Le chef de l’État a appelé Gérard Larcher, le président du Sénat, pour qu’il recadre les sénateurs chargés des travaux de la commission d’enquête.
Un coup de fil très inhabituel d’Emmanuel Macron à Gérard Larcher (LR) sur le traitement de l’affaire Benalla a provoqué la colère des sénateurs qui enquêtent sur la position qu’occupait l’ex-conseiller à l’Elysée, et pose la question de la séparation des pouvoirs.
"Qui est ce bagagiste, comme l’a dit M. Castaner, cette petite frappe, M. Benalla, pour qu’il puisse bénéficier du soutien de tout l’appareil d’État ?", a tonné jeudi le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau. Objet du courroux sénatorial : selon le site de L’Obs, Emmanuel Macron a appelé mardi le président du Sénat pour lui demander de garantir les équilibres institutionnels, estimant en substance que la commission sénatoriale sur l’affaire Benalla s’en éloignait.
Les échanges avaient été rudes le jour-même entre les sénateurs et l’ex-conseiller de l’Elysée, qui est allé jusqu’à juger la commission "illicite", qualifiant ses membres de "petites personnes" et son président Philippe Bas, issu de l’opposition LR, de "petit marquis".
Alexandre Benalla a fini par accepter, "contraint", son audition, fixée au 19 septembre.
"Calmer le jeu"
Questions : le Sénat est-il dans son rôle en enquêtant sur l’affaire Benalla ? Le coup de fil présidentiel constitue-t-il de son côté une ingérence de l’exécutif sur le pouvoir législatif ?
Les contacts – téléphone, rencontres inopinées… – entre l’exécutif et les présidents des Assemblées n’ont rien d’exceptionnels et sont rarement médiatisés. Du point de vue juridique en revanche, les experts rappellent que la Constitution dit que le chef de l’Etat veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics.
Il y a là une atteinte à la séparation des pouvoirs
"Est-ce que le Sénat, en ayant constitué une commission d’enquête sur l’affaire Benalla, provoque un dysfonctionnement des pouvoirs publics ? La réponse est non !", tranche Dominique Rousseau, professeur de droit à Paris-1. "Si ce coup de fil a effectivement été donné et si des remontrances ont été faites au président du Sénat, elles sont du point de vue constitutionnel totalement inadéquates. Il y a là une atteinte à la séparation des pouvoirs", souligne-t-il.
En enquêtant sur la position d’Alexandre Benalla à l’Elysée – les conditions de son recrutement, sa hiérarchie – la commission sénatoriale enquête sur le fonctionnement de la présidence. "Ce qui se passe actuellement me paraît être dans l’ordre d’un fonctionnement régulier des pouvoirs publics", conclut Dominique Rousseau.
L’opposition sénatoriale, droite et gauche, s’insurge elle contre les interventions de l’exécutif au "travail sérieux" du Sénat. "On voit tout l’appareil d’État, du président de la République à la Garde des Sceaux, à M. Griveaux (porte-parole du gouvernement), se coaliser pour soutenir M. Benalla", dénonce Bruno Retailleau.
"Si quelqu’un doit calmer le jeu, ce n’est pas nous, c’est M. Benalla qui fait très fort dans l’insulte des représentants du peuple et qui, compte tenu de ses exploits, n’est pas très bien placé ni pour proférer des injures ni pour donner des leçons de morale", a jugé Jean-Pierre Sueur (PS), l’un des deux rapporteurs de la commission d’enquête.
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