Si le gouvernement sénégalais ne fait rien pour régler les problèmes des milliers de prisonniers qui y sont incarcérés, personne ne doit être surpris si demain la folie meurtrière de Rebeuss se reproduit dans les Maisons d’arrêt et de correction des autres régions du Sénégal. C’est l’intime conviction du droits-de-l'hommisme Malick Ciré Sy, membre de la Raddho. Dans cette interview exclusive accordée à SeneWeb, il décrit les maux des prisons non sans asséner ses quatre vérités à l’Etat mais également aux Ong. Entretien.
Plaidoyer pour une meilleure approche
« Il faut une autre approche dans la gestion des prisons au Sénégal parce qu’il y a une autre approche que les gens n’essaient pas de régler. Les gens ont toujours cette approche coloniale qui consiste à faire en sorte que le détenu purge sa peine et sorte ensuite. Ce qu’il faut, c’est surtout insister sur le volet de l’insertion sociale. Malheureusement tout ce qu’on entend ces temps-ci, c’est l’augmentation du taux de la pension alimentaire journalière. Ce qui pour moi, n’est pas tellement important.
Le plus important c’est de préparer la personne à la réinsertion sociale en permettant aux détenus n’ayant pas de métier d’en avoir un au cours de leur incarcération. À ceux qui ont des métiers, qu’on leur permettre d’avoir quelque chose à faire, un emploi qui puisse les occuper. Et malheureusement, le constat au niveau des prisons du Sénégal démontre que ceux qui ont été condamnés finissent par retourner en prison, généralement, à cause de l’échec du volet de la réinsertion sociale.
Conditions carcérales inhumaines
« Dans les prisons sénégalaises, les surveillants, l’administration pénitentiaire en tant que telle, n’a pas les moyens de sa politique. On trouve généralement un surveillant pour cinquante ou quarante détenus dans les prisons. Les prisons sont devenues des mouroirs parce que si les condamnés finissent de purger leur peine et sortent de prison, ils traînent très souvent des maladies et ils en meurent dans la plupart des cas.
Tous ces problèmes qu’on rencontre actuellement sont dus aux longues détentions préventives dans les Maisons d’arrêt et de correction du pays. On nous parle de rapprochement des sessions des chambres criminelles, mais on oublie que pour ces longues détentions préventives la plupart de ces gens ne savent même pas ce qu’on leur reproche.
Si vous prenez le cas de Thierno Badiane qui a passé neuf années de sa vie en détention préventive dans la prison de Diourbel, il a été libéré un beau jour parce que son dossier a été égaré. Et Thierno Badiane n’est pas le seul dans ce cas, il y’en a beaucoup.
Au Sénégal, la prison qui devait être une exception est maintenant la règle. Ce que font très souvent les magistrats, c’est enquête et arrestation. L’officier de police judicaire arrête l’individu et le met en prison tout simplement parce que c’est exactement ce qu’on lui a demandé.
Laxisme des Ong
« L’Observatoire des lieux de privation de liberté devrait travailler plus à visiter les prisons qu’à faire du tintamarre. Ce que j’appelle du tintamarre, c’est souvent ces sorties médiatisées. Mais l’Observatoire ne vient même pas les nuits dans les prisons, il n’a même pas de représentants dans les régions, encore moins au niveau des départements.
Souvent c’est l’Observateur qui sort avec ses ouailles pour dire qu’ils ont visité telle ou telle prison. À chaque fois, les gens savent à l’avance qu’ils vont débarquer pour visiter les prisons. Et là, des mesures sont prises à l’avance.
Le mieux c’était d’organiser des visites inopinées et penser à collaborer davantage avec les Ong de défense des droits de l’homme. Lesquelles Ong aussi dont je fais partie, ne jouent pas carrément leur partition. Ces Ong dénoncent plus qu’elles n’accompagnent, alors qu’elles devaient être plus présentes. Souvent les responsables de ces Ong disent qu’on ne leur permet pas de visiter les prisons alors que c’est faux. Et là je m’érige en faux parce que si on fait la demande, on est autorisé à visiter les prisons.
Les parlementaires interpelés
« Lorsque les députés visitent les prisons, ils n’entrent même pas dans les cellules. Ils se contentent seulement de l’exposé du directeur de la prison et d’un détenu qui a été bien « préparé » à l’avance par l’administration pénitentiaire pour parler au nom de tous ses camarades.
En résumé il faut qu’on sache que les citoyens qui sont dans les prisons ont des droits reconnus par les Nations Unies. Et à ce fait l’Etat, mais aussi les Ong devraient changer leur approche. Mais surtout l’Etat doit construire des prisons.
Si on prend l’exemple de la prison de Diourbel qui existe du temps de Basile Senghor qui était le premier ministre de la Justice de l’ancien Président Me Abdoulaye Wade, beaucoup de promesses ont été faites pour son désengorgement. On nous a plusieurs fois parlé de déplacer cette prison qui se trouve en plein centre-ville, ce qui n’a jamais été fait. Les ministres Basile Senghor, Mame Madior Boye, jusqu’à Aminata Touré, tous l’ont promis mais en vain. Si vous partez à Tamba et partout, c’est la même chose.
D’autres mutineries dans d’autres prisons
« Si rien n’est fait, ce qui s’est passé à Dakar avec la mutinerie meurtrière de Rebeuss, peut à tout moment se reproduire dans n’importe quelle prison du Sénégal. Parce qu’il s’agit tout simplement de problème de cohabitation et même de survie.
Si vous faites la moyenne d’âge, les détenus ont entre 25 et 40 ans. Vous ne savez même pas pour quoi vous êtes poursuivi. Parfois c’est pour un joint, parois un vol de chèvre, etc. Et ce qui est révoltant, si vous avez des parents ou amis hauts placés, et que vous développez une maladie on vous sort de prison.
S’il n’y a pas une nouvelle approche, et là je pèse bien mes mots, ce qui s’est passé à Rebeuss va se passer à Diourbel, à Koutal, à Thiès, à Tamba et partout au Sénégal parce que les gens ne peuvent pas rester éternellement en prison sans être juger. »
12 Commentaires
Anonyme
En Septembre, 2016 (16:41 PM)Anonyme
En Septembre, 2016 (16:43 PM)PRISONS : Que faut-il faire pour désengorger les prisons et éviter les longues détentions préventives ? Comment éviter une nouvelle mutinerie dans les prisons au Sénégal ?
La solution ce n'est pas seulement de construire de nouvelles prisons, mais d'abord de rendre la vie des détenus plus humaine au point de vue nourriture, santé, vie sociale. Mais les ONG et aumôneries ont de plus en plus de mal d'avoir des autorisations d' entrer dans les prisons. Ce sont les prisonniers qui en subissent les conséquences
De décriminaliser l'usage du yamba. C'est cela qui,remplit les prisons
Anonyme
En Septembre, 2016 (16:46 PM)Anonyme
En Septembre, 2016 (16:49 PM)De donner des moyens au personnel de la Justice pour juger rapidement les gens arrêter, et exiger qu'ils fassent leur travail sans trainer, et sans des renvois incessants au tribunal
Anonyme
En Septembre, 2016 (17:07 PM)Anonyme
En Septembre, 2016 (19:43 PM)Anonyme
En Septembre, 2016 (22:31 PM)Anonyme
En Septembre, 2016 (03:39 AM)Anonyme
En Septembre, 2016 (08:40 AM)est une bonne solution.
Anonyme
En Septembre, 2016 (12:03 PM)Anonyme
En Septembre, 2016 (16:22 PM)Anonyme
En Septembre, 2016 (17:10 PM)Participer à la Discussion