LA RETRAITE
«Une importante décision a été prise en réunion de bureau de l’écurie de Fass, concernant l’avenir de Tapha Guèye. Mais pour le moment, elle est tenue secrète. Lui seul est habilité à en parler et ce sera face à la presse. Probablement vendredi. Il abordera toutes les questions liées à sa carrière. Quelqu’un (Gaston Mbengue) est venu nous voir pour un combat le 25 juillet contre Eumeu Sène, mais nous ne pouvons rien dire.» En réalité, Tapha Guèye devra officialiser son départ pour se consacrer, le reste de la saison, exclusivement à la préparation du combat de son successeur contre Yékini le 26 juillet. Il ne veut pas embarquer Fass dans deux évènements dont l’un risque de porter préjudice à l’autre. Et nul n’ignore la grande importance qu’il accorde à la carrière de Gris Bordeaux. Par conséquent, Tapha Guèye ferait ses adieux au plus tard…vendredi.
UN GRAND JUBILE
Les mêmes raisons, qui ont poussé le Tigre de Fass a décliné un troisième combat cette saison, ont été évoquées par une source très proche du lutteur pour dire l’impossibilité de la tenue de cet événement majeur : le jubilé. «On le fera, mais pas cette année. C’est trop juste, surtout avec le combat de Gris Bordeaux qui est très important pour l’écurie qui fait qu’on ne peut pas allier les deux : le jubilé et le combat. Nous ferons un grand jubilé l’année prochaine», nous souffle à l’oreille une personne très influente dans l’écurie de Fass.
LA RECONVERSION
Bénéficiant d’une grande notoriété au sein de l’écurie, Tapha Guèye pourra succéder à son frère au poste de directeur technique. Il a de l’influence sur les lutteurs et un bagage technique pour relever ce défi : aider son camp mal-en-point à rester solide, même après son départ. Une autre possibilité s’offre également à lui : celle de promoteur. Durant sa carrière, il s’y est essayé sous la bannière de sa structure «Tiger Production». Titiller le septième art (comprenez, jouer des films) a aussi toujours été sa passion. Comme en atteste sa participation, aux côtés de Mohamed Ndao Tyson, dans le film «L’Appel des Arènes».
FLASH-BACK
Deux coups de pagaie à gauche, autant à droite, le visage aspergé de lait, le Tigre fait son traditionnel show. Le dernier. Tout Fass fait bloc derrière Tapha. Même le président Momar Ndiaye, qui était hors du pays, est revenu au bercail. Idem pour Moussa Gningue qui a défié sa santé pour achever son œuvre. Ce jour, le 3 mai, le lutteur s’est préparé à tout sauf à perdre. Dans sa tête, il devait venir «attaquer, cogner et gagner». Malheureusement, il a attaqué, mais n’a ni cogné, encore moins gagné. Balla Gaye 2 l’a défait. Une deuxième défaite consécutive. Celle de trop. Un revers qui vient s’ajouter à deux années blanches et un nul devant Yékini. La fin de saison du Tigre a été un cauchemar sans fin. D’ailleurs, il en était ainsi à une certaine époque de sa carrière. Car depuis l’avènement de Tyson et de sa génération, Tapha Guèye n’a jamais réussi à s’imposer devant les lourds. Même si certaines de ses défaites ont eu un goût de victoire. Ce fut le cas devant Mouhamed Ndao. Youssou Ndour, le roi du mbalax, ne dira pas le contraire. Face à Serigne Ousmane Dia Bombardier, il est sorti de l’arène déçu, les mains sur les épaules de ses encadreurs. Lui qui aime tellement être porté en triomphe. Au point de jouer, parfois, à la comédie quand il ne se sentait pas prêt. Lutteur rusé, Tapha savait provoquer le nul, (7).
