Dans une société comme la nôtre, être dans l’incapacité d’enfanter se résume souvent à une vie de honte, d’humiliation… Ce n’est pas un sujet dont on parle librement. C’est souvent un secret bien gardé dans la famille. Le sentiment de culpabilité et la perte du statut social sont difficiles à supporter et conduisent à un isolement qui fragilise la vie du couple. Incursion dans l’intimité des couples frappés d’infertilité !
Cela fait bientôt quatre années. Quatre longues années qu’ils se sont dit oui «pour le meilleur et pour le pire». Les deux premières ont été attendrissantes, joyeuses, palpitantes. Bref, ces deux années ont été vécues avec beaucoup de bonheur par les deux tourtereaux. Mais les deux suivantes ont été froides, tristes, émotives… Une situation causée, selon l’épouse, N. F. S, par l’absence d’un rejeton. Un enfant tant attendu mais qui tarde à venir. Seulement, la responsabilité de cette situation d’infertilité n’est pas partagée. N. F. S qui a accepté de nous confier sa douleur ne fait pas dans la langue de bois. «J’ai été stigmatisée, pointée du doigt comme étant l’unique responsable de ce dysfonctionnement», narre-t-elle avec amertume.
Comme le font de nombreux jeunes couples sénégalais, après son mariage, c’est dans la famille élargie de ses gendres que N. F. S a vécu avec son époux. Une grande famille où se côtoient cousins, cousines, oncles, tantes, frères et sœurs du mari… Sans compter les gendres qui sont au nombre de trois. C’est dans cette famille de près d’une bonne douzaine de personnes que N. F. S a vécu et continue de vivre son «amour» avec son époux. Et elle continue de vivre le martyre. «J’ai vécu les pires humiliations de ma vie dans cette famille. Ce sont des quolibets et des invectives qu’on me jette à longueur de journée par la faute de l’absence d’un enfant», se désole N. F. S. Pis, narre notre interlocutrice, «je suis ballottée d’un charlatan à un autre par la mère de mon époux, à la recherche d’une formule miraculeuse qui me ferait enfanter». Des marabouts, elle en a déjà rencontré une bonne dizaine. Et à chaque marabout, sa portion magique, soit à ingurgiter soit à boire ou pour faire un bain. «C’est moi qui suis pointée du doigt, c’est moi qui prends le traitement et les prières des charlatans, des marabouts et non mon époux», se désole-t-elle. Quid de la Procréation médicalement assistée ? Etant analphabète, N. F. S avoue ne rien connaître de ce traitement. Toutefois, malgré ce dysfonctionnement qui sape le fonctionnement de son couple, son époux, enseignant dans le cycle élémentaire, la comprend et la soutient contre les attaques «incompréhensibles». Pour une femme, vivre sans pouvoir avoir un enfant est plus que compliqué dans une situation où les hommes sont souvent épargnés dans ce genre de situation. C’est, en fait, la femme qui porte le blâme et la honte d’un couple infertile même si la cause est parfois masculine.
Selon la néphrologue, Dr Rokhaya Thiam Bâ, «la pathologie peut provenir soit de l’homme soit de la femme». «La confusion entre virilité et fertilité fait que l’annonce d’une infertilité masculine est très perturbante pour l’homme avec une remise en cause du sens de sa vie et une dévalorisation de lui-même. Le plus souvent, l’homme ne s’y attend pas, tous les regards étant toujours tournés vers la femme», fait remarquer la spécialiste de la procréation médicalement assistée.Contrairement au couple cité plus haut, Monsieur et Mme Dieng sont des personnes instruites. Ils disposent chacun d’un emploi. L’époux est cadre dans une importante direction de l’Etat. L’épouse, elle, est assistante de direction dans une prestigieuse boîte de la place. Loin de la famille, ils ont aménagé dans un appartement à Liberté 6 Extension. Voilà plus de 6 ans qu’ils ont échangé les anneaux. Ils sont certes heureux, mais ce bonheur est perturbé par l’absence d’un enfant tant désiré.
