournalistes est prise en charge dans la cadre du Fonds d’aide. En sémiologue, Sarr trouve qu’il est difficile de trouver dans la presse sénégalaise des photos parlantes, des images qui racontent une histoire. Il constate plutôt des portraits ou des images d’archives, alors que le photojournalisme crédibilise le discours. « Avec la quasi-disparition des studios de photos à Dakar, il est devenu difficile de trouver des lieux de formation. Maintenant, avec le numérique et l’introduction de la couleur, tout cela fait qu’on n’a plus besoin d’avoir une certaine technicité pour devenir photographe », indique Ibrahima Sarr. Il estime néanmoins qu’il y a quelques photographes de talent dans la presse sénégalaise.                                  

Propos recueillis par Seydou KA



3 Commentaires

  1. Auteur

    Borom

    En Mars, 2013 (23:52 PM)
    mais parce que les journalistes ne bougent pas, ils ne font que du copier coller.

    en plus certains d'entre eux mouillent dans des conspirations , la photo etant une preuve vivante ils ne peuvent la produire.

    qui conspire invente et ne peut pas avoir des preuves.

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  2. Auteur

    Médoune Khoulé

    En Mars, 2013 (18:46 PM)
    Bravo le CESTI. C'est une belle initiative. Un membre de la profession.
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    Auteur

    Ngané

    En Mars, 2013 (21:04 PM)
    c'est une très bonne initiative. il est temps ke la presse écrite au Sénégal soie révolutionner et aussi la mieux professionnaliser. Surtout donner plus d'espace aux photos, parce qu'il ya de très grands photojournalistes, mais ils n'ont malheureusement pas l'espace qu'il leur faut dans les rédactions.

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