Liberté de s’enrichir ou liberté d’appauvrir « L’Etat est une Entreprise dont les Actionnaires sont les Citoyens »

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Liberté de s’enrichir ou liberté d’appauvrir « L’Etat est une Entreprise dont les Actionnaires sont les Citoyens »

L’accumulation scandaleuse et ruineuse de la richesse n’est pas possible dans un système économique où on échange du travail contre du travail. Dans une telle société un homme qui ne travaille pas ne mange pas. Accumuler un milliard de dollars par son propre travail personnel est une gageure, un pari impossible. La richesse appauvrissante n’est possible et n’est apparue que dans un système où l’échange se fait à travers la monnaie. L’argent a cette propriété spécifique de réserver de la valeur. Mais on n’échange pas de l’argent contre de l’argent pour vivre. On n’échange que des produits du travail contre de l’argent pour satisfaire ses besoins. Quand je vole de l’argent, je peux l’échanger contre du travail. Quand je détourne de l’argent, je peux l’échanger contre du travail. Quand j’obtiens de l’argent par la drogue ou la spéculation financière, je peux l’échanger contre du travail. Lorsque j’exploite le travail des ouvriers, je peux l’échanger contre du travail. Je peux accéder à une quantité énorme d’argent sans travailler et vivre comme un pacha. L’argent acquis par le vol, la corruption, le détournement, le trafic, l’exploitation permet d’accéder à tous les biens et services sans la moindre goutte de sueur. L’usage de la monnaie dans l’échange a donné la possibilité à certains d’exister et de vivre en parasites dans la société sans travailler.

Le capitalisme est une technique économique de production et de distribution dont la mécanique peut fonctionner sans créer nécessairement des riches et des pauvres outre mesure. Malheureusement notre modèle actuel crée plus de pauvres que de riches. La technique de production consiste à fusionner du capital privé et de la force de travail. La combinaison des deux facteurs de production donne un produit. Ce produit sera distribué contre un pouvoir d’achat. La technique de distribution se fait par l’intermédiation monétaire. La valeur monétaire du produit est composée d’une valeur ajoutée ou plus-value plus les coûts de fabrication ou de prestations. La déduction de toutes les charges hors salaire laisse une marge qui représente la valeur ajoutée qui rémunère le capital et le travail. Autrement dit, le capital avancé sous forme d’investissement ou coûts de production (hors coût du travail) par l’entrepreneur ou l’industriel est restitué. Il ne reste que les bénéfices à répartir entre les travailleurs et le propriétaire du capital. L’enjeu est le partage équitable de cette plus-value entre le capital et le travail. L’idéologie dominante décrète que la part du capital doit être beaucoup plus grande que celle du travail, unique source de valeur ajoutée qui rentre dans la comptabilité de l’entreprise. Notre histoire et notre civilisation reposent sur la valeur travail. La fonction travail est le moteur de notre évolution. L’éthique du travail est célébrée dans toutes les sociétés. L’argent (de l’industriel) ne crée pas de la richesse, c’est le travail (de l’ouvrier) qui crée de la richesse. La traite des nègres ou confiscation de la force de travail, source de richesse, a été le premier modèle d’accumulation de richesse. L’esclave devait travailler gratuitement pour le maitre qui s’enrichissait. Les machines (produits d’ailleurs du travail)  et tout l’environnement organisationnel qui entoure l’activité de production ne créent pas de la valeur. Tout cet environnement sans l’intermédiaire du travail ne produirait rien. Au contraire, le travail seul a produit le progrès sans cet environnement et continue d’en produire. Cet environnement ne représente que des conditions et des outils qui décuplent l’efficacité du travail. L’homme a toujours produit sa nourriture et satisfait ses besoins en l’absence de ces conditions techniques et organisationnelles. Cette répartition de la plus-value entre le capital et le travail pose donc un problème d’équité, de justice et d’éthique. Malheureusement cette règle de partage est sanctionnée par une légalité et justifiée par une idéologie. Il est alors clair que ce n’est pas la technique de production et de distribution du système qui est coupable mais l’arbitrage et le jugement de l’idéologie qui l’accompagne. L’enjeu du débat est dès lors de mettre en cause le coupable, l’idéologie libérale justificatrice de cette norme de répartition qui appauvrit le travailleur.