Parce que, jusqu’à présent, ils ne parviennent pas à enfanter malgré les traitements subis chez les gynécos et le traitement des guérisseurs ou charlatans consultés. Instruits et cadres de surcroît, M. et Mme Dieng se comprennent car ils savent que le problème peut être du côté de la femme comme de l’homme. Conséquence : ils vont ensemble aux consultations. M. Dieng qui a accepté volontiers de se prêter à nos questions trouve les mots justes pour dédramatiser la situation. «En bon croyant», il met sa situation sur le compte du destin et de la volonté divine. Interpellé sur le traitement que propose la procréation médicalement assistée, notre interlocuteur dit n’avoir jamais eu connaissance de l’existence de ce traitement au Sénégal. «J’ai entendu en parler à la télévision. Et c’est pratiqué dans des pays développés comme la France ou les Etats-Unis, mais je ne savais pas que ce traitement existe au Sénégal.» Son couple étant bien organisé avec des décisions et des orientations qui se prennent toujours à deux, M. Dieng a promis de discuter de la Pma avec son épouse.
OBSTACLE FINANCIER A LA PMA : Quand un enfant «coûte» deux millions de francs
Selon la gynécologue et spécialiste en néphrologie, Dr Rokhaya Thiam Bâ, «on considère qu’un couple est infertile quand il n’obtient pas une grossesse après un an de rapports sexuels normaux, réguliers et non protégés». «La fertilité du couple dépend de l’aptitude de chacun des deux partenaires à procréer», souligne-t-elle. Cette situation exposée par la spécialiste en néphrologie touche de nombreux jeunes couples sénégalais. Des couples qui veulent pourtant procréer. Mais, à cause d’un dysfonctionnement, ils ne peuvent le faire. Bonne nouvelle : la pathologie peut être traitée maintenant au Sénégal, notamment dans certaines structures privées de santé. Seulement, ce sont les moyens financiers qui, le plus souvent, posent problème. Les patients sont obligés de débourser pas moins de 2 millions de francs Cfa pour espérer enfin avoir un enfant.
«Dans un couple infertile, explique Dr Rokhaya Thiam Bâ, la cause peut concerner la femme dans le tiers des cas, l’homme dans l’autre tiers des cas. Et dans le dernier tiers la cause est mixte. C’est pourquoi la prise en charge d’un couple infertile doit concerner les 2 partenaires.». Pour la néphrologue Dr Bâ, par ailleurs chargée de la communication du Groupe interafricain d’étude, de recherche et d’application sur la fertilité (Gieraf), «la lourdeur financière est une barrière à la diffusion de ces techniques». «Elle (La Pma, Ndlr) n’est pas à la portée de tous les couples qui en ont besoin et même dans les cas où les moyens existent, le problème se pose quand il faut répéter les tentatives», souligne Rokhaya Thiam Bâ. D’où ce plaidoyer : «Il faut développer l’Amp (Aide médicale à la procréation) en Afrique pour permettre aux couples qui en ont les moyens d’éviter de devoir se rendre à l’étranger pour le faire ; ce qui signifie moins de stress en restant avec leur famille, en conservant leur emploi et en réduisant les frais.»
L’Etat promet une subvention
Les couples exposés au douloureux problème d’infertilité peuvent d’ores et déjà espérer voir le bout du tunnel. Durant le Congrès du Gieraf tenu récemment à Dakar, l’Etat du Sénégal, par la voix de son ministère de la Santé et de l’Action sociale, a annoncé une subvention sur le traitement de ce mal qui empoisonne la vie de nombreuses femmes. Le ministère de la Santé et de l’Action sociale est, d’ailleurs, en train de réfléchir à la mise en place d’un cadre juridique et d'un plateau technique, mais aussi à d'autres mesures de nature à favoriser au Sénégal la procréation médicalement assistée. Le secrétaire général du ministère de la Santé qui en a fait l’annonce souligne que «les pouvoirs publics ne doivent pas être indifférents aux drames quotidiens que vivent les personnes frappées d'infertilité». «La procréation médicalement assistée est d’actualité et le ministère est en train d’y réfléchir», a indiqué M. Mbaye lors de l’ouverture du congrès du Groupe interafricain d’étude, de recherche et d’application sur la fertilité (Gieraf) qui s’est tenu du 13 au 16 février dernier à Dakar. Non sans souligner que «les compétences techniques et scientifiques de cette forme de procréation existent au Sénégal. Mais, il faut prendre des mesures d’accompagnement capables de faciliter l’accès, du point de vue technique et financier». «La réflexion continue dans ce sens», a assuré M. Mbaye.
