Combattants auprès des troupes françaises, les tirailleurs sénégalais sont aujourd'hui nombreux à réclamer leur naturalisation, en vain. Aïssata Seck, maire adjointe à la mairie de Bondy, demande aujourd'hui à ce que ce droit leur soit reconnu. Elle explique sa démarche.
Mon grand-père, lui-même tirailleur sénégalais, a servi dans l'armée française pendant la guerre d'Indochine. Je connaissais vaguement l'histoire de ces hommes, mais m'y suis réellement intéressée lorsque j'ai rencontré la trentaine de tirailleurs sénégalais qui vit à Bondy, en Seine-Saint-Denis. Je les croisais tous les jours dans la ville, mais je ne les voyais jamais aux commémorations organisées par la mairie. Je me suis alors demandée si c'était une volonté de leur part ou s'il y avait une autre raison à cela. En réalité, personne de la municipalité ne savait qu'ils étaient d'anciens combattants.
Absents des listes des associations de Bondy, ces hommes âgés de 77 à 90 ans ont finalement reçu une médaille en 2010, symbole de leur engagement auprès des troupes françaises. Cependant, la nationalité française leur a été refusée, comme c'est le cas de près d'un millier d'autres tirailleurs sénégalais en France. Aujourd'hui, il faut que cela change.
"Le Sénégal est mon père et la France est ma mère"
A travers la pétition, je demande que tous ces anciens soldats qui vivent sur le territoire français puissent être naturalisé s'ils le souhaitent. Sans cette nationalité, l'Etat français leur impose de rester sur le territoire six mois par an. Obligés de pointer à intervalle régulier, comme le feraient des délinquants, ils perdent automatiquement leur pension d'ancien combattant s'ils se signalent en retard. S'ils étaient français, cela ne leur poserait aucun problème. Mais, au-delà de cet aspect pratique, le plus difficile à accepter pour eux est la dimension symbolique.
Tous sont extrêmement attachés à la France. Ils le disent souvent: "le Sénégal est mon père et la France est ma mère". Ils portent fièrement leurs médailles, parlent parfaitement le français et connaissent l'histoire nationale mieux que quiconque -je m'en étais notamment rendu compte lors d'une visite à l'Assemblée nationale, car ils répondaient à toutes les questions du guide.
Un manque d'égard de la part des administrations
Je suis quotidiennement ces personnes dans leurs démarches administratives. Sur les 30 dossiers de demande de naturalisation que j'ai envoyé, 29 ont été refusés en raison de documents manquants: actes de naissance de leurs parents et grands-parents, présence de l'épouse (rarement sur place en raison des conditions dans lesquelles ils vivent)... Et ce, quand bien même ils disposent de tous leurs documents d'identité et qu'ils touchent une pension d'ancien combattant.
A ces contraintes s'ajoute l'humiliation. Celle de devoir prouver leur niveau de français en passant des tests sur ordinateurs, malgré leur grand âge, mais aussi d'être traité avec très peu d'égard par les administrations. On leur parle comme s'ils ne comprenaient pas la langue, ils sont très peu considérés. Ils se disent: "s'ils savaient ce que j'ai fait pour qu'ils soient là aujourd'hui, ils me parleraient autrement".
Cette histoire nous concerne tous
Ces dossiers ne peuvent plus être gérés à titre individuel. Depuis le début de cette action, des élus d'autres villes m'ont contacté pour me dire qu'ils rencontraient les mêmes difficultés chez eux. Cela doit être résolu collectivement et entendu par l'opinion et les pouvoirs publics. Nous bénéficions d'ailleurs de nombreux soutiens: le président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone, plusieurs députés, mais aussi des personnalités du monde associatif et des artistes engagés tels qu'Omar Sy et Jamel Debbouze.
Cette histoire nous concerne tous, nés en France ou à l'étranger: ces hommes ont permis la libération de notre pays, ils ont été mis en première ligne sur le front (d'où leur surnom de "chair à canon"). Lorsqu'ils ont été envoyés au combat, personne ne leur a demandé tous ces documents administratifs. Pourquoi le faire aujourd'hui?
6 Commentaires
Anonyme
En Novembre, 2016 (17:31 PM)Anon
En Novembre, 2016 (17:42 PM)Anonyme
En Novembre, 2016 (18:49 PM)Xxx3
En Novembre, 2016 (20:31 PM)Salsa91
En Novembre, 2016 (23:11 PM)Anonyme
En Décembre, 2016 (18:16 PM)Participer à la Discussion