Faut-il revenir sur des normes de partage équitables et techniquement efficaces économiquement ? Nous pensons que le travail doit nourrir son homme. La part du salaire doit être suffisante pour mettre le salarié à l’abri de tout besoin. L’impôt sur la fortune (ISF) renvoie à la prise de conscience de l’injustice d’un tel partage de la richesse produite par le travail. Les fortunes accumulées s’opposent à la marche de l’économie. C’est du pouvoir d’achat immobilisé en dehors du circuit économique. Des propositions d’imposition de 75 à 90% ont été avancées pour redresser le préjudice économique et social que ces colossales fortunes entrainent. Nous saluons une telle redistribution de la richesse par l’Etat à travers l’impôt. Cette redistribution sous forme de revenu de base octroyé à tout citoyen  se transformerait en pouvoir d’achat et retournerait dans le circuit économique en créant à nouveau des emplois. L’argent mort reprendrait une nouvelle vie.

L’initiative « Giving Pledge » en 2010 révèle le choc provoqué par cette accumulation scandaleuse de la richesse chez certains milliardaires en dollars (Warren Buffett, Bill Gates,..) habitués des classements du journal FORBES. Toutefois, leur engagement compatissant à donner au moins 50% de leurs fortunes à des fins philanthropiques est à admirer. Cependant, ils préfèrent continuer à exercer leur droit de propriété et d’usage sur ce patrimoine qu’il juge privé.

Les autres plus égoïstes, plus cupides et plus sadiques organisent des évasions ou des exils de leurs avoirs dans les paradis fiscaux qui fournissent des services d’opacité en utilisant des législations de complaisance. Leur but est d’échapper à l’impôt sur la fortune, donc à une contribution sociale qui ne pouvait que les honorer en les déculpabilisant.

Le capitalisme libéral place la liberté au centre de l’activité économique. Le libéralisme économique encourage la liberté d’entreprendre et de s’enrichir. Cette liberté s’exprime en déverrouillant toutes les limites et obstacles nécessaires à la prévention de ses dérives. La concentration de la richesse dans les mains de quelques individus, résultat de cette liberté débridée, a conduit à des excès dévastateurs sur le plan économique et social. Elle a fini de creuser les inégalités sociales et économiques à un niveau exceptionnellement dramatique. La concentration des richesses secrète de la pauvreté. La richesse des uns s’accompagne nécessairement de la pauvreté des autres. La liberté de s’enrichir devient alors la liberté d’appauvrir les autres. Le droit de s’enrichir se confond au droit d’appauvrir ses semblables. Faut-il donc s’enrichir pour fondre les autres dans le creuset de la pauvreté. La liberté de s’enrichir ne doit pas se travestir en liberté d’appauvrir les populations. La liberté de s’enrichir s’arrête là où commence  la misère des autres. On choisit d’être riche mais on ne choisit pas d’être pauvre à moins d’être un pape. On est pauvre que par la décision d’un autre. Légaliser la liberté de s’enrichir, c’est légaliser la liberté d’appauvrir les autres.

Il nous faut dorénavant un réinvestissement moral et philosophique dans l’humain pour vaincre l’idéologie du matérialisme et de l’égoïsme qui retarde notre transition à l’idéologie du partage et de la sagesse.  Notre civilisation n’est menacée ni par le changement climatique ni par le modèle économique et financier en vigueur, mais par l’homme qui est devenu un animal matérialiste, égoïste, orgueilleux, narcissiste, vicieux, cupide et sans foi.

« L’ignorance est une source de domination et d’exploitation »

Dr. Abdoulaye Taye

Enseignant-chercheur à l’Université Alioune Diop de Bambey

Président de TGL (voir Tôt, voir Grand, voir Loin)

Operateur politique

 


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