PMA ET ETHIQUE : Pour que les enfants naissent dans les règles de l’art
Ethique, éthique et éthique. Les professionnels de la santé ne cessent d’insister sur la nécessité de respecter les valeurs morales dans le cadre de la Procréation médicalement assistée (Pma). C’est que les personnes visées par la Pma sont tellement dans le désarroi qu’elles peuvent être des cibles faciles pour des marchands d’illusions peu scrupuleux. «L’infertilité est douloureusement vécue au sein du couple et dans la société», laisse entendre le secrétaire général du ministère de la Santé et de l’Action sociale, M. Mbaye. Qui souligne que «l’infertilité est source de chagrin, de frustrations, de culpabilisation, de stigmatisations, de violences conjugales et d'ostracisme». Pour la femme en particulier, explique M. Mbaye, «l’infertilité l’expose très souvent à l’opprobre. Elle fragilise l’équilibre de sa vie conjugale». D’où le déploiement des nouvelles techniques pour lutter contre l’infertilité. Au Sénégal, cela s’est traduit par l’arrivée de la Procréation médicalement assistée (Pma). Mais, l’introduction de cette nouvelle technique appelle à une certaine éthique.
C’est pour cela qu’Ernestine Gwet-Bell, la présidente du Groupe interafricain d’étude, de recherche et d’application sur la fertilité (Gieraf) qui s’exprimait lors de l’ouverture d’un congrès tenu au mois de février à Dakar, a signalé que la Procréation médicalement assistée a ses limites et fait appel à une éthique. «Il ne faut pas que n’importe qui se mette à faire de la procréation médicalement assistée, parce qu’il faut une formation et des règles éthiques», avait-elle indiqué. Avant de préciser : «Le Gieraf a élaboré un guide des bonnes pratiques qui a été remis aux Etats. Nous pensons que ce guide permettra de voir comment pratiquer cette forme de procréation dans les règles de l'art et le respect de son éthique.»
OUSTAZ ASSANE DIOUF, CHEF DU DESK RELIGIEUX DE WALF TV : «Une lame à double tranchant»
«Avoir des enfants contribue à perpétuer la famille et à la renforcer au sein de la communauté.» C’est en tout ce que croit Dr Rokhaya Thiam Bâ, spécialiste en néphrologie. Elle parle, d’ailleurs, d’«un enjeu considérable qui doit pousser les soignants à accorder une attention particulière à l’Aide médicale à la procréation (Amp)». «D’autant que, croit-elle savoir, la religion ne l’interdit pas quand les gamètes sont du couple.» Mais qu’en pense vraiment la religion ? Pour Oustaz Assane Diouf, chef du desk religieux de la chaîne de télévision privée Walf Tv, le problème devrait être abordé à deux niveaux. Il explique : «S’il s’agit d’un couple uni selon la charia et la sunnah du prophète Mahomet (Psl), l’Islam dit que ces couples, qui ne peuvent procréer, peuvent bénéficier de cette opportunité pour espérer avoir des enfants. Pour ce qui est maintenant de l’implantation du sperme d’une autre personne autre que celui de l’époux légitime et légal, l’islam ne saurait approuver le procédé.» Et Assane Diouf d’ajouter : «L’islam accorde beaucoup d’intérêt à la conservation de la progéniture.»
