Les violences et abus sexuels freinent la scolarité des enfants à Saint-Louis

Les violences et abus sexuels à l’école figurent parmi les principaux freins à l’achèvement de la scolarité des enfants à Saint-Louis (nord), à cause des traumatismes générés et du manque de suivi psychosocial, selon divers spécialistes et acteurs du système éducatif sénégalais.

L’école qui devait être considérée comme cadre protecteur a tendance aujourd’hui à être considérée comme ‘’un danger’’, du fait des cas de viols suivis de grossesse qui impliquent souvent les enseignants.

‘’Il peut y avoir des complicités entre les jeunes enseignants et des filles encore mineures qui sont jamais portées à la connaissance des autorités académiques’’, explique Samba Laobé Diop, Inspecteur départemental de l’éducation (IDEN) de Saint-Louis.

En général, relève l’inspecteur, les enseignants qui sortent fraîchement des écoles de formation ne sont pas plus âgés que les élèves de Terminale, pour mettre en évidence ‘’les relations sociales de génération’’ qui peuvent se tisser entre éducateurs et élèves surtout au collège.

‘’Un garçon qui a 22 ans et une fille qui a 16 ans, c’est presque le même âge social. La formation de l’enseignant est très importante par rapport à ses devoirs, à ses limites et au comportement professionnel qu’il doit avoir à l’intérieur de l’école comme à l’extérieur de l’école’’, a-t-il souligné.

Les vacataires et volontaires, appelés les corps émergents du système éducatif, ont à peu près le même âge social que leurs élèves. Des grossesses ou des mariages précoces négociés peuvent s’en suivre.

Les faits se passent souvent en milieu scolaire, causant un frein au maintien des filles à l’école. Pourtant la loi interdit tout contact avec un mineur même avec son consentement. Mais, entre cette disposition légale et la réalité, il y a un certain écart.

La volonté de réussir coûte que coûte pousse certaines jeunes filles de moins de 16 ans à être de connivence avec leurs enseignants. Elles sont généralement précoces au plan physique. Aussi leur habillement ‘’sophistiqué’’ ou ‘’sexy’’ est stigmatisé.

Sur la question de l’habillement osé des filles souvent évoquée pour justifier l’attirance des filles sur les enseignants, l’inspecteur départemental de l’éducation de Saint-Louis estime que cela ne peut servir de prétexte ni de justification face à des actes d’abus sexuels.

‘’Il y a des libertés qu’il faut respecter sur les gens parce que les filles ont une manière de s’habiller actuellement. Mais, ce n’est pas une raison pour les harceler ou les violer ou pour commettre des abus sur leurs personnes’’, tranche Samba Laobé Diop.

‘’Le port vestimentaire n’est pas une raison d’amener les enseignants à adopter ce comportement’’, relève encore Yves Olivier Kassoka, spécialiste de la question de l’enfance à l’Unicef, interrogé sur le sujet.

En réalité, renseigne-t-il, ‘’là, on questionne toute la problématique de la formation de l’enseignant, la déontologie qu’il doit avoir et considérer que l’élève est dans une position de dominé et l’enseignant dans celui de domination. Forcément, cette élève est exposée à la volonté de réussir et d’affirmation parce que c’est la période d’adolescence’’.

M. Kassoka constate aussi que, dans les collèges de proximité, le phénomène est de plus en pus signalé avec les grossesses précoces et toutes les situations de violences faites à ces jeunes filles. Il souhaite la révision de la question de la formation des jeunes enseignants mais aussi, d’élever leur degré de maturité.

Pour la présidente régionale du Comité national pour la promotion de la scolarisation des filles à Saint-Louis (SCOFI), Aminata Kane Loum, ‘’les filles qui ne s’habillent pas de manière correcte peuvent inciter les gens à les violer’’, même si elle se garde d’en faire une excuse pour les coupables.

En outre, Mme Loum considère que l’élève qui quitte son village pour mener ses études ailleurs peut manquer de la couverture affective familiale mais aussi, de moyens pour vivre en ville.

Ainsi peut-elle être aidée par des personnes malintentionnées qui, en retour, font des pressions sur elle pour les abuser sexuellement.

‘’On voit des filles arriver en Cm1 ou Cm2, obligées de quitter l’école parce qu’elles ont été données en mariage et elles peuvent plus continuer leurs études’’, signale également la présidente régionale de la SCOFI de Saint-Louis.

‘’C’est l’un des facteurs les plus courants qui empêchent le maintien des filles dans la ville de Saint-Louis’’, assure l’enseignante.

Professeur de sociologie à l’Université de Saint-Louis, Gora Mbodji, soutient que ‘’l’apparence corporelle et la façon d’agir peuvent pousser les jeunes enseignants peu formés, de façon violente sur les filles’’.