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L'INSPECTEUR DE POLICE MAMADOU TOURE TUE AU DARFOUR : « Papa m'a appelé dimanche pour me demander de prendre soin de ma mère et de ma sœur »

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L'INSPECTEUR DE POLICE MAMADOU TOURE TUE AU DARFOUR : « Papa m'a appelé dimanche pour me demander de prendre soin de ma mère et de ma sœur »

L'inspecteur Mamadou Touré, ancien agent de la Direction des passeports et des titres de voyage (Dptv), membre de l’Union africaine et des Nations Unies au Darfour (Minuad), est décédé lundi au Darfour. Il fait partie des trois casques bleus tués lors d'une attaque menée par des éléments armés contre un camp de réfugiés à Zam Zam à environ 10 kilomètres au Sud d’El Fasher, capitale de l'Etat du Nord Darfour. Il laisse derrière lui une famille éplorée et deux filles inconsolables.

Depuis sa salle de classe à l’Ism (Institut supérieur de management), Gnima Kiré Touré qui suivait tranquillement un cours reçoit un message de son oncle qui tente de la consoler :«Ce qui est arrivé est du ressort de Dieu, il faut que tu sois forte.» Etonnée, elle compose le numéro de son oncle. Ce qu'elle entend, elle ne l'oubliera pas de toute sa vie : «Tu n'es donc pas au courant, ton père est décédé au Darfour.» Le ciel semble lui tomber sur ses frêles épaules. Le sol semble se dérober sous ses pieds. Elle essaie de rester forte, mais l'émotion la contraint. Mais ses larmes refusent de sortir. Elle a tellement mal que les larmes ne peuvent apaiser le sentiment qui la ronge. Elle sort en trombe de la salle de classe et prend la direction de sa demeure. Il est 15 heures passées de quelques minutes. Une de ses amies inquiète, la hèle. Elle lui annonce la mauvaise nouvelle : «Je viens de perdre mon père. » Son père Mamadou Touré, qui était parti en mission au Darfour, et que sa famille attendait avec impatience au mois d'octobre, reviendra dans un cercueil. La grande faucheuse l’a extirpé de leur affection, lui l'inspecteur de police qui était parti pour représenter dignement son pays à la mission de l'Union africaine et des Nations Unies au Darfour (Minuad). Une nouvelle qui a plongé sa famille et ses voisins dans l'émoi et la consternation. 

A Liberté 4 où vivait le défunt, l'ambiance est triste. Le silence lourd. La maison mortuaire est prise d'assaut par les parents, amis et sympathisants. Tous sont venus partager la douleur de sa disparition avec sa femme et ses deux filles, Gnima et Maïmouna. Comme s'il savait ce qui l'attendait, Touré (comme l'appellent affectueusement ses proches) avait envoyé sa femme dans son village natal, à Keur Socé, une localité de la région de Kaolack. En l'absence de leur mère partie à Kaolack avant-hier, sa fille aînée Gnima accueille les visiteurs. Emmitouflée dans une taille basse en Wax, la jeune fille de 21 ans, étudiante à l’Ism ne peut cacher son désarroi. De grosses larmes perlent sur ses joues. Avec un foulard noir, elle les essuie et avance avec émotion : «Mon père était très pieux, gentil. Il était un bon père de famille. Nous nous sommes vus la dernière fois au mois de mars. Il était venu en congé. Par la suite, on s'est envoyé des emails, il m'a donné des conseils et m'a demandé de bien m'occuper de ma sœur. Il nous obligeait à prier et nous avons même pris l'habitude de nous lever tôt pour sacrifier à notre dévotion. Il m'a appelé cette semaine pour me dire qu'il était derrière moi et qu'il me soutenait pour le mémoire que je dois écrire cette année. Il m'a demandé de prendre soin de ma mère et de ma sœur. Il nous avait dit qu'il viendrait pour la Tabaski et qu'il allait faire une surprise à tout le monde.» La surprise qu'il leur a faite est amère puisqu'il a, lui-même, été surpris par la grande faucheuse. 