Toutefois, note le réalisateur de l’émission «Diiné ak Jamono» sur Walf Tv, «si c’est le mari qui est malade, le divorce peut être prononcé pour permettre à la femme de chercher un autre homme». Et d’avertir : «La procréation médicalement assistée est une lame à double tranchant. S’il y a des difficultés dans le déroulement normal des choses pour l’époux comme pour l’épouse ou s’il y a des complications à procréer, ce mode de procréation peut se faire en se basant sur les gamètes du couple. Cette technique ne doit pas se réaliser si la voie naturelle est encore possible.» «Parce que, en ce moment, souligne-t-il, ce ne sera plus une opportunité, elle est alors prohibée par la religion musulmane.»
Magib GAYE
23 Commentaires
Fama
En Mars, 2013 (05:01 AM)J En Sais Quelque Chose
En Mars, 2013 (05:35 AM)Scorpionje
En Mars, 2013 (05:55 AM)Omis defekt Moin de Problem
Ama
En Mars, 2013 (06:59 AM)6583374kébé
En Mars, 2013 (08:47 AM)Loloulaguiss
En Mars, 2013 (08:52 AM)Fdf
En Mars, 2013 (09:11 AM)LI SOUGNOU BOROM YA ALLAH SOUBAHANAHOU WA TALLA MAYE MO SEDELOU
La Noirde
En Mars, 2013 (09:33 AM)6583374kébé
En Mars, 2013 (10:17 AM)Fdf
En Mars, 2013 (10:31 AM)Kemite31
En Mars, 2013 (10:48 AM)Femmestérille
En Mars, 2013 (11:34 AM)Gfdjjg
En Mars, 2013 (12:01 PM)Volai414
En Mars, 2013 (12:19 PM)Près de quarante ans après, les paroles de la chanson d’Ablaye M’boup restent d’actualité : « gni mana n’gong amou m’bam ». Il y a à peine quelques jours, nous avons vécu un douloureux évènement qui en dit pourtant long. De nombreux sénégalais font une flopée de garnements dont ils ne savent point s’occuper et en font de vulgaires et malheureux talibés livrés aux vices d’adultes enturbannés qui ne méritent guère le qualificatif d’humain. En même temps, nous continuons de pointer du doigt les femmes qui ont du mal à enfanter. Nous leur faisons payer un sort qu’elles n’ont point choisi.
Qu’est ce qui est vraiment important : faire des enfants ou rendre heureux des enfants ?
Les hommes sont ceux qui en souffrent peut-être le moins mais ceux qui devraient le plus réagir.
Quel homme digne de ce nom accepte que ces proches reprochent à sa femme de ne pas être capable de donner de rejeton ? Les lâches.
Que je sache, d’autres sociétés sont également concernées par l’infertilité mais ont des réactions beaucoup plus intelligentes (comme toujours) que les nôtres. Si les autres trouvent des solutions et pas nous cela veut tout simplement dire que nous sommes nuls à en chier.
Si mon couple devait se trouver confronté à une telle situation, je ne laisserais personne, ni père ni mère, faire souffrir celle qui m’accompagne. Je discuterais avec elle de ce qui peut être raisonnablement fait si mon désir de descendant est fort. Des solutions, il y en a plein mais les sénégalais sont trop hypocrites pour les affronter.
Volai414
En Mars, 2013 (12:21 PM)Si mon couple devait se trouver confronté à une telle situation, je ne laisserais personne, ni père ni mère, faire souffrir celle qui m’accompagne. Je discuterais avec elle de ce qui peut être raisonnablement fait si mon désir de descendant est fort. Des solutions, il y en a plein mais les sénégalais sont trop hypocrites pour les affronter.
Rimka
En Mars, 2013 (12:24 PM)Haine
En Mars, 2013 (12:48 PM)Tristesad
En Mars, 2013 (13:09 PM)Old Fashion
En Mars, 2013 (13:12 PM)Oip
En Mars, 2013 (13:13 PM)(6583374kébé
En Mars, 2013 (14:30 PM)@tristesad
En Mars, 2013 (18:44 PM)6583374kébé
En Mars, 2013 (19:58 PM)Participer à la Discussion