Touba, 25 fév (APS) - L’ombre du défunt khalife général des mourides, Serigne Saliou Mbacké plane sur la 113-ème édition du grand magal de Touba qui sera célébré mardi, moins de deux mois après sa disparition à 92 ans.
En plus des posters géants de Serigne Touba, le fondateur du mouridisme et d’El Hadji Bara Mbacké, l’actuel guide de la confrérie, ceux de Serigne Saliou trônent majestueusement aux quatre coins de la mosquée. Avant, les posters de Serigne Touba et ceux du khalife régnaient exclusivement en maître.
‘’Rien n’a changé ici. Au contraire, les choses se sont bonifiées. Les saints, les hommes de la trempe de Serigne Saliou ne disparaissent pas, ils se cachent. Et avec Serigne Cheikh et Serigne Moustapha Saliou Mbacké, il a laissé des héritiers qui sont vraiment à la hauteur", affirme, après un moment d’hésitation, Baye Ndiaye. L’air très serein, ce vieux talibé venu de la maison Serigne Touba de Tambacounda était assis un peu à l’écart dans la demeure du regretté khalife.
Ici, les talibés entrent et ressortent de la concession en flots continus. Comme dans un circuit prédéfini, ils s’arrêtent à quelques exceptions près sous le grand caïlcédrat implanté au milieu de la cour. Après un immanquable coup d’œil dans tous sens comme pour s’assurer qu’on est bien chez Serigne Saliou, certains, par curiosité ou par nostalgie, s’agrippent aux grilles de la grande salle dénommée "Touba Belel". Ils regardent un long moment à l’intérieur, donnant l’impression de tenter désespérément d’apercevoir le défunt khalife.
Malgré les semaines qui se sont écoulées depuis la disparition de Serigne Saliou, l’émotion reste encore palpable chez certains talibés rencontrés dans la demeure du défunt khalife. Le vide créé par l’absence de Serigne Saliou semble prendre le dessus sur la présence de ces disciples qui, même nombreux, restent toujours perdus.
Spontanément, certains talibés prennent place à même le sol, d’autres comme un rituel obligatoire s’efforcent de toucher le grand caïlcédrat ou d’arracher ses écorces pour les mâcher. Une pratique qui s’est toujours faite du vivant de Serigne Saliou mais autrement plus symbolique voire consolatrice aujourd’hui.
‘’Nous ne connaissons qu’ici. Mon mari est un talibé de Serigne Saliou depuis très longtemps. C’était à Mbour avant même qu’il ne soit khalife. Le seul regret c’est de ne plus le voir mais rien n’a changé’’, estime pour sa part, Ngoné Ndiaye, une Mbouroise d’âge mûr adossée sur ses bagages entassés sur le flanc est de l’entrée principale.
Cette confiance ou cette foi en l’avenir presque partagée par toutes les personnes interrogées semblent traduire un fait : les talibés ont encore du mal à faire le deuil de Serigne Saliou tant il était présent dans le cœur des mourides et même au-delà.
Outre les posters géants et le détour presque obligé des talibés chez le regretté khalife, l’érection à l’ouest de la maison de Serigne Saliou des grandes tentes préfabriquées et la diffusion en boucle de fortes décibels de "khassaides" comme par le passé renseignent sur l’attachement de la communauté à cette icône du mouridisme. Les membres du mouvement Isbutarkhiya ont déplacé leurs installations vers la demeure du nouveau khalife mais la branche de Darou Khoudoss dirigée Lamine Sèye a repris le flambeau pour redonner vie à ce coin qui a été le point nodal du magal 17 ans durant.
‘’C’est la volonté divine. Il n’y a jamais de vide à Touba où tout progresse chaque jour. Maintenant, nous ne faisons que suivre celui qui est à la tête de la communauté’’, concède la dame Khady Ndione, interrogée après un profond moment de recueillement sur le mausolée de Serigne Saliou où les pèlerins défilent dans deux longues queues séparées entre hommes et femmes.
Pour ce 113ème magal, ce lieu est parti pour être un point obligé du pèlerinage surtout pour les émigrés qui avaient assisté de loin à la disparition du cinquième khalife de Touba. Au pas de la porte d’entrée du mausolée entourée d’une palissade en chaume, un talibé désigné ou qui s’est astreint lui même à la tâche asperge les talibés de parfum et appelle les disciples à prier pour le repos de l’âme du Serigne Saliou. Comme pour les nouvelles photos qui sortent de plus en plus avec la légende "Serigne Saliou Mbacké : yalna Yalla yok léram".
Malgré les difficultés de la communauté à faire le deuil, ce glissement sémantique atteste qu’on ne saurait trop longtemps vivre dans le passé : on est bel et bien à l’ère des petits-fils ouvert depuis 28 décembre dernier par El Hadji Bara Mbacké.
MD/SAB
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