UNE SOURCE INTARISSABLE
«Mbotti, Caxabal, Wëyëlé, téxum biir…Bref, Tapha Guèye a épuisé les registres techniques. Que ce soit en lutte simple, en lutte avec frappe, en lutte olympique ou en boxe (feu Gambie Keïta et Séni Ndoye de la Police étaient ses entraîneurs de boxe), il a gratifié les amateurs de 25 chutes, plus spectaculaires les unes que les autres. Depuis feu Docteur Fall, en passant par Alioune Diouf, Mame Ndieumbane, Ibou Ndaffa, Mouhamed Aly (par K.O) à Khadim Ndiaye, Balla Bèye, Lac de Guiers 1, pour ne citer que ceux-là, ils se sont tous abreuvés à la science du Tigre. Le lutteur le plus «complet», comme aimait à le dire un certain Mouhamed Ndao Tyson. Complet de par sa technique, mais aussi complet de par la trajectoire qu’il a prise tout au long de sa carrière. Tapha Guèye est l’un des rares, sinon le seul lutteur, à avoir navigué entre le passé, le présent et le futur. Il a lutté contre ses «grands», contre sa génération et enfin contre ses «fils». C’est un homme de défi. Beaucoup de lutteurs s’identifient à lui, mais personne n’a eu la chance de ressembler au Tigre. Tapha la science, une marque déposée, unique dans son genre. Au summum de son art, le frangin de Mbaye Guèye, sous les couleurs de l’Equipe nationale, a émerveillé l’Afrique. Pour revenir au pays, médaille au cou. Il a été plusieurs fois sacré vice-champion d’Afrique. Aux Jeux olympiques de Séoul, il a eu la mention Bien. Autant d’arguments qui confortent les propos de l’actuel roi des arènes, Yékini : «Le lutteur qui n’a pas croisé le fer avec Tapha Guèye aura une carrière inachevée.»
Témoignages
EL HADJI MANSOUR MBAYE : «Un lutteur comme Tapha Guèye, il n’y en aura plus»
«C’est quelqu’un qui est très proche de mes enfants. Il les fréquentait, mais c’est Mbaye Guèye qui était mon lutteur et ce dernier nous avait demandé de l’accompagner. Depuis, je l’accompagne. J’avoue qu’il n’a pas eu trop de peine à réussir son entrée dans l’arène. Il a débuté en faisant le vide autour de lui, notamment en battant tous les Sérères de sa génération pour faire l’unanimité dans la région du Cap-Vert. Moustapha est maintenant âgé, il va à la retraite la tête haute. Il a donné aux jeunes leurs chances. Il a l’expérience, il a le soutien de ses marabouts, mais il n’a plus la force qu’il faut pour faire face. Les jeunes se glorifieront d’avoir battu Tapha Guèye, mais ils l’ont battu quand il n’a plus sa force. Quoi qu’il en soit, Moustapha a eu le mérite de contribuer au développement de la lutte. Mbaye Guèye avait amené les cachets jusqu’à un million et Tapha Guèye a fait le reste avant que Tyson ne monte la barre plus haut. C’est mon point de vue. Un lutteur teigneux, courageux et talentueux comme Tapha Guèye, il n’y en aura plus. Cela n’enlève en rien aux mérites des autres.»
MBAYE DIEYE FAYE, SON BATTEUR: «Notre dernière sortie a été empreinte d’émotion»
«Je suis un féru de la lutte, car né dans une famille qui n’a cessé d’être le point de chute des lutteurs. De Mbaye Guèye à Moustapha Guèye, en passant par Birahim Ndiaye. J’ai eu le privilège d’être le tambour-major du Tigre et cela, à la suite d’une discussion pendant laquelle il m’a dit : «Mbaye, si tu acceptes d’être mon tambour-major, je vais gagner mon combat contre Ibou Ndaffa.» Depuis lors, nous sommes ensemble. Et, Dieu merci, nous avons plus de victoires que de défaites. Pour son dernier combat, c’était normal que je revienne l’accompagner, partager avec lui ces derniers moments dans l’arène. Je n’avais aucune pression, même si la rencontre était empreinte d’émotion. J’avais le sentiment que mon lutteur quitte l’arène la tête haute. C’est un grand champion, un lutteur qui a fait rêver ses adversaires. On lui demande de léguer son savoir-faire et son expérience à la jeune génération pour que l’écurie Fass reste forte. J’en profite pour féliciter Lac de Guiers 2 et Balla Gaye 2.»
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