 

«J'ai appelé papa et je suis tombée sur un autre» 

 

Maïmouna, la cadette de Mamadou, habillée d'un ensemble noir et blanc, pleure à chaudes larmes. Lorsqu'elle consent enfin à nous parler sur insistance de sa grande sœur, elle raconte qu'hier matin, des agents de la police sont venus à la maison. «Mais ils ne m'ont rien dit, car ils n'ont pas trouvé ma maman à la maison. J'avais des doutes et j'ai aussitôt pensé à appeler ma mère. J'avais peur, car ils ne voulaient rien me dire. J'ai appelé mon père et quelqu'un d'autre a décroché à sa place et m'a dit que je me suis trompée de numéro. J'ai insisté, il a raccroché. Je l'ai aussitôt rappelé et il n'a pas voulu décrocher. La troisième fois, il m'a dit qu'il s'appelait Tonton Fall et que c'était un ami de mon père. J'ai tout de suite eu un pressentiment. Les agents sont sortis de la maison en catastrophe prétextant qu'ils ont mal garé leurs voitures. Je les ai suivis et ils sont entrés dans la maison d'à côté, chez Tonton Dieng qui est notre voisin. En fait, ils voulaient parler à un adulte. Je les suivais toujours et j'ai demandé à l'un d'eux ce qui était arrivé à mon père. Il m'a demandé de regagner notre maison. Je me suis exécutée, il m'a suivie et m'a dit que mon père a eu un accident», raconte Maïmouna Touré. 

«Non ! Mon père ne peut pas mourir. Il m'a envoyé un message dimanche pour me demander de prier pour lui, de bien travailler, de prendre soin de ma mère et de ma sœur et qu'il allait revenir parce que je lui manquais beaucoup», se lamente-t-elle. De son père, Maïmouna retient qu'il était un marrant. «Il se moquait toujours de ma mère. Cela me faisait rire. Il demandait même à ma mère de danser avec lui devant nous, sans gêne, cela me faisait plaisir. (Elle observe un long silence). Mon père était le meilleur des pères du monde», jure-t-elle. 

 

La mosquée était sa deuxième demeure 

 

Un bon père, il l'était, mais Touré était aussi un bon frère. D'une voix empreinte d'émotion, son jeune frère, Seydina Oumar Touré, témoigne que le défunt «était très pieux et très gentil». «Il était le régulateur de la famille. Il aimait raffermir les liens dans la famille. Il était parti pour sa famille, il aimait ses enfants. J'étais en chantier et on m'a demandé de rentrer, car on n'avait besoin de moi à la maison. Je suis venu et j'ai trouvé les policiers devant chez moi. Les uns étaient en tenue, d'autres en civils. J'avais peur et je me demandais ce que j'avais pu faire pour que des policiers me recherchent. J'étais très inquiet. Et un de mes voisins a tenté de me rassurer en me disant que ce n'était rien de grave. J'ai demandé ce qui se passait, ils m'ont dit que Mamadou Touré a fait un accident et qu'il est décédé. Il était parti pour 6 mois, il devait terminer en octobre. La dernière fois qu'on s'est vu, il me parlait de la famille, il nous demandait de nous entraider, car nous étions tous pareils», raconte le frère du défunt. Ces bonnes relations et cette gentillesse remarquable, Touré les avait aussi montrées à ses voisins de quartier. Unanimes, les voisins jurent que «Mamadou était un bon voisin». Le vieux Ndao, ami et voisin de Touré, chapelet à la main, prie pour le repos de l'âme de son ami qui, dit-il, est mort dans la dignité. «C'était un homme très pieux. La mosquée était sa deuxième demeure. Chaque matin, on se croisait à la mosquée. Il était très ouvert et très disponible. Je n'en reviens toujours pas. Touré était un homme bien qui avait de bonnes relations avec tous ses voisins. Il a donné une bonne éducation à ses enfants. Cela fait longtemps qu'on ne s'est pas vu. J'ai demandé après lui, on m'a dit qu'il était en mission au Darfour. Nous habitons ensemble depuis longtemps, mais il n'a jamais eu d'histoire avec le voisinage. Nous aurions voulu encore le voir parmi nous», se désole M. Ndao. C'est oublier que dans ce monde, les meilleurs partent en premier. 



1 Commentaires

  1. Auteur

    Poulo Ba

    En Octobre, 2011 (07:39 AM)
    Que Dieu ait pitié de son ame et l'accueille au paradis

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